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Festival International du Film Indépendant de Bordeaux 2025 : nos coups de cœur

par | 18 Oct 2025 | Reportage, z - 2eme carre gauche

Le palmarès de la 14e édition du FIFIB a été dévoilé dimanche 12 octobre dernier. Retour sur une semaine riche en coups de cœur.

Le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux continue de nous surprendre et de nous enchanter par sa programmation exigeante, engagée, émergente et éclectique où se mêlent les formes, les regards, les genres et tous les types de productions. Le palmarès de ce crû 2025 en témoigne, puisque le jury composé du comédien Younès Boucif, des réalisatrices Ramata-Toulaye Sy et Lina Soualem, et du comédien Nahuel Pérez Biscayart a remis son Grand Prix au film d’animation Bouchra réalisé par Meriem Bennani et Orian Barki. Toujours du côté de la compétition long métrage, Roqia, le premier long de Yanis Koussim, a été saluée d’une mention. Ce film sombre et audacieux, surprenant dans sa maîtrise du réalisme et de l’horrifique, revient sur la Décennie noire et ses conséquences de nos jours en Algérie. 

Comme chaque année, le festival propose de nombreuses avant-premières en marge de ses compétitions, dont certaines comptent parmi nos coups de cœur de cette année cinématographique 2025, à l’instar du brillant premier long métrage d’Alice Douard, Des preuves d’amour – repéré à la Semaine de la Critique 2025 – du merveilleux conte d’animation d’Ugo Bienvenu, Arco, de La petite dernière, troisième long métrage de l’actrice-réalisatrice Hafsia Herzi (Prix d’interprétation féminine pour Nadia Melliti au dernier Festival de Cannes, Queer Palm 2025) ou encore du nouveau film de Rebecca Zlotowski, Vie Privée. 

Retour sur nos 5 favoris découverts au FIFIB

Autostop de Roman Hüben

Évidemment, notre premier arrêt se fait du côté de la compétion « Contrebande » créée pour mettre à l’honneur les œuvres filmiques écrites et/ou produites hors des sentiers classiques, loin des commissions de financement. Récompensé du Grand Prix par le jury, réunissant le réalisateur tchétchène Déni Oumar Pitsaev, la chercheuse et programmatrice Lola Maupas et la comédienne Manon Clavel (magnétique premier rôle de Kika de Alexe Poukine, en salles le 12 novembre prochain), Autostop de Roman Hüben brouille brillamment toutes les frontières entre documentaire et fiction. Le film se base sur un échantillon de conversations que Floriane Mésange a enregistré lors de ces voyages en stop et déjà adapté au théâtre par elle-même et ses partenaires de jeu, Maxime Gorbatchevsky et Jean-Daniel Piguet. Ici, devant la caméra de Roman Hüben, ils re-jouent, transforment, réfléchissent à cette matière sonore vivante, celle de ces anonymes rencontrés qui racontent l’état de notre société. Elle leur permet de briser les codes du documentaire, de montrer les coulisses et les répétitions, de passer de la comédie au drame, du léger au profond et d’interroger le voyage en solitaire d’une femme. On pense parfois à l’humanisme des Habitants de Raymond Depardon, l’habitacle de la voiture en mouvement remplace la caravane statique du photographe-réalisateur, mais aussi à l’atmosphère inclassable dans la lignée inversée d’un Braquer Poitiers du Belge Claude Schmitz, où les comédiens non-professionnels improvisaient une fiction policière. Qui était là en premier, la fiction ou la réalité ? 

Forêt Rouge de Laurie Lassalle 

Direction, Notre-Dame-des-Landes pour l’avant-première du documentaire Forêt Rouge de Laurie Lassalle, qui après avoir saisit de manière très personnelle les manifestations des Gilets jaunes en 2018 et son amour pour un manifestant dans le percutant Boum Boum (2022), poursuit ses recherches documentaires militantes dans la ZAD. En apparence moins intime, la cinéaste change de procédé narratif en s’effaçant derrière le collectif là où elle s’immisçait dedans, en personnage principal de son précédent film. Pourtant, son regard tendre envers les occupants continue d’osciller entre des scènes délicates dans cette forêt aux mille histoires et d’autres en pleine guerre lors des affrontements avec les CRS venus pour les déloger. C’est là la force de la cinéaste, cette observation immersive d’un territoire pendant plusieurs années lié aux luttes, aux idéaux et au vivant. Comme si dans chaque plan, se logeait un peu d’espoir et de poésie pour no(s) futur(s).

On vous croit de Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys

Âmes sensibles s’abstenir. Si ce premier long métrage du duo Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys est une fiction, elle a tout les atours d’un documentaire poignant voire asphyxiant. Les cinéastes nous enferment dans un palais de justice en Belgique au plus proche de la comédienne Myriem Akheddiou interprétant Alice, mère de deux enfants dont le plus jeune accuse leur père (joué par Laurent Capelluto) d’inceste. Ici, dans un temps réel, celui du présent, ils sont convoqués car ce dernier espère récupérer une partie de la garde. Ils sont dès lors confrontés à l’obligation de croiser le présumé agresseur, à un système judiciaire complexe provocant une tension proche du thriller tandis que cette mère est prête à tout pour protéger ses enfants. Face aux comédiens, les réalisateurs ont casté de véritables avocats dont le travail a consisté à établir des plaidoiries authentiques. On vous croit, cette phrase attendue et entendue comme un soulagement, résonne entre les murs de ce film qui nous hante encore, des heures après son visionnage.

Belleville nous verra toujours danser de Hugo Sobelman

Retournons au documentaire et posons nos valises à Belleville, plus précisément à La Perm, le local associatif au coeur du film d’Hugo Sobelman, Belleville nous verra toujours danser. Pendant plusieurs mois, jusqu’au festival du quartier “Belleville en Vrai”, il observe avec attention plusieurs jeunes bellevillois qui font face aux descentes régulières de police, comme à la gentrification du quartier. Dans ce petit territoire encadré par de jeunes avocates militantes, ils cherchent leurs places, leurs rêves et idéaux, opposent leurs idées et en débattent. Une immersion juste et touchante qui donne envie d’avancer vers un véritable vivre-ensemble.

Le Cri des gardes de Claire Denis 

On pouvait difficilement quitter le FIFIB sans se rendre à l’avant-première française du nouveau film de Claire Denis. Le Cri des gardes, adaptation de la pièce Combat de nègre et de chiens (1979) de son ami Bernard-Marie Koltès. La réalisatrice de Chocolat et Beau Travail, parvient brillamment à faire ressortir l’ambiance du texte koltésien sur ce chantier d’Afrique de l’Ouest, le temps d’une nuit. La quiétude du patron Horn (Matt Dillon) et du jeune ingénieur Cal (Tom Blyth) est troublée par deux arrivées. Une jeune femme, Leone (Mia McKenna-Bruce), fraichement mariée à Horn, et celle d’Alboury, un voisin de village (Isaach de Bankolé, magistral) venu chercher le corps de son frère. Se crée alors ce célèbre face-à-face théâtral entre Horn et Alboury, marqués par le post-colonialisme. Troubles nocturnes, répétitions poétiques, homo-érotisme sous-jacent, Claire Denis transforme en cinéma la langue si particulière de Koltès et fait du Cri des gardes une œuvre radicale dans sa forme, portée par un casting exceptionnel. 

Palmarès complet : 

GRAND PRIX DE LA COMPETITION INTERNATIONALE LONGS METRAGES

Bouchra de Meriem Bennani et Orian Barki (Italie, Maroc, États-Unis)

MENTION LONG METRAGE

Roqia de Yanis Koussim (France, Qatar, Arabie saoudite, Algérie)

GRAND PRIX DE LA COMPÉTITION FRANÇAISE COURTS METRAGES

Le Diable et la bicyclette de Sharon Hakim (France, Liban)

PRIX COMETT 

Happy Meal de de Johanna Makabi (France)

 GRAND PRIX DE LA COMPETITION CONTREBANDE 

Autostop de Roman Hüben (Suisse)

MENTION CONTREBANDE

Fragil como una bomba de Tomas Cali (France)

PRIX FRANCE TELEVISION (toutes compétitions de courts métrages confondues)

S the wolf de Sameh Alaa (France)

 NOUVELLE-AQUITAINE FILM WORKOUT 

Longs métrages : 

 LES CONSTELLATIONS de Jonathan Millet, produit par David Hurst pour Dublin Films

ANA, EN PASSANT de Fernanda Alves Salgado produit par Emmanuel Quillet pour Midralgar

Courts métrages : 

LA SOLITUDE DES FORÊTS d’Eléonore Berrubé, produit par Carole Chassaing pour Tamara Films

DE PROFUNDIS de Lucie Bonvin et Théo Verprat, produit par Gaël de Fournas pour Bradamante Productions

MONTAGNE PROFANE d’Alice Brygo produit par Jérôme Blesson pour La Belle Affaire Productions

PAR LE SILENCE de Vincent Pouplard et David Zard produit par David Zard pour Zarlab

LAS DAMAS de Camille Zéhenne produit par Antoine Garnier pour Orphée Films

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