Daniel Sandu a triomphé dans son pays, la Roumanie, avec un premier film inspirés par ses souvenirs de séminaire. Un Pas derrière les Séraphins, présenté dans la compétition européenne du Arras Film Festival, est reparti avec le prix de la mise en scène, l’Atlas d’argent, du jury présidé par Emmanuel Finkiel ainsi que le prix du jury Jeunes composé de lycéen-ne-s de la Région Hauts-de-France en option cinéma. Rencontre avec un jeune réalisateur roumain à suivre de près.
Quel a été le point de départ de cette histoire ?
Il y a en fait plusieurs points de départ. Le principal date du début des années 2000 quand j’étais étudiant en école de cinéma, je racontais à mes amis et collègues, des souvenirs de mes années d’études au séminaire pour devenir prêtre. Leurs réactions étaient très intéressantes et j’ai compris que si eux avaient ce genre de réaction, j’avais de quoi raconter une histoire dans un film. Après quelques années à « pitcher » le projet, j’ai commencé à écrire le scénario. Le premier jet date de 2004, j’ai trouvé la bonne productrice, Ada Solomon, en 2007 et nous avons développé projet pendant de nombreuses années avant de commencer enfin le tournage en 2015, terminé en 2016. Le film est sorti en Roumanie en 2017. C’est un long chemin ! Mais le véritable point de départ cela a été ma décision, à 13 ans, d’entrer dans ce séminaire pour devenir prêtre. Je voulais faire quelque chose de spécial de ma vie, et, inconsciemment, c’est de là que date le vrai point de départ du film.
Le propos est donc complètement autobiographique ?
Le film est vraiment basé sur des événements que j’ai vécu il y a 25 ans mais c’est une fiction donc quelques éléments ont été modifiés. Notamment, le nom des personnages réels et la chronologie des événements puisqu’en réalité cela a duré 5 ans et que dans le film tout est regroupé sur une période d’un an et demi. Un des autres changements, c’est que plusieurs personnages ayant existé sont souvent fusionnés en un seul sinon il y aurait eu trop de personnages. Les images qu’on voit pendant le générique de fin sont des images dans lesquelles j’apparais ! Je cherchais un meilleur moyen qu’un carton pour signifier que le film était basé sur des faits réels, et j’ai décidé de montrer quelques vraies images filmées à l’époque, un extrait d’une minute parmi de nombreuses heures d’images tournées. C’est une façon d’authentifier le récit et cette scène des lettres de filles reçues suite à une petite annonce et à laquelle personne ne croyait dans le script !
Le film raconte les dilemmes qui traversent les jeunes élèves du séminaire pris entre vocation, volonté d’élévation sociale par des études prestigieuses et pulsions adolescentes…
Après 45 années de communisme, de nombreuses églises avaient été détruites en Roumanie et le fait d’aller à l’église était très mal vu. Après la révolution, la fréquentation des églises a explosé, elles étaient tout le temps pleines ! Les gens n’arrivaient même plus a trouver une place donc de nombreuses églises ont été construites et de nouveaux prêtres formés. Le prêtre est dès lors devenu une figure importante de la communauté, une personne qui peut convaincre les gens sur quoi faire, quoi vendre, quoi acheter, quoi voter ! Ils ont gagné la confiance des gens de par leur autorité morale, ce qui donne de grandes responsabilités. Du coup, l’Église est devenu le corps n°2 dans la confiance des gens, juste après l’armée. Ce que j’ai découvert en devenant étudiant au séminaire, c’est que la vocation était importante mais que chacun était là pour ses raisons propres. Nous étions tous là pour être prêtres mais pour des raisons très différentes. Moi j’étais là parce que je pensais que cela allait être un peu spécial, comme l’école dans Harry Potter et que j’allais apprendre à connecter les gens avec Dieu. Vu de l’extérieur, c’était un peu comme la Nasa ! Mais certains de mes camarades étaient là pour faire de l’argent, en trouvant dans ce métier, une façon de vivre confortablement. D’autres voulaient simplement quitter leur foyer et des familles abusives. Nous étions 30 gamins sélectionnés parmi 900 candidats, nous étions les élus et en étions très fiers. Et notre uniforme était très respecté notamment par les filles et on en profitait tant qu’on pouvait !
Un pas derrière les séraphines a remporté de nombreux Gopo qui sont l’équivalent roumain des César, c’est inattendu pour un premier film ?
Oui, on a eu 15 nominations et on a gagné en plus le prix spécial pour le directeur de la photo remis par le syndicat. On a gagné meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleur acteur pour celui qui jour le prêtre enseignant, meilleur second rôle pour le jeune acteur qui interprète Aid, meilleure image ou encore meilleur espoir pour le comédien qui joue Gabriel… C’est un record ! Et comme ce sont les 500 membres de l’Académie, tous professionnels, qui votent, c’est, il me semble, un vrai signal pour des changements dans l’industrie cinématographique roumaine. Car, depuis, 20 ans, de nombreux films roumains. De nombreux films roumains sont considérés comme des « films de festivals » et même si ce sont des grands films, il ne rencontrent pas le public local. En même temps, il n’y a que 16 salles dans tout le pays !
Le projet avait été présenté aux Arras Days et, cette année, vous participez au concours de pitching avec votre nouveau projet en développement, peut-on en savoir un peu plus sur ce film ?
Oui et je suis ravi d’être ici, j’en ai même profité pour aller à Paris pour la première fois de ma vie lors de ma journée libre ! J’ai vu la Tour Eiffel et visité une partie du Musée du Louvre, pour moi c’est déjà une expérience géniale ! Le film s’appelle Father moves mountains (Un père qui déplace les montagnes, NDLR), c’est également basé sur des faits réels mais cette fois-ci sans connexion avec ma vie. C’est l’histoire d’un père de 55 ans qui découvre que son fils de 30 ans est parti e expédition dans les montagnes avec sa petite amie et qu’ils se sont perdus. Ils ont appelé les secours mais personne ne les retrouve. Ils ont disparu. Le père va donc décider d’aller sur place, et après l’abandon des équipes de recherche, il va mettre en place en 24 heures une sorte d’équipe privée militaire grâce à des amis dans l’armée, des soutiens, des spécialistes des montagnes venus de Suisse. C’est un film sur l’ambition et les limites de l’ambition et du pouvoir des promesses qu’on a faites. Cela se déroule dans les montagnes des Carpates en Roumanie qui sont visuellement très impressionnantes et nous voulons créer une vraie expérience cinématographique pour les spectateurs en termes d’émotion et d’esthétique donc on espère que cela va se tourner l’année prochaine si tout va bien côté financement.
Photos/Crédits : Portrait de Daniel Sandu/Léa Rener, Arras Film Festival – Un Pas derrière les Séraphins/Indie Sales