Chaque mercredi, FrenchMania vous propose une série, un film et/ou un documentaire français à découvrir sur petit écran, en ligne ou en VOD, depuis votre canapé, pour garder le moral et la santé ! Aujourd’hui, bracelet électronique, vacances en famille sur la Côte d’Azur et crise de la trentaine à Chaville.
La Fille au bracelet de Stéphane Demoustier, en VOD
Son premier film, Terre Battue, mettait en scène deux ambitieux, un père et son fils, dans le milieu du sport de compétition. Allons enfants, moyen métrage suivant, racontait la déambulation dans Paris de deux enfants, frère et sœur, perdus de vue par leur nounou au parc. Les liens qui unissent les personnages de La Fille au bracelet sont, là encore, ceux du sang. Le cadre est vite posé par Stéphane Demoustier : une famille, l’air pris ensemble à la plage, une ambiance sereine et complice. A cet idyllique tableau, une ombre, ou plus exactement un gyrophare. La police débarque et arrête Lise, 17 ans. C’est du meurtre de sa meilleure amie dont elle est accusée, et c’est donc au procès de Lise que le réalisateur nous invite. Ce n’est pas tant la vérité sur l’affaire ou la question de la culpabilité ou de la non-culpabilité de Lise qui intéresse Demoustier que la déconstruction du regard des adultes sur les adolescents. Car ce que découvrent les parents de Lise sur leur fille durant le procès affecte leur représentation chaste et chimérique. La vérité est là, elle est crue, cernée par les murs rouges du tribunal (TGI de Nantes) où se déroule principalement l’action, tandis que le visage de Lise, lui, reste impassible, morne. Melissa Guers, qui interprète la jeune accusée, joue la partition à la perfection, avec un détachement tout à fait glaçant. L’écriture est habile, les fils s’étirent mais ne rompent pas. La mise en scène est sans fausse note, sobre, la caméra, toujours à bonne distance – ici, ni voyeurisme, ni complaisance, ni pathos. On épouse le temps du récit, on avance pas à pas, au rythme des témoignages et des plaidoiries (deux avocates à la barre remarquablement interprétées par Annie Mercier et Anaïs Demoustier). La Fille au bracelet est fait de gravité et de mystère et tisse autour d’un crime une histoire de famille et de mœurs complexe et captivante.
Les Estivants de Valeria Bruni Tedeschi, sur Canal + jusqu’au 5 juin 2020
Après Actrices et Un château en Italie, Valeria Bruni Tedeschi poursuit son travail d’autofiction avec Les Estivants, adaptation très libre d’une pièce de Gorki qu’elle rend conforme à son monde à elle : conflictuel et trébuchant. L’action se déroule sur la Côte d’Azur, dans une luxueuse maison où séjourne la famille d’Anna (Valeria Bruni Tedeschi), toujours ébranlée par le deuil de Marcello, son frère, deux ans plus tôt. Il fallait des rayons de soleil pour définitivement marquer les peaux qui brûlent et révéler, dans ce décor de charme, la cruauté et les névroses tenaces de cette famille bourgeoise (dont le portrait avait été aisément entamé dans Un château en Italie). Dans cette maison où toutes les générations sont réunies, côté hôtes comme côté intendants, rien ne va. L’ambiance est morte, malgré les apparences et les apéros, les heures supplémentaires du personnel ne sont pas payées, le couple d’Anna bat de l’aile, le travail sur son prochain film n’avance pas comme elle le voudrait, quant au fantôme de Marcello, il hante les esprits de tout le monde. Inventif, drôle et amer, Les Estivants est tour à tour une fable, une farce, une tragi-comédie en trois actes où chaque entrée et sortie de champ annonce la tempête, un mélodrame (on chante et on s’engueule en italien). Constamment, le film se transforme, adaptant son allure à celle de ses personnages, heurtés, malheureux et lunatiques. On pense, comme un hommage, aux belles heures de la comédie italienne, à Moretti, parfois au Charme discret de la bourgeoisie de Buñuel, à certains films de Woody Allen, roi de l’autofiction qui aime lui aussi les musiques felliniennes, ou encore à Resnais (Smoking No Smoking), en moins joyeux et smart. Malgré quelques longueurs, Les Estivants sait transformer l’ennui que peut susciter l’intrigue initiale (une séparation, des vacances en famille) en quelque chose de plus grinçant et coriace. Relations dysfonctionnelles et rapports de classes sont au coeur de ce film qui n’échappe pas toujours à la complaisance mais séduit petit à petit par son énergie, sa chorégraphie (une vingtaine de personnages en mouvement dans ce décor imposant) et sa distribution, fantastique, premiers et seconds rôles compris, de Valeria Golino en passant par Riccardo Scamarcio, Noémie Lvovsky ou Yolande Moreau.
Irresponsable, saison 1 à 3 sur OCS
Si vous n’avez pas encore vu cette série signée Frédéric Rosset, plébiscitée depuis 2016 par la profession autant que le public, elle est idéale en période de confinement puisqu’elle met justement en scène un pro de la pause canapé et de la procrastination. Julien a 30 ans, il vient de perdre son job et son appartement. Plan B ? Réemménager chez maman à Chaville, où maman est heureuse de pouvoir bichonner son fiston à nouveau. Carrément régressif. Par hasard, Julien croise son premier grand amour, aujourd’hui maman d’un adolescent de 15 ans (Théo Fernandez, Gaston Lagaffe 2.0) qui n’est autre que… l’enfant biologique de Julien. Poisse. Julien doit-il s’impliquer dans le vie de cet adolescent qui lui est étranger ou fuir ses obligations comme il a l’habitude de le faire ? Comment devenir père d’un garçon déjà pubère quand on a aucun sens des responsabilités ? Irresponsable mise sur trois saisons – toutes remarquables – pour répondre à ces questions, faisant emprunter au héros nonchalant des chemins qui secouent sa morne routine. Répliques, gags et quiproquos font mouche, les personnages sont tous bien écrits et campés, les intrigues évoluent pour le meilleur, jusqu’au final, grandiose. Mais ce qui fait le sel de ce programme réjouissant et dans l’air du temps, c’est Sébastien Chassagne, vu récemment dans Une belle histoire sur France 2. En quelques années et quelques rôles (des seconds sur grand écran), il est devenu l’un de nos acteurs comiques préférés. L’allure du garçon d’à côté, le regard du clown triste, un bonnet de laine et un second degré irrésistible, il est loin des canons virilistes. A ce programme réjouissant, il apporte sa touche personnelle, sa mélancolie et sa sensibilité. Sous ses airs comiques délicieux, la série aborde des sujets de fond : le chômage, la dépression, la situation des mères célibataires, l’abandon parental … Dans les aigus comme dans les graves, Irresponsable est toujours juste, tendre quand il faut l’être, mais le plus souvent mordante et crue.