Du 12 au 17 octobre, FrenchMania pose ses valises au FIFIB, le Festival du Film Indépendant de Bordeaux. Pour cette 11ème édition, nous vous proposons chaque jour une rencontre avec l’un ou l’une des invités du festival afin d’évoquer le cinéma indépendant et son avenir. En cette journée d’ouverture, nous initions ce rendez-vous avec Johanna Caraire et Pauline Reiffers, les créatrices et dirigeantes du festival bordelais.
Pour cette 11ème édition du FIFIB, de quoi êtes-vous le plus fière ou heureuse cette année ?
Johanna Caraire : C’est une idée de Pierre Guidez du comité de sélection ! Il organise des petits-déjeuners, goûters ou ping-pong pour faire discuter des cinéastes présents au FIFIB sur certaines thématiques. Vendredi il y aura un petit-déjeuner sur la question du territoire, de comment on filme le territoire au cinéma. Samedi, il sera question de la responsabilité éthique du cinéaste face à son sujet, notamment quand il est question de la frontière entre le documentaire et la fiction. L’idée c’est de questionner la fictionnalisation du réel notamment dans des films comme Les Pires. Il y a toute une mouvance, depuis Bruno Dumont, qui consiste à filmer des acteurs amateurs et cela pose une problématique assez forte : celle du consentement notamment. celle de la fascination possiblement malsaine du blanc bourgeois pour des personnes vulnérables. De nombreux cinéastes sont très heureux d’y participer. Et le dimanche matin, nous organisons un “ping-pong cinéma”, l’idée étant de voir comment on peut parler de cinéma tout en jouant au ping-pong. C’est un art qu’on a poussé assez loin dans l’équipe du FIFIB et notamment au sein du comité de sélection cette année !
Pauline Reiffers : Ce qui me rend assez fière sur cette édition, ce sont les invités et trois d’entre eux en particulier. Bien sûr, en premier lieu, John Cameron Mitchell que nous sommes très heureux de recevoir cette année avec une rétrospective, une carte blanche et une masterclass, Christophe Honoré qui fait l’ouverture avec son nouveau film Le Lycéen. Ce sont comme des rêves qui se concrétisent. Et puis, il y a Anaïs Demoustier qui est devenue un running gag puisque nous l’invitons dans le jury chaque année depuis la création du FIFIB mais qu’elle n’a jamais été en mesure de venir. Donc, croisons les doigts puisqu’elle n’est pas encore arrivée, mais cette fois-ci semble être la bonne !
Le cinéma indépendant est le cœur du FIFIB et l’un des sujets importants du moment au sein même de l’industrie cinématographique française. Vous allez être les premières à répondre à la question que nous allons poser chaque jour à vos invités : Quel est votre regard sur son avenir ?
Johanna Caraire : J’ai lu ces jours-ci que Jérôme Seydoux (le patron de Pathé, NDLR) disait que les films indépendants français étaient chiants et mauvais et que c’est pour cela que les gens n’allaient plus en salles. Je pense qu’il a complètement tort. L’avenir du cinéma indépendant est plus radieux que jamais ! Et nous le voyons ici au festival, plus on est radicaux, plus on va vers des propositions singulières, plus le public répond présent. Le cinéma indépendant se démarque profondément des propositions plus populaires ou plus grand public que l’on trouve sur les plateformes. Et l’expérience de la salle est organique, et nous emmène presque vers le spectacle vivant. Le public a besoin de rencontres et peut-être que nous assistons à un changement de modèle avec plus de films qui font moins d’entrées mais qui sont accompagnés. Je crois à la médiation, au fait d’accompagner les films, et cela permet de se confronter à des œuvres jugées peut-être moins accessibles de prime abord. Tant que le public continuera à être surpris en salles, il y reviendra. Et surtout les jeunes ! Ce qu’on voit c’est que 70% de notre public a moins de 40 ans et 30% moins de 30 ans. Ils adorent la découverte, l’inconnu, l’inédit.
Pauline Reiffers : Ce qui nous rassure aussi, c’est qu’on se rend compte que le public fait chaque année un vrai succès à la compétition long métrage mais aussi à la compétition Contrebandes qui ne contient que des films de jeunes réalisatrices ou réalisateurs encore inconnus. On sent qu’il y a une curiosité et une véritable envie de découverte. Cela me rassure pour l’avenir du cinéma indépendant de voir cette curiosité même si, bien sûr, il faut réinventer la salle, en faire un lieu de rencontres.