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Festival de Saint-Jean-de-Luz : L’Événement et Une Vie démente triomphent

par | 10 Oct 2021 | CINEMA, z - 2eme carre gauche

Presque sans surprise, L’Événement, deuxième long métrage d’Audrey Diwan, récompensé en septembre dernier par le Lion d’or à Venise, a reçu hier soir le grand prix remis par le jury de personnalités présidé par Thierry Klifa et celui du jury critique. Le film belge Une Vie démente a quand à lui reçu le prix de la mise en scène, ceux du jury jeunes et du public. Retour sur ces deux grandes réussites et sur les autres coups de cœur francophones de FrenchMania au sein de cette compétition, une fois de plus, riche et diverse.

L’Événement d’Audrey Diwan

1963. Anne est étudiante en lettres et se rêve écrivaine. Elle ne peut pas se permettre de vivre une grossesse qui annihilerait son destin à ce moment-là de sa vie. Mais avorter est encore interdit par la loi et son temps est compté. En adaptant le roman autobiographique d’Annie Ernaux, Audrey Diwan signe un film honnête, juste et frontal qui joue avec le hors-champ et son intégration progressive, parcellaire au gré du regard et du ressenti de son héroïne. La rencontre opère très naturellement entre le texte fort d’Annie Ernaux et le point de vue très précis de la réalisatrice. Audrey Diwan fait preuve d’une immense maîtrise du récit et de ses couleurs, des variations douces et très graduelles de tonalité. L’autre rencontre qui fait de ce film un objet véritablement singulier, c’est celle entre la cinéaste et sa comédienne, Anamaria Vartolomei, qui incarne le personnage d’Anne en évitant tout pathos. Dans L’Événement, rien ne semble fabriqué et l’émotion ne surgit jamais d’une dramatisation forcée. Audrey Diwan fait confiance à son récit, à ses comédiennes (Mentions spéciales à Sandrine Bonnaire, Anna Mouglalis, Luana Bajrami et Alice de Lencquesaing, visages d’une sororité à échelle variable) et réalise un très grand film sur l’émancipation.(En salles le 24 novembre)

Une Vie démente de Ann Sirot et Raphaël Balboni

Noémie et Alex vont bien, merci. Ils ont même des projets comme celui d’avoir un enfant. Mais Suzanne, la mère d’Alex, devient de plus en plus fantasque et dépensière, sa passion pour l’art tourne à l’obsession, elle a besoin qu’on s’occupe d’elle… comme d’une enfant. Le duo belge Anne Sirot / Raphaël dont c’est le premier long métrage ose s’aventurer dans un exercice inédit : une comédie burlesque et tendre sur une femme atteinte de démence sénile. Le résultat est à la fois élégant et attachant grâce à une fantaisie de chaque instant, aussi présente dans l’écriture et la poésie des scènes parfois improvisées, que dans une mise en scène précise et audacieuse. Le trio de comédiens est, lui aussi, dément, avec à sa tête, Jo Deseure, qui interprète Suzanne et ouvre en permanence des horizons de jeu absolument inédits et stupéfiants. Prix d’interprétation amplement mérité. (En salles le 10 novembre)

Sentinelle Sud  de Mathieu Gérault

Christian et Mounir sont frères à plus d’un titre même s’ils ne le sont pas au regard de la loi. Frères de lait puisque la mère de Mounir a fait office de “mère d’accueil” pour Christian et frères d’armes parce que tous les deux ont servi ensemble en Afghanistan. Revenus amochés (physiquement pour l’un, psychologiquement pour les deux) de leur dernière mission, ils vont avoir du mal à se réinsérer et à faire face à l’après. Sentinelle Sud est un film extrêmement ambitieux qui déploie un récit puissant et chaotique sur un territoire cinéphile d’une immense richesse qui ose un spectre allant du procès militaire au braquage en passant par le drame psychologique et la romance. Ce premier film passionnant et audacieux doit énormément à son duo d’interprètes principaux : Niels Schneider qui, une fois de plus, explore de nouvelles facettes de son jeu et, à ses côtés, le formidable Sofian Khammes, lui aussi comédien à la palette de jeu illimité. Cela n’a pas échappé au jury qui les a récompensé, en duo, du prix d’interprétation masculine. (En salles en 2022).

Souterrain de Sophie Dupuis

La cinéaste québécoise Sophie Dupuis poursuit son exploration du masculin dans tous ses états initiée il y a 3 ans avec Chien de garde, son premier long métrage, en situant son récit dans une communauté de mineurs éprouvée par un drame récent et dont les plaies n’auront pas le temps de se refermer puisqu’une autre catastrophe se profile. Le film captive autant par sa vision lumineuse et sans fard des relations amicales, familiales et amoureuses que par ses incursions fascinantes dans un cinéma d’action plus sombre quand il s’agit d’aller sous terre. Le cinéma de Sophie Dupuis est riche et généreux, ses personnages sensibles et sa mise en scène intense. Refusant chapelles et recettes, Souterrain s’inscrit dans un renouveau du cinéma d’auteur québécois qui ose des récits  complexes sans avoir peur de plaire au plus grand nombre. (En salles le 26 janvier 2022)

Souterrain de Sophie Dupuis – crédit : Les Alchimistes

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