Dounia Sichov, artiste multi-talents, revient avec nous sur l’aventure de ce premier film qu’est Her Job. Elle en est la monteuse.
Comment vos chemins se sont croisés avec Nikos Labot ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de le suivre sur ce premier long ?
Dounia Sichov : Nous nous sommes rencontrés un peu par hasard. J’avais rendez-vous avec ma productrice dans un café, elle était accompagnée de sa meilleure amie qui se trouve être la productrice de Nikos, Julie Paratian. On a échangé quelques minutes, puis ma productrice quelques temps plus tard a reparlé de moi à Julie qui cherchait une monteuse. Julie m’a envoyé le scénario. Je l’ai trouvé très beau. Il était sobre, simple. Il y avait une honnêteté qui me séduisait. Après, je me demandais comment tout cela allait être mis en forme. Il fallait que la forme vienne compléter ce récit très pur, le transcender.
Quelle a été votre réaction en découvrant alors les images et le style de Nikos ?
Dounia Sichov : J’ai été très agréablement surprise lorsque j’ai découvert les rushs parce que je ne connaissais pas le travail et le style de Nikos. Il y avait quelque chose de pop, dans les cadres, les couleurs, le rouge, le vert… Et puis j’ai été sensible à l’alternance des points de vue que proposait Nikos. On est tantôt dans le point de vue de Panayiota, plus dans l’émotion, tantôt dans un point de vue plus lâche où l’héroïne doit se débrouiller seule dans le cadre. Les cadres sont soudain plus larges, les plans plus fixes, et il se dégage une forme de drôlerie tendre. L’idée, c’était donc de naviguer entre ces deux points de vue et les émotions qu’ils suscitent. Dans le scénario, tout cela ne se sentait pas du tout. Du coup, de découvrir ça en visionnant les rushs, ça a été jouissif. C’était pour moi un vrai défi que d’arriver à trouver l’équilibre entre ces deux points de vue. Si on était trop avec Panayiota, on perdait la petite touche d’humour mais on était dans l’émotion brute, a contrario, si on avait quelque chose de trop distant on risquait de perdre l’émotion, et les aspects cocasses du film auraient pu paraître cyniques alors que ce n’était pas la cas… Bref, il a fallu jongler et équilibrer tout ça au montage. Ça a été un travail de dentellière.
Quel était le défi principal ?
Dounia Sichov : Nikos était tout le temps à mes côtés. On a testé plusieurs formules avant d’aboutir à la bonne version, celle qu’on trouvait juste. Ce qu’on a réussi, je crois, c’est à montrer l’évolution de cette femme. Parce que le film raconte l’histoire d’une femme qui se libère par un travail qu’on pourrait considérer comme avilissant vis-à-vis des conditions dans lesquelles il s’exerce mais dans lequel elle trouve épanouissement et liberté. Tout ceci a des conséquences sur son foyer, parce que les rôles sont soudain redistribués, ce qui perturbe le mari de Panayiota d’abord. Pour le mari, là aussi, il a fallu trouver le bon dosage, qu’on comprenne sa déstabilisation mais qu’on ne le perçoive pas comme un salaud, que ce ne soit pas quelqu’un qu’on ait envie de condamner ou mépriser. Lui aussi évolue, lentement, maladroitement, mais il évolue. Nous nous sommes vraiment servis de Panayiota comme guide, le film s’est construit autour d’elle et du nouveau monde qu’elle découvre, heureux comme pénible.
Qu’est-ce qui vous touche personnellement chez Panayiota ?
Dounia Sichov : Ce qui me touche, c’est que Panayiota n’est pas adaptée, si je puis dire, au monde qui l’entoure, et en même temps, comment s’adapter à ce monde-là ? C’est un monde de fou qui entoure Panayiota, et que je crois que c’est elle qui est dans le vrai. On ne peut pas s’adapter à ce monde-là. C’est vraiment ce clash entre elle et le monde qui m’a émue. Lorsqu’elle découvre le monde du travail, elle regarde ça avec des yeux ronds, tout en dehors de son foyer est enchantement, elle reçoit toutes ces nouvelles informations… Son parcours est très beau, elle comprend qu’elle a une force à part entière, elle s’affirme tout au long du film.
Vous êtes monteuse, mais aussi comédienne, réalisatrice et productrice, quels sont projets à venir ?
Dounia Sichov : Je viens de tourner dans Siberia de Abel Ferrara, en tant que comédienne. Je vais tourner mon propre film puisqu’on a obtenu le financement du CNC, je pense tourner à l’automne. C’est un documentaire sur la transidentité. Et je viens de terminer le montage du prochain film de Damien Manivel…
Photo Une : Copyright manuelmoutier