Numérique ta mère !
Effacer l’historique est un modèle de comédie des temps présents. Benoît Delépine et Gustave Kervern signent leur film le plus drôle, le plus désespéré et le plus contemporain en s’inspirant de leur quotidien, de notre quotidien. Situant l’action dans une banlieue semi-résidentielle, coincée entre ville et campagne, le duo de réalisateurs dresse le constat amer et désopilant de nos empêchements à l’ère du numérique. Les personnages interprétés par Blanche Gardin, Corinne Masiero et Denis Podalydès (trio d’enfer !) vont chacun à leur manière être confrontés aux dérives de cette époque et, surtout, de la binarité qu’induisent les technologies qu’on disait nouvelles il y a encore peu. Facilement estampillable « premier film gilets jaunes », Effacer l’historique réussit la prouesse d’éviter justement la moindre binarité préférant toujours mettre en avant ce qui nous lie et nous relie à ce qui nous sépare ou nous divise. Gardin, Masiero et Podalydès incarnent les handicapés numériques, esclaves des algorithmes, que nous sommes tous avec une vérité, un aplomb et une folie qui permet à cette critique impitoyable de l’époque d’être à la fois une comédie tordante et un véritable brûlot politique d’une contemporanéité évidente. Tout est juste dans Effacer l’historique, et même sa façon de renouveler la comédie française du fait social sans jamais verser ni dans la moindre complaisance vis-à-vis de ses personnages, ni dans la facilité d’un scénario idéalement troussé en vue d’un happy end salvateur. Comme c’était déjà le cas dans leur précédent opus, I Feel Good, l’écriture du duo Kervern-Delépine garantit les surprises, les excès et une poésie low-fi qui va bien au teint de leurs films libres et sans concession mais plein de convictions.
Réalisé par Benoît Delépine et Gustave Kervern. Avec Blanche Gardin, Corinne Masiero, Denis Podalydès, Vincent Lacoste… 1h46 – France- En salles le 26 août (Ad Vitam)