Ils sont tous les deux formidables dans le premier film de Suzanne Lindon, Seize Printemps. Arnaud Valois et Suzanne Lindon se sont confiés à FrenchMania sur leur rencontre et le joli pas de deux qu’ils exécutent avec grâce dans ce film sensible, libre et léger comme une bulle de savon.
Suzanne, Arnaud, comment vous êtes-vous rencontrés ?
Suzanne Lindon : On s’était croisé une fois à un anniversaire, on ne se connaissait pas mais moi j’avais flashé sur Arnaud ! J’étais en train d’écrire le film et je n’avais pas encore vu 120 battements. C’était dur pour moi de trouver celui qui allait jouer dans mon film un personnage qui est vraiment l’homme de mes rêves. Je n’avais pas d’idée préconçue mais je voulais le “max”. J’ai vu 120 battements, j’ai vu Arnaud et je l’ai aimé tout de suite. J’ai réussi à trouver son numéro de téléphone et je l’ai appelé.
Arnaud Valois : On avait passé un petit moment ensemble à cet anniversaire et il y avait eu une alchimie, quelque chose comme ça qui ne s’explique pas et comme ça arrive rarement. J’étais resté sur cette impression que m’avait laissée cette jeune fille, cette fraicheur… Et Suzanne me rappelle deux ou trois mois après en me demandant si je me souvenais d’elle. Elle avait fait une chorégraphie extraordinaire à cet anniversaire donc bien évidemment je me souvenais vraiment très bien d’elle. Elle m’a dit qu’elle avait écrit quelque chose, qu’elle y réfléchissait depuis longtemps et elle m’a demandé de lire. J’ai été un peu cueilli et curieux. J’ai lu tout de suite..
Suzanne Lindon : C’était encore un traitement, un peu comme une nouvelle de 28 pages et quand il m’a envoyé un texto, je n’ai vu que la notification et j’ai cru qu’il n’avait pas reçu mon mail. J’avais un peu le trac, je me souviens de tout, c’était un 16 mai puisque j’étais à l’anniversaire de ma grand-mère. Et, à partir de là, on ne s’est plus quitté !
Arnaud, comment décririez-vous le personnage de Suzanne qu’interprète Suzanne dans Seize Printemps ?
Arnaud Valois : C’est une jeune fille, lycéenne, qui s’ennuie dans sa vie, qui essaie de faire plaisir à tout le monde, d’être comme tout le monde. Intérieurement, dans sa tête, dans son cœur, elle s’ennuie énormément et un jour arrive sur cette place (celle du Théâtre de l’Atelier, NDLR) un petit problème avec un scooter qui l’intrigue et elle voit ce garçon que je joue, Raphaël, et ça va être pour elle une raison de se “désennuyer.” Et en apprenant à le connaître elle découvrira que lui aussi il s’ennuie énormément et ils iront plus loin dans ce “désennui” commun. C’est une jeune fille de son temps qui essaie vraiment de s’insérer dans son époque, elle y arrive, elle n’est pas marginale elle arrive bien à faire semblant mais en étant toujours un peu à côté.
Et vous Suzanne, comment pourriez-vous décrire le personnage de Raphaël ?
Suzanne Lindon : C’est un peu un homme qui est à part. On a d’ailleurs pas beaucoup d’information sur sa vie privée, sa maison c’est un peu son théâtre, il est un peu à côté des autres, dans une troupe mais un peu tout seul. Il est entre l’adulte et l’adolescent puisqu’il est attirée par cette jeune fille. Pour moi, c’est aussi quelqu’un qui n’est pas en phase avec ce qu’il vit à ce moment-là et ces deux personnages se rejoignent pas sur leur vie ni sur leur âge mais sur ce qu’ils ressentent et c’est en s’aidant mutuellement qu’ils tombent amoureux. A cause de l’âge de mon personnage, il y a pour elle cette sensation d’étape qui va lui servir pour reprendre pied dans sa propre vie. Alors que pour le personnage d’Arnaud c’est plus décisif parce qu’il est plus mûr et plus prêt à vivre autre chose. Il est très mystérieux mais accessible, elle ose y aller. Ils se reconnaissent.C’est un forme de parenthèse enchantée d’osmose.
Le fait que le personnage porte votre prénom, est-ce que cela délimite un territoire de l’autofiction ?
Suzanne Lindon : Il porte mon prénom pour plusieurs raisons. D’abord parce que je n’ai longtemps pas aimé mon prénom et que, quand j’ai eu 16 ans, j’ai eu un déclic et que je l’ai aimé. Et c’est aussi par rapport à deux héroïnes de films qui m’ont marquée : Sandrine Bonnaire dans A nos amours qui s’appelle Suzanne et Charlotte Gainsbourg dans L’Effrontée qui s’appelle Charlotte comme dans la vie. En voyant ce qu’elles ont réussi à faire si jeunes, cela m’a inspiré.Il y a beaucoup d’indices, de petits signes comme ça dans le film…le diabolo-grenadine, l’affiche dans ma chambre, c’est un genre de “trouvez Charlie” !
Est-ce que vous décririez le personnage de Suzanne comme romantique ?
Suzanne Lindon : Elle oui je la décrirais comme romantique et lui plutôt comme romanesque. Quand on parlait du personnage, on a évoqué Samy Frey dans César et Rosalie mais aussi Jacques de Nemours dans La Princesse de Clèves. Arnaud dans le film me fait penser à un héros littéraire.
Est-ce que c’est plus compliqué à notre époque d’être romantique ?
Arnaud Valois : Je ne pense pas, c’est quelque chose à l’intérieur de soi le romantisme. Il faut trouver d’autres romantiques. On peut mettre aussi du romantisme dans ses amitiés, dans ses rapports de travail, dans plein de choses de sa vie.
Suzanne Lindon : Comme ça se perd parfois, j’ai l’impression qu’il a de plus en plus de gens qui ont envie d’être romantiques. Quand on rencontre la bonne personne, ce n’est même plus une question. C’est sûr que c’est compliqué d’être romantique avec quelqu’un dont on se fout !
La différence d’âge entre vos deux personnages n’est jamais surlignée dans le film, et ce qui pourrait être de scènes d’amour sont des scènes dansées, comment avez-vous pensé cet obstacle ?
Suzanne Lindon : En fait, on a eu de la chance, c’est qu’Arnaud et moi on va super bien ensemble (rires). Il fallait que la différence d’âge existe sans devenir problématique à voir.
Arnaud Valois : Notre relation personnelle a infusé parce qu’on a eu un an entre le moment où Suzanne me fait lire et le moment du tournage, donc plein de moments pour se rencontrer, pour passer du temps ensemble et du coup, à l’écran, il n’y a rien de bizarre.
Suzanne Lindon : Il n’y a jamais eu de gêne à se montrer amoureux à l’écran. C’était important que cela existe visuellement sans être un problème. Le fait de danser ensemble, c’était un moyen de leur trouver un langage à eux, une sensualité à eux. Cette histoire d’amour est personnelle et unique et il fallait trouver une façon unique de montrer cela. Comme je n’aime pas beaucoup les scènes d’amour dans les films parce que c’est toujours moins bien que dans la vie, je n’en voulais pas. En voyant Arnaud bouger, je n’avais aucun doute sur l’idée que la danse marcherait. Quand ma prof de danse, avec qui je travaille depuis longtemps et avec qui j’ai fait les chorégraphies, a vu Arnaud en répétition dans son jardin, elle disait “Je suis suffoquée, c’est un danseur !“. Donc les scènes de danse sont devenues des scènes d’amour parce qu’il se passe quelque chose de physique mais rien de gênent donc la ligne de l’explicite n’est jamais franchie.
Dans vos vies aussi la danse est une forme de catharsis ?
Arnaud Valois : J’adore danser, seul ou pas. Et j’ai adoré ce travail avec Catherine la chorégraphe. C’était une prise de conscience du corps sur des choses minimalistes comme ça, ça fait vraiment du bien.
Suzanne Lindon : Moi je fais de la danse depuis que j’ai 3 ans et, en fait, mes premières grandes émotions c’était devant de la danse. Ma prof m’a fait découvrir très tôt des gens comme Pina Bausch ou La Symphonie du Hanneton, le premier spectacle de James Thiérrée devant lequel j’étais en larmes, cela m’avait vraiment touchée. Quand je n’arrive pas à mettre des mots sur les choses, danser ça m’aide.
On découvre à la fois une réalisatrice et une actrice, cela vous donne des envies précises pour l’avenir ?
Suzanne Lindon : Je ne sais pas mais j’ai vraiment fait le film pour jouer dedans, c’était clair ! Il fallait que je trouve un moyen de jouer en étant légitime. Et j’ai même trouvé hyper agréable de me regarder au montage. Je voulais bannir mes parents de mon envie de faire du cinéma. En ayant réalisé et en ayant écrit, j’ai compris que j’adorais ça et que j’avais envie de continuer à faire les deux mais il faut que cela soit nécessaire pour moi de raconter une histoire donc peut-être que ça prendra du temps car c’est un sentiment rare. Et sur ce premier film, l’énergie d’Arnaud m’a vraiment portée, le fait qu’il y croit presque autant que moi cela m’a vraiment aidée. Là, je tourne cet été un petit rôle dans le film de Valeria Bruni-Tedeschi sur le Théâtre des Amandiers et cela me passionne. Et puis après je tourne dans la saison 2 de la série En Thérapie dans les épisodes qui seront réalisés par Arnaud Desplechin.