Comment se sont passés ces deux derniers mois, pour vous et pour le cinéma Le Brady?
Fabien Houi : J’ai rattrapé mon retard en séries télé et j’ai bénéficié de ce privilège extraordinaire qui est d’avoir une salle de cinéma pour soi tout seul, donc égoïstement, j’en ai un peu profité ! On a eu la chance de pouvoir compter sur le chômage technique et le soutien du CNC, en plus des dispositions classiques réservées aux entreprises en difficultés. Ça nous a permis de stabiliser la situation durant les mois de fermeture, mais aujourd’hui, la reprise de l’activité en salles va nécessiter d’autres formes d’accompagnements. Là, on a colmaté les dégâts, mais il faut bien comprendre que le cinéma, c’est un partage de recettes avec les distributeurs donc tant qu’on ne passe pas de film, on ne partage pas de recettes. Après, on limite les charges structurelles, et la charge structurelle la plus lourde, c’est le loyer, et là on est tous en train d’essayer de voir avec nos propriétaires pour obtenir une remise de peine, Le Brady étant locataire d’une régie immobilière qui appartient à la ville de Paris, donc, en ce qui me concerne, j’ai bon espoir, les autres sont en négociations, et bien sûr, on les soutient moralement.
Les salles rouvrent leurs portes le 22 juin, comment vous y préparez-vous ?
Fabien Houi : On commence a sérieusement mettre en place les séances et à publier les infos petit à petit, reprendre contact avec les spectateurs et les convaincre de venir en salles découvrir ou redécouvrir des films. Dès le 23 juin au Brady, vous pourrez par exemple voir la restauration 4K de The Bride With White Hair de Ronny Yu, Grand Prix Gérardmer 1994, une séance à l’initiative du site CinéAsie.fr qui nous a proposé sur Twitter de “s’organiser une petite séance pour fêter la réouverture avec un bon film asiatique“. On a accepté la proposition ! Le film sera présenté par l’équipe de bénévoles du site. On déconfine aussi Promare de Hiroyuki Imaishi, grâce au distributeur indépendant Eurozoom et dès le samedi 27 juin, on organise un ciné-marathon Fassbinder. Même pas peur ! On a évidemment espacé les séances pour que les spectateurs puissent prendre un café à l’extérieur pour souffler. Puis on on projettera aussi, en simultanée de sa sortie VOD, Nuestras Madres, Caméra d’Or Cannes 2019.
Ce n’est pas nouveau, mais le confinement a confirmé l’attractivité de l’offre des plateformes et a bouleversé davantage les usages de consommation des films. Est-ce une donnée qui vous inquiète ?
Fabien Houi : Je ne suis pas très inquiet, mais peut-être parce qu’aussi pendant le confinement j’ai pu voir des films en salles, et faire comme tout le monde également, en voir en vidéo, et franchement, y a pas photo ! Voir un film en salle, c’est autre chose que de le regarder chez soi, même si on a un écran qui n’est pas trop petit et que les plateformes ont aussi leur place et leur rôle à jouer dans la diffusion des films. Donc, non, je ne suis pas inquiet, c’est juste qu’il faut que les spectateurs s’en souviennent rapidement ! Mais quand je vois que les terrasses se remplissent à nouveau, alors qu’on peut aussi boire des coups chez soi, j’ai bon espoir que celles et ceux qui aiment le cinéma reprennent le chemin des salles assez naturellement. Je vois bien l’enthousiasme des spectateurs sur les réseaux sociaux, la manifestation de leur envie de retourner au cinéma, la tendance est rassurante. Ceux qui n’allaient pas au cinéma avant n’iront pas plus, on va certainement avoir une petite vague de spectateurs anxieux qu’on va très vite rassurer. On va tout faire pour que le climat soit à la détente tout en respectant les conditions sanitaires imposées. La mise en route de la machine va peut-être un peu tousser les premières semaines, mais je veux être confiant.
Quelques mots sur la campagne des CIP (Association des Cinémas Indépendants Parisiens) dont vous êtes l’un des concepteurs et le trésorier ?
Fabien Houi : Cette campagne, c’était une manière de rappeler aux gens qu’on existe et de motiver leur retour en salles. L’idée n’est pas de lancer un SOS mais plutôt un appel à retrouver la complicité avec sa salle de cinéma indépendante à Paris. C’est pour ça qu’on a choisi d’appeler la campagne “J’aime mon cinéma indépendant, je le soutiens, j’achète une place”, et ça marche plutôt bien ! L’opération a été lancée début juin et on commence à recevoir les affiches qui soutiennent l’opération. Nous n’avons pour l’instant pas de date de fin pour cette campagne de soutien, on aurait pu penser l’arrêter à la réouverture des salles le 22 juin mais étant donné la petite fenêtre qu’on nous a laissée entre le moment de l’annonce de la réouverture par le gouvernement et la date de la réouverture nationale elle-même, on préfère se laisser une marge.
Bon à savoir :
En se connectant sur le site jaimemoncinemaindependantparisien.fr, vous pouvez acheter 1, 2 ou 3 places valables jusqu’au 31 décembre 2020 dans toutes les salles acceptant la Ciné Carte CIP.
Réservation The Bride With White Hair : http://www.lebrady.fr/pl/htyrpxngu).
Réservation cycle Fassbinder : http://www.lebrady.fr/pl/dagfujbht