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Festival de Saint-Jean-De-Luz : Une compétition en prise avec les communautés

par | 16 Oct 2024 | CINEMA, Reportage, z- 1er carré gauche

Une fois de plus le festival du film de Saint-Jean-de-Luz organisé début octobre a rempli sa mission : celle de révéler des talents et d’attirer l’attention sur des premiers et deuxièmes films. Si elle s’est ouverte dans une ambiance joyeuse, seventies, pop et queer avec la comédie musicale Joli joli du duo Diastème (réalisation) / Alex Baupain (chansons), cette 11ème édition a porté une attention toute particulière à des communautés diverses et souvent minorées, voire ignorées, par le cinéma. Palmarès commenté.

La communauté tamoule parisienne d’abord avec le coup de cœur de FrenchMania, le premier long métrage de Lawrence Valin, Little Jaffna. Michael Beaulieu, incarné par le cinéaste est un jeune flic d’origine tamoule choisi par sa hiérarchie pour infiltrer une organisation indépendantiste, classifiée comme terroriste afin de mettre à jour ses circuits financiers qui ont tout d’une mafia. C’est dans le 10ème arrondissement parisien, dans le quartier dont le surnom sert de titre au film, que cette communauté se déploie et que Michael va explorer ses ramifications. Orphelin élevé par sa grand-mère, il va pouvoir mesurer, au fil de son enquête, tout ce qui le sépare ou le rapproche de celles et ceux avec qui il partage la langue, la culture, l’histoire. Après le court métrage du même nom, découvert au festival il y a sept ans, Lawrence Valin présentait, en première française à Saint-Jean-de-Luz, ce film de genre à la fois sensible et puissant. Little Jaffna ne verse jamais dans l’exotisme et séduit par une mise en scène inspirée, moderne et opératique dont l’intensité ne faiblit jamais. Récompensé comme réalisateur par le prix du jury jeunes et comme acteur par le prix d’interprétation du jury professionnel présidé par Zabou Breitman, Lawrence Valin s’inscrit en haut de la liste des cinéastes/comédiens à suivre de près. Le film est attendu début février dans les salles, distribué par Zinc.

Autre film récompensé deux fois (meilleur film et meilleure interprétation féminine pour Hamideh Jafari), Au pays de nos frères d’Alireza Ghasemi et Raha Amirfazli s’intéresse à la communauté des réfugiés afghans en Iran. En trois actes et sur une période de 20 ans, le film, d’une apparente simplicité formelle qui donne une force incomparable à son propos, sonde les âmes en racontant quelques moments du quotidien d’un jeune lycéen, d’une employée de maison et d’un couple sur le point d’être naturalisé, toutes et tous confrontés à la mort, à la peur et surtout à l’inconfort de leur situation. En proie à toutes les humiliations qu’on réserve aux sans-papiers partout dans le monde, ces personnages incarnent avec force, dans ce film aux allures de conte cruel universel, la dignité des sans-droits. A voir en mars chez JHR Films.

Le jury a également récompensé du prix de la mise en scène, Les Enfants rouges de Lotfi Achour, rejoignant ainsi le choix du public qui a voté en masse pour ce film très dur sur le meurtre d’un adolescent de 16 ans, Nizar, parti faire paître ses chèvres avec son cousin Achraf, 14 ans. Le film s’attarde surtout sur le traumatisme vécu par ce dernier, chargé par les terroristes de rapporter la tête de l’adolescent décapité à sa famille. Si le film se perd parfois en conjectures et redites, il n’en est pas moins d’une force inouïe dans son récit de la reconstruction d’un jeune adolescent confronté à la violence du monde.

S’il a plutôt apprécié la mise en scène coup de poing d’Akaki Popkhadze qui nous plonge avec énergie et conviction dans la communauté géorgienne niçoise sur fond de vengeance et de trafic de drogues avec Brûle le sang, le jury critique du syndicat français de la critique de cinéma a récompensé le très poétique Hiver à Sokcho de Koya Kamura qui raconte la rencontre délicate, dans une petite ville balnéaire de Corée du sud, entre une jeune femme franco-coréenne et un visiteur français. Le film qui se nourrit aussi d’animation est attendu le 8 janvier chez Diaphana.

D’autres regards, sur lesquels nous reviendrons, ont alimenté cette compétition, décidemment très riche. Celui, sur un ton beaucoup plus fantaisiste, de la réalisatrice Manele Labidi (Un divan à Tunis) qui signe avec Reine mère, le portrait d’une famille tunisienne en France au début des années 90. Cette comédie à l’italienne met en scène un couple de cinéma idéal que forment Camélia Jordana et Sofiane Zermani. Frédéric Farucci qu’on avait découvert avec La Nuit Venue (avec Camélia Jordana), présentait Le Mohican, film de traque et de territoires (corses), lui aussi, très réussi et incarné, avec dans le rôle d’un berger en cavale, Alexis Manenti. Laure Calamy se confronte à un fils adulte en situation de handicap dans Mon inséparable, film casse-gueule d’Anne-Sophie Bailly qui évite avec panache et sensibilité pas mal d’écueils et Camille Rutherford est au cœur d’un romcom littéraire, charmante et so british signée Laura Piani, Jane Austen a gâché ma vie.

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