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Festival Format Court : Bilan et coups de coeur

par | 18 Avr 2023 | CINEMA, z - 2eme carre gauche

La quatrième édition du Festival Format Court – créé par le site du même nom dédié aux courts métrages – s’est achevée ce dimanche 16 avril au Studio des Ursulines. Pendant quatre jours, la mythique salle de cinéma du 5e arrondissement de Paris a vibré au rythme d’une programmation très éclectique de vingt films faisant la part belle aux productions francophones. 

Aux côtés de trois séances thématiques, consacrées à Bastien Bouillon, parrain de cette 4e édition, une carte blanche de la ville de Paris et un focus sur Berlinale Shorts, le Festival Format Court présentait une compétition mettant en valeur la diversité des productions – en majorité francophones – actuelles. Expérimentations visuelles (Lino, La Première), conte formel (Sèt Lam, Binge Loving), animations cauchemardesques (Scale, Écorchée), documentaire méditatif (Masques), comédies teintées de mélancolies (Ville éternelle, Les Grandes vacances), exploration de différentes formes de folies (Trois grains de gros sel, Sami la fugue)… Une belle et riche sélection de courts métrages, dont certains ont une vie en festival depuis quelques mois, passés notamment par Clermont-Ferrand, Angers ou encore Locarno.

Parmi ces propositions, le jury professionnel de Format Court, composé de Guslagie Malanda (actrice, commissaire d’exposition indépendante), Valentin Hadjadj (compositeur), Romane Gueret (réalisatrice), Hakim Mao (réalisateur, scénariste) et Bruno Quiblier (programmateur) ont remis à l’issue de la cérémonie de clôture cinq prix. Tout d’abord une mention spéciale a été attribuée à l’intelligent Rapide de Paul Rigoux. Le comédien Idir Azougli (Shéhérazade, L’Été l’éternité) a reçu un prix d’interprétation pour sa prestation touchante dans Sami la fugue de Vincent Tricon. Tomaž Grom a été récompensé du prix de la création sonore pour son travail sur le film d’animation La Vie sexuelle de Mamie de Urška Djukić et Émilie Pigeard. Le chef opérateur Vadim Alsayed est reparti logiquement avec le prix de l’image pour Sèt Lam de Vincent Fontano et son sublime noir et blanc. Le prix du scénario a distingué Trois grains de gros sel de Ingrid Chikhaoui. Quant au Grand Prix, le jury a fait le choix de l’attribuer à un film d’animation, le fascinant Scale de l’Anglais Joseph Pierce. Le singulier Binge loving du réalisateur belge Thomas Deknop a fait le rare triplé en repartant avec le prix du public, le prix du jury étudiant et le prix du jury presse. Les journalistes du jury ont également remis une mention spéciale à Les Grandes vacances de Valentine Cadic.

Nos coups de cœur français et francophones

Binge loving de Thomas Deknop

Proposition très singulière, Binge loving de Thomas Deknop débute comme un film policier où l’on suit un étrange détective privé enquêter sur le mari d’une cliente avec sa maitresse. Le cinéaste utilise tous les codes : filature, attente, photographies capturées de loin et une addiction forte. Très vite, le film prend des virages scénaristiques inattendus quand la cliente rejoint l’enquête. En faisant se rencontrer ces deux personnages solitaires, Thomas Deknop signe une mise en scène frontale – presque théâtrale à la manière d’un Fassbinder – qui met en valeur des corps marginaux comme rarement montrés à l’écran avec une certaine tendresse. Il parvient à rendre comique et presque sexy l’addiction à la junk food dans des scènes d’accumulation de nourriture. Une maîtrise narrative et formelle qui intrigue sur les films à venir du cinéaste.

Les Grandes vacances de Valentine Cadic

Blandine (Blandine Madec), jeune femme fatiguée devait passer sa seule semaine de vacances à se reposer dans un gîte. Mais un imprévu de réservation la conduit à devoir séjourner dans un camping au bord d’un lac. Ce personnage féminin atypique, à la fois maladroit et timide, crée du burlesque avec les aléas du quotidien sur lequel la réalisatrice Valentine Cadic pose un regard bienveillant. Elle parvient à faire ressortir les instants lumineux de ces vacances ratées, comme cette scène au centre du métrage où Blandine est interrogé par un journaliste local et où elle va se livrer dans un monologue épique et touchant sur les angoisses qui la traversent.

Lino d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux

Après son premier long métrage, Vers la bataille,  Aurélien Vernhes-Lermusiaux explore les frontières des genres cinématographiques dans le court métrage Lino. Le personnage-titre interprété par Pierre Lottin est un jeune militaire traumatisé par une mission au Niger. Sur une plage française, un soir de 31 décembre, il fait partie avec un groupe de soldats d’une opération de déminage nocturne après la découverte d’un obus. Alors qu’un chien errant sur le bord de mer ne le quitte plus, il est chargé d’évacuer les habitants de la zone. Dans une maison, il aperçoit un étrange tableau de Lucian Freud représentant un homme et un chien, et une jeune femme mystérieuse (Lola Le Lann). En interrogeant, par les images et le récit, les mythologies du vampire mêlés aux traumatismes de guerre, le cinéaste expérimente les formes et le genre. Pourtant, comme pour Vers la bataille, Lino hypnotise par le contraste visuel et sonore entre les réminiscences hantées du personnage et l’ancrage organique des corps filmés.

Ville éternelle de Garance Kim

Co-écrit avec son partenaire de jeu, Martin Jauvat dont le premier long métrage, Grand Paris est actuellement en salles, Ville éternelle de Garance Kim s’apparente à une rencontre complice d’écriture et de jeu. Martin Jauvat y poursuit le personnage de ses films, un banlieusard de pavillons un peu maladroit et désœuvré. Sur le bord d’une route, il croise sur une ancienne camarade de collège qui, attend un bus pour Roissy qui ne passe pas les jours fériés. Elle ne pourra plus se débarrasser de lui et s’ensuivra une longue promenade à pieds et à vélo à travers champs jusqu’à l’aéroport. Cette rencontre inattendue se construit peu à peu, quand la posture de départ plutôt méprisante de la jeune femme se craquelle face à celui qui n’a jamais bougé de leur ville de jeunesse et y travaille aujourd’hui au Carrefour du coin. Filmés en plan large dans des paysages qui subliment la beauté de ce territoire de banlieue, l’écriture des dialogues révèle le début d’une amitié amoureuse touchante entre deux êtres qui se retrouvent sur la même route après avoir pris des chemins de vie différents.

Sèt Lam de Vincent Fontano

Avec une sublime photographie en noir et blanc – pour laquelle le chef opérateur Vadim Alsayed a été récompensé du prix de l’image – Sèt Lam de Vincent Fontano explore l’univers du conte sur l’île de La Réunion. Pendant une fête, où les corps, sublimés, mis en lumière par les contrastes, se laissent aller à la transe de la danse, une petite fille fait face à la peur de la mort. Sa grand-mère lui raconte alors une histoire, celle d’Edwardo un pêcheur qui fut le premier à affronter la mort en personne. Vincent Fontano met en images une fable orale où chaque corps prend place dans une confrontation entre l’organique et l’esprit, le vivant et la mort jusque dans les profondeurs sous-marine montrées comme un au-delà surnaturel.

Rapide de Paul Rigoux

Rapide, c’est la confrontation entre deux manière de vivre sa vie et de ressentir l’effet du temps. Celle de Jean, lente, léthargique et pleine d’angoisses et celle de son colocataire, Alex, dit Rapide, où l’on s’inscrit dans le présent et profite de chaque instant sur fond d’eurodance. Colocataires, les deux garçons reçoivent le même jour l’amie lente de l’un, et rapide de l’autre. En faisant expérimenter cette théorie de la vitesse à ces quatre personnages, Paul Rigoux signe un film tendre et extrêmement drôle porté par la précision d’écriture de ses dialogues et la justesse de ces comédiens, notamment le prometteur Édouard Sulpice repéré dans À l’abordage de Guillaume Brac et récemment dans Mon Crime de François Ozon.

Palmarès

Jury Professionnel 

Grand Prix : Scale de Joseph Pierce

Prix du scénario : Trois grains de gros sel de Ingrid Chikhaoui

Prix de l’image : Vadim Alsayed pour Sèt Lam de Vincent Fontano

Prix de la création sonore : Tomaž Grom pour La Vie sexuelle de Mamie de Urška Djukić et Émilie Pigeard

Prix d’interprétation : Idir Azougli pour Sami la fugue de Vincent Tricon

Mention spéciale du Jury : Rapide de Paul Rigoux

Jury presse

Mention spéciale : Les Grandes vacances de Valentine Cadic

Prix de la presse : Binge Loving de Thomas Deknop

Jury étudiant

Prix du Jury étudiant : Binge Loving de Thomas Deknop

Prix du public 

Vote du public : Binge Loving de Thomas Deknop

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