Action et vérité générale
Comment concilier l’individu et le collectif ? C’est la question à un million que pose Quentin Dupieux dans sa nouvelle comédie stylée pleine d’hémoglobine. Il y met en scène cinq justiciers qui combattent les forces du mal (des tortues géantes aux boyaux en mousse) à coup de karaté et de jets de fumée toxiques (nicotine, mercure, méthanol, benzène et ammoniaque, les principales substances cancérigènes de la cigarette). Sauf que la bande en tenue de latex – que les enfants trouvent trop “cool “- n’a plus son modjo et sa cohésion d’antan. Ni une, ni deux, le chef de la Tabac Force (un rat en peluche à la voix d’Alain Chabat) décide d’envoyer les justiciers quelques jours en retraite, au bord d’un lac placide. Objectif ? Ressouder la bande qui dessoude. Et quoi de mieux, en effet, qu’un feu de camp autour duquel on se raconte des histoires qui font peur pour se rapprocher les uns des autres ? Ces histoires, le réalisateur nous les donne à voir : des petits contes grinçants qui font claquer les dents des justiciers et présentent des images tragiques et absurdes de la condition humaine (mention spéciale pour l’histoire du “casque à pensées” avec Doria Tillier). Avec Fumer fait tousser, Dupieux fait ce qu’il sait faire de mieux, c’est-à-dire digresser, digresser pour faire progresser l’action, le drame et la trajectoire des personnages. Efficace, trash et potache, le film donne à ses protagonistes, comme aux spectateurs, des sueurs froides bien tassées et des fous rires bien jaunes. Plus encore, il dit des choses de notre rapport addictif aux films de super-héros censés sauver l’avenir du cinéma et son box-office. Dupieux ne fait pas que les parodier ou les tourner en dérision, il les parasite carrément, et réalise ici son anti-film de super-héros, son anti-blockbuster, prouvant ainsi que le plus grand des pouvoirs, c’est celui de savoir raconter des histoires. Simple, basique. Fumer fait tousser est un pur film de geek et d’enfants de la télé, une fable macabre et délirante sur le vivre-ensemble. Le plaisir que prennent les comédiens à jouer leur partition est communicatif, tous sont fascinants à regarder et écouter – à commencer par Jean-Pascal Zadi, petit nouveau de la bande à Dupieux. “Je n’étais pas au bon endroit dans ma tête” dit le personnage qu’il interprète. Une réplique qui résume bien la manière dont Dupieux voit le monde, comme un gigantesque asile de fous, et plus ils sont nombreux, plus on rit.
Réalisé par Quentin Dupieux, avec Gilles Lelouche, Anaïs Demoustier, Oulaya Amamra, Jean-Pascal Zadi, Vincent Lacoste… Durée : 1H20. En salles le 30 novembre 2022.
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