Du 12 au 17 octobre, FrenchMania pose ses valises au FIFIB, le Festival du Film Indépendant de Bordeaux. Pour cette 11ème édition, nous vous proposons chaque jour une rencontre avec l’un ou l’une des invités du festival afin d’évoquer le cinéma indépendant et son avenir. Aujourd’hui : la comédienne Anaïs Demoustier, membre du jury.
Quel est votre regard sur l’avenir du cinéma indépendant ?
Anaïs Demoustier : C’est dur de répondre à cela parce que le chantier me semble énorme. Moi je crois très fort au cinéma, je ne crois pas que ce soit fini et que tout va se passer sur les plateformes. Il faut se réinventer et surtout ne pas mépriser le public. Je trouve que c’est triste qu’il ait une espèce de guerre entre le cinéma d’auteur et le cinéma divertissant, il faut réussir à faire en sorte que les deux puissent cohabiter. Moi, entant qu’actrice, je fais les deux mais je ressens cette forme de fracture entre des films qui sont faits pour le plus grand nombre et ceux qui sont estampillés “auteur” et qui sont plus ciblés.
Un peu comme la rivalité entre le théâtre privé et le théâtre public ?
Anaïs Demoustier : Oui exactement et je l’avais vécu quand j’avais fait du théâtre, le in et le off à Avignon j’ai toujours trouvé que c’était un clivage ridicule. On est vraiment dans une période de mutation et je suis assez curieuse de voir comment ça va se passer. C’est important qu’il y ait une vraie politique culturelle dans notre pays qui soit préservée et je voterai toujours pour ceux qui vont dans ce sens-là, mais, après, on se sent toujours assez impuissant par rapport au désir des gens. Concrètement, en ce moment, je suis dans un film qui marche très très bien (Novembre de Cédric Jimenez, NDLR). On dit souvent que les jeunes ne vont plus au cinéma et, en même temps j’ai présenté le film devant des salles combles avec des publics jeunes. Je me dis qu’il y a vraiment de l’espoir. Et puis je vois des réalisateurs qui ont du mal entre deux films, à vivre tout simplement. C’est compliqué de tenir, je le vois parmi mes amis cinéastes. Et j’aime travailler avec des gens qui font un peu de tout : les cinéastes de films d’auteur s’attaquent aussi aux séries, tout cela circule assez librement.. Je pense notamment à Katell Quillévéré avec qui j’ai tourné un film pour le cinéma et qui sort en ce moment une série sur Arte (Le Monde de demain, NDLR). J’ai l’impression qu’il faut apporter de la fluidité dans tout ça, que les talents circulent tout comme l’argent. Que les gros films aident les petits sans entrer dans des guerres de chapelles. C’est inquiétant mais je n’ai pas envie d’être défaitiste. Je me disais en voyant Les Amandiers, le film de Valeria Bruni-Tedeschi, qu’il y a un tel plaisir à voir un film dans une salle de cinéma que je ne crois vraiment pas que cela puisse disparaître. J’ai toujours adoré aller dans des festivals et trouvé nécessaire de créer des rendez-vous dans les cinémas, d’apporter de l’échange, de l’événement. Moi j’aime le cinéma comme expérience presque solitaire mais ensemble. Et puis c’est surtout l’écran, le son, la puissance de tout cela. Dans le film de Valeria, elle fait revenir à un moment un personnage mort et il y a un effet incroyable puisque le son ne vient que par l’arrière, on est surpris par cette voix fantomatique, c’est impossible à ressentir chez soi. C’est un vrai instant de cinéma.
Et quand on dit qu’il y a trop de films ?
Anaïs Demoustier : Moi-même je le ressens parce que je n’ai jamais le temps d’aller voir tout ce que j’ai envie de voir. Ni même d’être au courant de tout ce qui sort en salles. Et voir les films rester très peu de temps à l’affiche, c’est déprimant. Alors, peut-être faut-il en faire moins et offrir une diversité de biais de distribution ?