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Félix Lefebvre et Benjamin Voisin (Été 85) : “François Ozon nous a laissés très libres”

par | 12 Juil 2020 | Interview, z - 2eme carre gauche

Copyright MANDARIN PRODUCTION/FOZ France 2 CINÉMA/PLAYTIME PRODUCTION/SCOPE PICTURE – Diaphana Distribution

Ils rayonnent comme deux astres dans Été 85. Félix Lefebvre et Benjamin Voisin jouent, pour François Ozon, deux meilleurs copains qui vont faire l’apprentissage des désirs, du frisson et du danger. Deux personnages au caractère très différent mais parfaitement compatibles. Entretien avec les acteurs, solaires à la vie comme à l’écran.

Avant de tourner ce film avec François Ozon, quel rapport vous aviez l’un et l’autre à son cinéma ?

Benjamin Voisin : La bulle, zéro ! Une découverte totale, et ça a été une chance folle parce que j’ai passé le casting, j’ai été pris, j’ai lu le scénario dans son intégralité, et par la suite, j’ai vu les dix-huit films de François, avant le tournage. Je crois que ça m’a permis de mieux comprendre sa technique, ses volontés, son point de vue… Donc quand je suis arrivé sur le plateau, j’avais tout ça dans l’oeil, et je pensais par exemple à Charlotte Rampling dans Sous le sable, qui attend que la fin de la scène glisse sur son personnage, parce qu’il y a toujours des mouvements de caméra un peu trainants où les pauses et les regards ont de la valeur.

Félix Lefebvre : J’avais vu quelques films de François, des films que j’ai aimés, mais sans vraiment identifier le cinéaste qu’il était. Comme Benjamin, une fois le casting passé, j’ai regardé presque tous ses films, et là j’ai pris conscience de l’ampleur de son cinéma. J’ai été sensible à la manière dont il met en scène les acteurs. Ça m’a tout de suite rassuré. Avec François, ce que j’ai aimé sur le tournage, c’était le fait qu’il soit instinctif et naturel dans ses rapports avec Benjamin et moi. Il est du genre à croquer dans un burger plutôt que de le découper au couteau et à la fourchette, et ça n’a l’air de rien dit comme ça, mais on n’a jamais senti de côté écrasant ou supérieur. On était à l’aise, on avait une relation de confiance et on pouvait tout se dire sans se froisser.

Comment vous a-t-il accompagnés dans la construction de la relation entre vos deux personnages ?

Félix Lefebvre : Il nous a laissés très libres. Pour ma part, je ne me suis pas senti “guidé”.

Benjamin Voisin : Il nous a très vite dit, en citant un autre cinéaste, Pialat je crois, que la direction d’acteurs, c’était à 70% lié au casting. Les 30% qui restent, c’est sur le tournage que ça se fait. François n’est pas quelqu’un de super directif, en revanche, il est super sérieux et quand il dit “action”, c’est parti quoi.

Félix Lefebvre : Puis le scénario nous a aidés aussi à comprendre et envisager les personnages. On a fait quelques répétitions et lectures, c’était davantage pour trouver la bonne alchimie, le lien juste entre Alexis et David, pour qu’une fois arrivé au tournage, on soit dans la bonne énergie. Alexis, c’est un personnage qui est en admiration devant David, il bouge autrement, il est à l’écoute, il boit les paroles de David et les prend comme des vérités pures.

Benjamin Voisin : Parce que dans la vie, tu ne m’admires pas ? OK…

Félix Lefebvre : Si (rires), mais on est quand même très différents de nos personnages en vrai et je ne t’admire pas de la même façon qu’Alexis admire David !

Vous avez semble-t-il eu certains devoirs préparatoires, comme voir certains films recommandés par Ozon…

Félix Lefebvre : C’est vrai ! My Own Private Idaho, Stand By Me, Été 42… Que des films que je n’avais jamais vus et que j’ai adorés. François, c’est un cinéphile vraiment aguerri, et tous ses conseils se sont avérés précieux. Et en même temps, je trouve qu’il fait des films pour le grand public, et les références qu’il nous a données ou qu’il donne aux spectateurs dans ses films, elles sont identifiables, un peu cultes, et ça peut parler à tout le monde et à tout âge, pas seulement à quelques connaisseurs. Aussi parce qu’il y a de la sincérité  et de la simplicité partout, dans les personnages, dans les dialogues, dans les costumes.

Benjamin Voisin : Oui, et au delà des références cinéma, je crois que l’histoire est universelle parce qu’on a tous été adolescents, qu’on a tous connu un premier amour et des personnes au caractère un peu dominant, comme le personnage de David, dans sa vie, et donc on fait vite le transfert. Le film est vachement pur en fait, François n’a jamais gardé les prises où le jeu était un peu forcé, il a misé sur l’intime, sans être pudique, le naturel aussi.

Félix Lefebvre : En fait François ne veut pas qu’on montre, mais qu’on ressente, et pour un acteur, ça c’est super. C’est un super moteur. J’étais tellement dedans pour tout vous dire que la soir, pendant le tournage, je rêvais des scènes. C’était comme être dans une bulle et c’était jouissif. Puis, c’était mon tout premier grand rôle, et j’espère avoir acquis aussi de la maturité dans le travail.

François ne veut pas qu’on montre, mais qu’on ressente, et pour un acteur, ça c’est super.

Et vous vous êtes entrainés à la voile ?

Benjamin Voisin : On a fait une tentative pendant quelques jours. C’était calamiteux. Le premier jour, on a cassé un mât en deux. Mais ce qui comptait pour nous, c’était ce qui se passait après ces cours, les balades dans le Tréport, on se projetait dans l’histoire avec Félix, dans les décors et dans l’époque.

Félix Lefebvre : En voyant les décors, les scènes qu’on avait lues sur papier prenaient une autre ampleur. Je pense par exemple à une scène avec Kate où mon personnage est avec elle en haut du falaise, et là, on prend conscience aussi de la portée symbolique du lieu et de la scène, le fait que le personnage soit de plus en plus près du gouffre et du vide.

Benjamin Voisin : Les costumes aussi ont participé au travail. Les porter, c’était porter la peau des personnages. Pascaline Chavanne, chef costumière qui travaille avec François depuis des années, a fait un boulot de dingue. Elle était vachement à l’écoute. Elle a réussi à nous faire porter des fringues atroces mais qui sont parfaitement en accord avec l’époque à laquelle se déroule le film. A l’image, c’est très agréable à regarder.

Félix Lefebvre : Comme pour la musique. Au départ, on se disait qu’il y avait des trucs bien ringards quand même, mais quand on voit le résultat, ça n’a pas du tout cet effet-là. C’est là le grand talent de François, sa vision du cinéma. Tout est pensé.

On n’est pas chez le psy, mais on aimerait bien que vous nous parliez de vos mères… enfin celles de vos personnages.

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Félix Lefebvre : C’est Isabelle Nanty qui joue la mère d’Alexis, et pour tout vous dire, elle ressemble un peu à la mienne. C’est une femme aimante et peu tranquille. On dirait qu’elle attend le désastre. Et Isabelle joue parfaitement cette mère inquiète et possessive, possessivité qui déteint sur Alexis.

Benjamin Voisin : La mère de David, c’est Valéria Bruni-Tedeschi qui l’interprète, et Valéria, c’est… Valéria. Une tornade. Il faut suivre le rythme, elle est à bloc, tout le temps. Parfois, on l’attendait sur le plateau, et en fait elle était partie chercher des gaufres. Mais quand elle est là, elle est à 100% là. C’est impressionnant. Elle est intense, elle prend beaucoup de place. Et quand on voit le film, on comprend pourquoi elle compose son personnage de cette manière-ci. Elle est capable d’emmener une scène à un autre endroit, et nous, on a suivi le rythme, on s’est laissé entraîné par elle, parce qu’on voulait voir où ça menait au lieu de résister bêtement.

Félix Lefebvre : Elle ne triche pas, et du coup, on ne peut pas tricher non plus.

Été 85, réalisé par François Ozon, en salles le 14 juillet 2020.

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