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Enzo de Laurent Cantet et Robin Campillo

par | 17 Juin 2025 | CINEMA, z - Milieu

Touché par la grâce

Pour son ouverture, la Quinzaine des cinéastes nous arrache une nouvelle fois une larme avec un deuxième film-testament. Après Ma vie, ma gueule de Sophie Fillières l’an dernier, achevé par ses enfants et son monteur suite au décès de la cinéaste en 2023, cette année la sélection s’ouvre avec l’ultime film de Laurent Cantet (décédé il y a un an), réalisé par Robin Campillo, son compère de toujours – camarade de l’Idhec en 1983, il avait co-écrit et monté plusieurs de ses films (Ressources humaines, Entre les murs, L’Atelier). La différence avec l’autoportrait conscient de Fillières se niche dans le sujet, aux antipodes, tourné vers la jeunesse vibrante. Plus précisément, celle d’un jeune garçon de 16 ans, Enzo, auquel le métrage emprunte le nom, l’inscrivant dans une lignée romanesque de célèbres personnages éponymes d’œuvres d’apprentissage et auquel le comédien novice, Eloy Pohu donne visage et corps. Dans le sud de la France, vers La Ciotat, l’adolescent travaille comme apprenti-maçon sur un chantier sous le soleil brûlant et ne semble pas très habile de ses mains. Alors que son patron, ne trouvant pas Enzo à sa place comme ouvrier, veut confronter ses parents (interprétés par Pierfransco Favino et Élodie Bouchez), les rapports de classe renversent l’autorité de celui-ci quand il découvre l’immense villa surplombante dans laquelle vit cette famille. Cette dernière ne comprend pas bien non plus le choix de carrière du second, quand l’ainé s’apprête à rentrer au lycée Henri IV à Paris. Enzo vit mal ses privilèges et semble chercher sa place ailleurs, dans le manuel et l’organique plutôt que l’intellectuel. En bas, sur le chantier, il est troublé par Vlad (Maksym Slivinskyi), un collègue ukrainien impulsif. Désir, amitié, univers opposé qui le rapproche du réel, celui des guerres en cours où son camarade pourrait être envoyé : cette attirance reste magnifiquement trouble chez le garçon à l’âge des questionnements. Bouleversant et brutal parfois, Enzo prend forme comme une symbiose totale des univers des deux cinéastes-amis, la reproduction sociale et la lutte des classes qui sous-tendent les œuvres de Cantet se mêlent au désir inscrit dans la pellicule de Campillo. Leurs deux regards sont portés avec affection et empathie vers l’autre. On touche du doigt la grâce. 

Réalisé par Robin Campillo. Avec Eloy Pohu, Pierfrancesco Favino, Elodie Bouchez … Durée : 1H42. En salles le 18 juin 2025. 

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