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Festival International du Film Indépendant de Bordeaux 2024

par | 15 Oct 2024 | Reportage

Une certaine idée de la liberté

Ici, le mot « indépendant » n’est pas qu’une caractéristique financière. L’indépendance est le reflet d’une envie de cinéma affranchi et libéré des carcans d’une industrie trop formatée. Un manifeste pour une collusion possible entre les genres, les écoles, les références et la diversité des désirs de jeunes cinéastes souvent débutants auquel le FIFIB offre une superbe exposition. Salles pleines, échanges passionnés, rencontres exigeantes… Pour sa 13e édition, le festival bordelais aura plus que tenu ses promesses. Courts et longs métrages, cinéma de recherche, expressions libres… Il y en avait pour tous les yeux et toutes les sensibilités. À l’image de la compétition long-métrage qui aura, sans aucun dogmatisme, dessiné de belles lignes de traverse. Superbes personnages de femmes trop peu souvent représentés, goût pour la transmission artistique et humaniste, fascination pour les fantômes et leurs réminiscences mémorielles. Les thèmes se sont subtilement fait écho sans se répéter. Des films de « frontières » traversées, y compris dans leur essence, la fiction et le documentaire inventant ici sous les caméras habiles et agiles de leur auteur.e.s des formes hybrides particulièrement pertinentes.

Comme par exemple dans KOUTÉ VWA du réalisateur guyanais Maxime Jean-Baptiste. Melrick, jeune garçon venu de la métropole le temps d’un été chez sa grand-mère, s’apprête à rejoindre les rangs d’un orchestre de percussions. Une formation qui doit jouer en hommage à l’un des siens (l’oncle du héros), tué treize ans plus tôt. Un documentaire sur la mémoire, la Guyane, le sentiment d’être apatride dans son propre pays, les déracinements culturel et cultuel, ainsi que sur l’interruption volontaire du cycle de la violence et de la vengeance mis en scène avec la perspicacité des questions formelles de la fiction. Distance, temps de la prise savamment considéré, écriture des personnages issus de la réalité dont celui magnifique et inoubliable de la grand-mère de Melrick et mère du défunt… Ce premier film séduit et subjugue par son intelligence.

Écouter les voix en « VF, » celles des morts comme celles de vivants, un parti pris esthétique et sensible qui innerve un autre premier film : le très beau LES MIENNES de Samira El Mouzghibati (Prix du SFCC, Syndicat de la Critique du cinéma). Un vrai doc en forme de confrontation familiale entre cinq sœurs, une mère (le film début par un message audio laissé par cette dernière vouant ses filles aux gémonies) et un père. Sept personnes vivant en Belgique depuis que ce patriarche assez doux et ouvert a quitté son Maroc natal, en compagnie de son épouse mariée de force à l’époque. Un film de coups d’éclats et d’éclats de rire, qui va vers la conciliation et la réconciliation, composé de scènes de catharsis provoquées par la réalisatrice (petite dernière de cette famille), mais également de moments impromptus et/ou volés. Un chaos de l’amour conflictuel et fusionnel, magnifiquement orchestré en termes de montage comme de points de vue, drôle et bouleversant, dont chaque proposition de mise en scène et d’accolement d’images et d’émotions atteste du talent de cette cinéaste en devenir.

Moins aboutis sans doute mais pas moins intéressants, LES TEMPÊTES de Dania Reymond-Boughenou (sortie prévue le 22 novembre) ainsi que LES PARADIS DE DIANE de Carmen Jaquier & Jan Gassman ont compté parmi les temps forts de cette édition. Le premier assume son emprunt au genre pour raconter une Algérie littéralement traversée par les fantômes de la guerre civile qui endeuilla le pays du milieu des années 90. Une poussière jaune se répand sur Alger, ville évoquée (figurativement car le film s’est tourné à Casablanca) comme une métropole exsangue, opaque et anxieuse. Depuis son assassinat survenu de nombreuses années plus tôt, un journaliste recherche le bourreau de son épouse. Mais à la faveur des bourrasques de poussière, celle-ci revient parmi les vivants. Un postulat prometteur auquel la cinéaste ne fait pas suffisamment confiance, un peu trop explicite, manquant d’ellipse, de mystères et ne se transcendant jamais complètement. À suivre néanmoins. Tout comme le duo d’auteurs des PARADIS DE DIANE, qui affronte le sujet, ô combien tabou, de la dépression post-partum. Une femme vient d’accoucher et elle fuit. Le refus d’explication psychologique et/ou sociologique est la première belle idée de cette fiction sur l’errance, sèche, mutique mais peinant après une première demi-heure magnifique à se renouveler, se refugiant trop souvent derrière des images symboliques ainsi qu’un développement narratif un rien prévisible.

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