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Fema La Rochelle 2024 – de Chantal Akerman à Napoléon

par | 11 Juil 2024 | Reportage, z - 2eme carre droite

Ni compétition, ni prix, ni jury, le FEMA – festival La Rochelle cinéma – continue d’être une grande fête cinéphile célébrant le cinéma d’hier et d’aujourd’hui. Retour sur une édition 2024 dont on ressort, une fois encore, avec des étoiles dans les yeux.

Créé en 1973, le FEMA réunit à La Rochelle public et professionnels autour de nombreux événements pour tous les amateurs de salles obscures : rétrospectives, hommages, avant-premières, ciné-concerts, table-rondes… Cette année, le festival rendait hommage à la comédienne Françoise Fabian à travers plusieurs films de différentes décennies : de Ma Nuit chez Maud d’Éric Rohmer à La Bonne année de Claude Lelouch, de L’Arbre et la forêt de Ducastel et Martineau à Rose d’Aurélie Saada ; mais aussi aux cinéastes Michael Haneke, Benjamín Naishtat ou Aktan Arym Kubat. Les rétrospectives mettaient en sur le devant de la scène Chantal Akerman avec 19 films (courts et longs métrages, documentaires et fictions) de la cinéaste belge en partenariat avec Capricci, l’actrice américaine Natalie Wood à travers une décennie de 1955 à 1966 ou un parcours consacré au cinéma emblématique de Marcel Pagnol. Les festivaliers pouvaient aussi découvrir ou redécouvrir Yannick Bellon, Martá Mészáros, Nino Sevilla, Daniel Day-Lewis… Le FEMA, c’est aussi l’occasion de découvrir en avant-première un certain nombre de longs métrages dont certains faisaient partie de nos coups de coeur au Festival de Cannes en mai dernier : Les Fantômes de Jonathan Millet, À son image de Thierry de Peretti, Ma vie ma gueule de Sophie Fillières, La Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy et Le Royaume de Julien Colonna.

Coups de coeur

Le Roman de Jim de Arnaud et Jean-Marie Larrieu (2024)

Déjà présenté en avant-première au festival de Cannes dans la sélection Cannes Premières, le dernier film des frères Jean-Marie et Arnaud Larrieu était également projeté au FEMA. Ils signent ici l’adaptation du roman éponyme (Le Roman de Jim) de Pierric Bailly. Étiré sur vingt ans, dans les montagnes du Jura, le film s’attache à observer avec tendresse les liens amoureux et familiaux entre les personnages et surtout la paternité qu’elle soit biologique ou non. Quand Aymeric (Karim Leklou) rencontre Florence (Laetitia Dosch), elle est déjà enceinte de six mois et c’est lui qui élèvera le petit Jim comme son fils. Le jour où revient le père biologique, Christophe (Bertrand Belin), les cartes sont redistribuées et la famille nucléaire se reconstitue laissant Aymeric seul. Fresque romanesque de la paternité, se posant la question de si elle peut être partagée ou non, Le Roman de Jim, tend vers le mélo, raconte une masculinité différente inscrite dans la douceur incarnée dans le personnage de Leklou. Mais chaque comédien joue des partitions différentes qui s’entrecroisent comme la musique composée par Bertrand Belin et par le jeune Shane Copin. En salles le 14 août 2024.

Manon des sources de Marcel Pagnol (1952)

En 1952, Marcel Pagnol réalise Manon des sources, première partie d’un diptyque dont la seconde est Ugolin. Extrêmement drôle dans ses scènes collectives et moderne dans son propos, ce premier volet semble découpé en deux parties. On y croise d’abord les notables de la village aux accents chantants locaux converser à propos d’une jeune fille vivant hors du village dans les collines et recherchée par les gendarmes pour avoir frappé un garçon d’un coup de bâton. Au café, les échanges aux dialogues impeccables fusent de toute part, les hommes mettent au courant le professeur arrivé de la ville sur les histoires du coin. Peu à peu, nous découvrirons la fameuse Manon et sa haine contre les gens du village. Cette bergère incarnée par Jacqueline Pagnol, dans un rôle écrit pour elle par l’auteur-réalisateur, héroïne éponyme du film, apparait rapidement comme un personnage féminin étonnant et atypique dans cette micro-société des années 1950. Une oeuvre réjouissante qui donne envie de découvrir la suite Ugolin et de se reprocher sur toute la filmographie de Marcel Pagnol.

Toute une nuit de Chantal Akerman (1982)

Alternant déjà documentaires, expérimentations et fictions, Chantal Akerman réalise au début des années 1980, Toute une nuit. Dans cet espace-temps nocturne à Bruxelles, couples et duos, se retrouvent, s’étreignent, s’enlacent, se détachent… Oeuvre d’une peintre, chaque séquence de duo ressemble à un petit tableau vivant, une petite fiction en chassant une autre. D’abord en extérieur dans les rues de la ville, la caméra d’Akerman s’immisce progressivement dans les cages d’escaliers, puis dans l’intimité des intérieurs jusqu’aux chambres. Les bruits de la ville se font entendre dans ce grand silence, des talons qui claquent sur le sol aux paroles adressées murmurées. Cette nuit éternelle hypnotise le spectateur, le captivant pendant 1h30 devant ses corps en mouvements et ces valses de gestuelles amoureuses éclairées par la chef-opératrice Caroline Champetier.

Napoléon vu par Abel Gance (1927)

Enfin ! Et c’est historique ! Depuis 1927, personne n’avait pu voir la version intégrale de plus de 7h, dite « Apollo » ou « Grande Version », du Napoléon d’Abel Gance. Après environ 16 ans de restauration, par la Cinémathèque Française, sous la direction de Georges Mourier, le film est désormais visible divisé en deux époques. De l’enfance à Brienne à la Campagne d’Italie, Albert Dieudonné interprète Bonaparte dans cette odyssée historique dont la partition inédite a été dirigée par Simon Cloquet-Lafollye et enregistrée par les musiciens des orchestres de Radio France. Considéré à juste titre comme un chef-d’oeuvre de l’histoire du cinéma, ce Napoléon est un des derniers films muets sorti en salles seulement quelques mois avant l’arrivée du cinéma parlant et pourtant séquence après séquence, il illustre l’avant-gardisme de son réalisateur. Caméra montées sur des chevaux, triple-écran final, scènes d’action colorées de rouge sanglant, prouesses techniques rendent cette expérience de cinéma monumentale, unique. Symphonique et épique, après avoir traversé la mer déchainée dans la première partie, la Révolution française dans la seconde, Napoléon trouve son apogée dans le feu d’artifice final en triptyque entre les soldats de la campagne d’Italie, les visages de Joséphine de Beauharnais et de Bonaparte se télescopant et l’apparition d’un drapeau Bleu, blanc, rouge ! Grandiose, tout simplement ! Ressortie en salles mercredi 10 juillet 2024.

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