Pour sa 8e édition, le festival du film jeune de Lyon devient “Que du Feu” – le festival du film émergent de Lyon et sa métropole. Après dix jours de projections et de rencontres, le jury a remis samedi 16 septembre ses cinq prix à des courts métrages qui tout en explorant différentes formes et dispositifs, racontent des histoires qui touchent le cœur. Bilan et retour sur trois coups de cœur absents des palmarès à découvrir absolument.
Du 8 au 17 septembre, Lyon, ville du premier film, s’est laissée consumer par l’incandescence de l’émergence cinématographique. Jouant de son nouveau nom, Que du Feu, cette 8e édition a construit une programmation enflammée composée de trois compétitions : premières productions professionnelles, autoproductions, films d’école, mêlant la fiction, le documentaire et l’animation. Ainsi, des thématiques autour du champ lexical du feu se sont dégagées en éclairant des problématiques qui animent profondément les jeunes cinéastes qu’elles soient politiques, environnementales, sexuelles ou intimes.
Le jury principal, composé du comédien Victor Bonnel, de la réalisatrice Mathilde Chavanne, de l’actrice Lomane de Dietrich (qui était à l’affiche du Retour de Catherine Corsini), du réalisateur de Grand Paris Martin Jauvat et de la productrice Clarisse Tupin, avait pour mission de défricher de nouveaux regards. Le soir de la clôture, ils ont livré un palmarès singulier et un prix ex-aequo pour les premières productions professionnelles. D’un côté, le sublime S’il vous plaît arrêtez tous de disparaitre, de la réalisatrice Laura Thomassaint, explore poétiquement le deuil d’un frère, ravivant le souvenir par la voix. Ferdinand va demander à un garçon rencontré sur un forum de se faire passer pour son frère décédé afin de pouvoir continuer de communiquer avec lui. Une quête intime et familiale qui s’inscrit dans une zone troublée entre morts et vivants. Co-lauréat de ce prix, Grand Littoral de Augustin Bonnet se positionne lui aussi dans un interstice, un lieu de passage. Sur ce parking d’un centre commercial marseillais, le réalisateur observe celles et ceux qui errent, se rencontrent entre comédie et mélancolie. Le prix Courts Circuits, décerné à un court métrage auto-produit a récompensé Guerre et paix, d’après un livre qu’on a pas lu de Fabien Luszezyszyn. Entre documentaire, fiction et expérimentation, ce film prend la forme du making-of d’un film de guerre, amateur et en costumes. Atypique et drôle, il interroge le processus de fabrication tout en s’amusant du spectateur qui ne sait plus ce qui peut être écrit ou improvisé. Le film norvégien Superdupermegagigasingel de Hakon Anton Ovlasen est reparti avec le prix du film d’école. Comme l’indique son titre facilement traduisible, ce film raconte avec humour l’histoire d’un jeune moniteur de ski et mascotte de sa station qui n’a jamais eu de petite amie. Lorsque celui-ci percute une touriste alors qu’il est déguisé en ours, le film prend la forme d’une tendre chronique sur la rencontre entre deux solitudes qui tentent de s’apprivoiser par le dialogue.
Avec Quitter Chouchou, Lucie Demange fait un joli triplé en remportant le prix du meilleur documentaire, le prix du public et une mention spéciale du prix régional. Iel aborde avec légèreté la fluidité de son genre dans le cadre familial. En vacances avec ses amis, Lucie filme sa maman qui a du mal à accepter la masculinité de sa fille et qui simultanément est en pleine rupture avec son compagnon. Quitter Chouchou part de l’intime brut pour devenir un geste politique et pourtant c’est à nos coeurs que s’adresse le film. Quant au prix du meilleur film d’animation, il a été remis à Go Fishboy de Cirone, Doringer, Kolesov, Liu, Tian et Zhou.
Pendant dix jours, le festival Que du Feu c’était aussi des rencontres avec des professionnels autour de nombreuses thématiques : l’accessibilité sensorielle, comment tourner et produire en respectant l’environnement, distribuer et diffuser son court métrage ou encore le journalisme cinéma. Et bien sûr, des sélection spéciales, une programme queer intitulé” Divine” en partenariat avec le festival lyonnais Écrans Mixtes, une sélection Sound on! consacré aux bande originales, une mise en lumière de courts métrages réalisés par des jeunes de moins de 18 ans avec “Jeunes Fauves”, une compétition de scénarios et un Kino Kabaret.
Coups de coeur
Cary and James de Victor Boyer (Âmes ardentes)
Après nous avoir séduits dans À l’abordage de Guillaume Brac, dans le court métrage Rapide de Paul Rigoux (également en compétition ici et un de nos coups de coeur du festival Format Court) et dans Mon Crime de François Ozon, le comédien Édouard Sulpice continue de nous charmer dans Cary and James de Victor Boyer. Il y interprète un jeune écrivain en panne d’inspiration qui va se laisser emporter dans une aventure malicieuse entre le rêve et la réalité. Hommage au cinéma, à Cary Grant et James Stewart, à une forme de nostalgie décalée d’un autre temps. Victor Boyer emmène ses deux personnages burlesques dans une traversée de Paris palpitante.
Beyond the sea de Hippolyte Leibovici (Compétition spéciale “Divine” – Écrans Mixtes)
Sélectionné pour le prix “Divine” en partenariat avec le festival Écrans Mixtes de Lyon, Beyond the sea de Hippolyte Leibovici fascine par sa maîtrise du rythme et de la mise en scène. Dans le Cabaret de la mer, on découvre la patronne, Lady Casca, prête à prendre sa retraite et à quitter la scène une dernière fois quand son fils débarque. Le jeune adulte est venu lui annoncer le décès de sa mère et l’accouchement de l’une de ses artistes. Dans les volutes de fumées, des loges au couloir, une galerie de personnages atypiques se croisent. Les notes de batterie guident les différentes tonalités du film qui se métamorphose alternant l’absurde et l’émotion, interrogeant les notions de paternité, de maternité et de famille jusqu’à cette sublime séquence de comédie musicale à la Gene Kelly qui fait couler les larmes. Les mêmes que celles des personnages propulsés face à la mer en une étreinte.
La Lutte est une fin de Arthur Thomas-Pavlowsky (Appel d’air)
Grand prix du jury de la compétition nationale et mention spéciale du jury “Queer métrage” à Clermont-Ferrand, sélectionné aux Champs-Élysées Film Festival, La Lutte est une fin poursuit sa belle vie en festivals. Avec ce documentaire Arthur Thomas-Pavlowsky, film le collectif Boxe Massilia, basé à Marseille et qui a posé ses valises au sein de la bourse du travail, lieu investi par la CGT. À travers les adhérents, le réalisateur interroge le sens même de différentes luttes. Ici, la pratique de la boxe est un acte de résistance et de défense contre les discriminations, elle devient une activité ouverte à tous et moteur du collectif. Des locaux vides qui témoignent aux répétitions montrant la bienveillance diffuse, le montage dessine peu à peu le portrait de Maho, qui dans un témoignage poignant livre comment la boxe a accompagné sa transidentité, ou comment les luttes physiques et politiques se rejoignent en un seul et même combat.
Palmarès Complet
Compétitions principales
Les Premières fois (ex-aequo) : S’il vous plaît arrêtez tous de disparaitre de Laura Thomassaint et Grand Littoral de Augustin Bonnet
Courts circuits : Guerre et paix, d’après un livre qu’on a pas lu de Fabien Luszezyszyn
Courts d’école : Superdupermegagigasingel de Hakon Anton Ovlasen
Meilleur documentaire : Quitter Chouchou de Lucie Demange
Meilleur film d’animation : Go Fishboy de Cirone, Doringer, Kolesov, Liu, Tian et Zhou
Compétition spéciales
Prix SOUND ON! : Dans tes yeux morts de Arthur Beaupère
Prix DIVINE : Juste un clown de Nathan Villaneau
Prix Jeunes Fauves (ex-aequo) : Bestiaire de Paul Van Der Stegen et The Master and the Loser de Titouan Dornier et Karim Roussel
Prix régional : La Nuit blanche de Audrey Delepoulle (Mention spéciale pour Quitter Chouchou de Lucie Demange)
Prix Spéciaux
Prix de l’association LYF : Mes Cahiers rouges de Félix Lanaud
Prix du public : Quitter Chouchou de Lucie Demange
Prix coup de coeur étudiants : Saint-Lazare de Louis Douillez
Prix Partenaires
Prix Manifest : Ainsi mentent les hommes de Nicolas Deleplace et Oriane Humbert
Prix Maison du film : Guerre et paix, d’après un livre qu’on a pas lu de Fabien Luszezyszyn
Compétition scénario
Grand prix scénario : Le Chant des tribus disparues de Naël Zaiti
Prix coup de coeur : Les Petits cailloux de Yvelise Thibaut