Au terme d’une édition de tous les records, le Festival international du film d’animation d’Annecy s’est clôturé samedi dernier. Sous un tonnerre d’applaudissements, c’est le long métrage franco-italien Linda veut du poulet qui a reçu le convoité Cristal du meilleur film. Un prix amplement mérité qui récompense l’audace formelle de cette œuvre, ode à l’enfance, à l’optimisme et à la liberté signée Chiara Malta et Sébastien Laudenbach. Mais ce n’est pas la seule œuvre française couronnée sur les bords du lac annécien cette année, loin de là…
Par Kevin Giraud
Palme d’Or du court métrage il y a à peine un mois, 27 de Flóra Anna Buda a reçu le Cristal, offert par un jury belgo-américano-français à ce film mêlant onirisme et quête de sens chez la jeune Alice. Et pour compléter ce duo gagnant, le bluffant Sirocco et le Royaume des courants d’air a conquis les spectateurs petits et grands, jusqu’à s’offrir le Prix du Public.
Si la France joue bien sûr à domicile sur les terres d’Annecy, force est de constater que l’inventivité ainsi que la créativité des studios et des écoles françaises sont aussi pour beaucoup dans ce palmarès impressionnant. Les Gobelins, la Poudrière, ISART, l’ESMA, autant de noms qui s’inscrivent dans les classements internationaux et qui attirent des jeunes talents du monde entier en leurs murs. Quant aux studios de production, qu’ils soient indépendants comme La Cachette ou internationaux comme Illumination ou Fortiche, tous s’intègrent parfaitement dans l’écosystème mondial du cinéma d’animation post-pandémique, où l’expertise et le talent prime désormais sur la localisation. Un écosystème où la coproduction est une norme, lorsqu’on connaît le coût faramineux d’une minute d’animation, peu importe le format ou la technique. De la stop motion du studio Foliascope dans Léo aux tâches de couleurs vibrantes de Linda veut du poulet en passant par la 3D des Inséparables et par le dessin traditionnel de Sirocco et le Royaume des courants d’air, l’animation européenne et internationale bénéficie indéniablement du savoir-faire des professionnels français du secteur.
Des artistes aux styles aussi variés qu’uniques.
Toute cette diversité a fait vibrer les quelque 16.000 accrédités du festival pendant une semaine, alors que se sont enchaînés les conférences, workshops et projections dans les salles d’Annecy pleines à craquer. Un exemple de cette polyvalence indéniable : la success story qu’est Miyu Productions, décidément de tous les bons coups de cette édition. Fondée par Emmanuel-Alain Raynal en 2009, la société a su se tailler une place de reine au sein du milieu de l’animation, produisant et distribuant courts et longs métrages internationaux avec un flair tout particulier. Alors que Saules aveugles, femme endormie mettait les nouvelles de Murakami à l’écran, c’est désormais avec le studio Shin-Ei Animation (Doraemon) que travaille Miyu, pour une rare coproduction animée franco-japonaise prévue pour 2024. Chat-fantôme Anzu, à mi-chemin entre les itérations contemplatives de Miyazaki et l’humour cynique, semble bien parti pour défrayer la chronique. Et ce n’est que l’un des nombreux projets que Miyu a dans ses pipelines.
Au-delà des frontières de l’Hexagone, le cinéma d’animation francophone était aussi au cœur de cette édition annécienne haute en couleurs. Pour la toute première fois, un long métrage africain – et plus précisément camerounais – était en compétition. Fruit de douze ans de labeur acharné, La Grotte sacrée de Daniel Minlo et Cyrille Masso ouvre la porte à de nombreux futurs possibles, que l’on espère glorieux. À Madagascar, au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou au Cameroun, les animateurs et producteurs se mobilisent pour raconter de nouveaux récits, développer de nouvelles formations et promouvoir de nouveaux talents. Une énergie que l’on pouvait ressentir dans les salles et dans les workshops de cette cuvée 2023 d’Annecy, porteuse de beaucoup de promesses.
Qu’est-ce que cela réserve-t-il au public pour les prochains mois? De très belles propositions animées, dans des univers très variés. L’étonnant Mars Express, superproduction animée de science-fiction prévue pour la fin d’année, qui a conquis les spectateurs avec sa proposition entre Asimov et le néo-noir façon Blade Runner. Ou le touchant La Sirène, coproduction européenne adoptant le point de vue d’un jeune iranien en 1980, alors que sa ville subit le siège des forces armées irakiennes. Ou enfin, Robot Dreams, un film inattendu mais captivant, malgré son absence de dialogues, sur l’amitié improbable entre un robot et un chien, qui vous fera quitter la salle le sourire aux lèvres et les rythmes entraînants de Earth, Wind & Fire en tête. Autant de films qui, par leurs sujets et par leurs styles, représentent la force qui est celle du cinéma d’animation francophone contemporain.