La 21ème édition du Festival international du film de Morelia au Mexique, devenu en quelques années l’un des rendez-vous cinéma majeurs d’Amérique Latine, s’est achevée ce week-end, récompensant le film Totem (Prix du jury et du public). Comme chaque année le festival qui recevait Jessica Chastain, Jodie Foster, Viggo Mortensen, Willem Defoe ou encore James Ivory, a fait la part belle au cinéma français en invitant le récent lauréat d’un Ours d’Or à Berlin, Nicolas Philibert, la récipiendaire du prix Jean-Vigo pour Enorme, Sophie Letourneur ou encore Eytan Jan et Darius Kaufman, les deux réalisateurs d’un documentaire sur la cinéphilie à Cuba, A la chaleur des années froides. A la tête de cette délégation française, une habituée, Rosalie Varda, qui venait présenter ses deux dernières productions : Viva Varda !, le portrait intime de sa mère signé Pierre Henri-Gibert et Room 99, 20 ans après le Room 66 de Wim Wenders. Rencontre.
Comment s’est créé votre lien avec le festival de Morelia ?
Rosalie Varda : D’abord, je connaissais le festival de Morelia depuis des années. Je connaissais Daniela Michel (la directrice du festival, NDLR). On se croisait souvent, dans d’autres festivals et notamment au festival de Cannes. On avait eu un projet de venir avec Agnès au festival de Morelia, et puis, ça ne s’était pas fait parce qu’Agnès était tombée malade. En 2019, Daniela m’a proposé de venir présenter une rétrospective des films d’Agnès. Donc, en octobre 2019, je suis venue ici, j’ai rencontré les programmateurs, les salles étaient pleines. On a montré au moins cinq films d’Agnès et son documentaire Varda par Agnès. J’ai découvert d’abord que c’était une ville universitaire et que donc il y avait beaucoup de jeunes. J’ai aussi mieux compris ce que je savais au sujet du Mexique et de sa tradition cinéphilie. Et j’ai continué à venir ici parler des films de patrimoine, de l’éducation à l’image, en se disant qu’il fallait que les cinéastes de demain connaissent les films d’avant. La compétition accueille les premiers et deuxièmes films de long métrage de fiction mexicains. Mais en dehors de ça, ils présentent un cycle de courts métrages, des documentaires, des avant-premières mexicaines et une très belle programmation internationale. L’idée, c’est de montrer que le cinéma est un art jeune, comparé à la peinture, à la sculpture… mais qui a quand même une histoire. Et puis on voit un public jeune, hyper calé, hyper cinéphile, des spectateurs concernés par le cinéma. C’est ce qui me séduit et me donne la force de continuer à faire ce que je fais. Donc cette année je reviens avec Viva Varda ! un documentaire qu’on a co-produit avec Fabienne Servan-Schreiber et Ciné TV et Room 99 que j’ai produit pour MK2.
Que pouvez-vous dire de Viva Varda ! qui sera diffusé le 6 novembre sur Arte ?
C’est un documentaire très simple, je trouve, et je voulais que ce soit assez factuel. Je souhaitais que ce soit réalisé par un homme, Pierre Henri-Gibert, qui n’ait pas connu à Agnès. Je ne voulais pas que le réalisateur soit impressionné par le fait de l’avoir connue. Un œil neuf. Et puis j’avais aussi envie qu’on parle de sa vie en tant que femme, en tant que mère, en tant qu’amoureuse, en tant que cinéaste, en tant qu’artiste. Moi je déteste ces documentaires qui servent la soupe et qui sont en train de dire tout le temps « He was great, she was a genius, she was so nice ». On s’en fout de ça. Moi j’avais envie qu’on comprenne que son parcours de vie n’a pas été simple, qu’il y a eu plein d’embûches, plein de difficultés. Lors de la réception de sa Palme d’or d’honneur, elle a fait un discours extrêmement engagé et militant sur le cinéma d’auteur. Cela m’avait vraiment frappé parce que quand elle avait écrit son discours, elle m’avait dit « Tu sais, je suis à la fin de ma vie, je suis très contente de tous ces honneurs, j’espère que ça ouvrera la voie à d’autres femmes mais je ne vais pas perdre de vue le fait que le cinéma d’auteur est toujours fragile, sera toujours fragile, et que si on me reconnaît aujourd’hui, pendant des années, j’ai eu beaucoup de difficultés à financer mes films ».
Viva Varda ! va passer sur Arte à partir du 6 novembre et va être visible en replay pendant un long moment. Et surtout, il fait le tour du monde dans tous les festivals parce qu’Agnès Varda était très aimée. Après Arte, il y aura d’autres plateformes. Et on l’a mis dans le coffret des fictions d’Agnès qu’on vient de sortir.
A visiter également : l’exposition “Viva Varda !” à la Cinémathèque française jusqu’au 28 janvier 2024.
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