Libre et perché
Le titre met immédiatement Gaspard en avant ou à part, c’est selon, et précise sa destination : il va au mariage. Quatre mots, et déjà toute une histoire qui se raconte. Quatre mots, et des tas de questions qui en découlent. Après Douches Froides et Happy Few, Antony Cordier reprend stylo et caméra et part à l’aventure. L’affiche du film expose tout un bestiaire et, parmi les animaux, des humains : Gaspard (Félix Moati), Laura (Lætitia Dosch), Virgil (Guillaume Gouix), Coline (Christa Théret), Max (Johan Heldenbergh) et Peggy (Marina Foïs). L’aventure, c’est eux. Un groupe d’individus liés par le sang, par alliance ou par hasard. On s’attend à ce que Gaspard nous cueille dès le début du film, pourtant, c’est le personnage de Laura qui sera notre guide dans ce conte sans fées. Gaspard, c’est celui dont les proches se languissent, celui qui a pris ses distances avec sa famille et qui, pour célébrer le mariage de son père, doit revenir et tout affronter d’un coup : souvenirs, aigreurs, états-d’âme, vérités. Il lui faut alors un paratonnerre. Ce sera Laura qu’il vient de rencontrer et qui lui plait tout de suite. La mayonnaise prend dès les premières minutes du film. Un ton, une écriture, un son aussi, signé Thylacine, et une caméra mobile, près de ses personnages, capturant leur beauté, leur vulnérabilité, leur mélancolie, leur colère, leurs extases. Tout est là, réuni dans une scène où Gaspard, son frère Virgil, sa sœur Coline, son père Max et sa vraie/fausse petite copine dansent ensemble sur de la musique pop. Le découpage par la lumière, rouge comme le cœur, isole chaque personnage tout en dessinant à travers de simples jeux de regards le nœud du drame latent. Si Gaspard prend la tête du titre, c’est surtout parce que tous sont fous de lui, en particulier sa sœur, jeune femme ours possessive. Ce retour à la maison (un zoo) n’est donc pas sans conséquences, et ce sont les corps qui vont parler plus que de raison. L’œil qui se pose là où il faut, Antony Cordier ne cherche pas à singer la réalité ni préfabriquer des émotions. Ce qui l’intéresse, ce sont ces personnages, faits de chair, d’os et de désirs, des personnages qui ne tolèrent aucun stéréotype, des personnages complexes, ambigus, pluriels qui vont rendre les situations dans lesquelles on les projette comiques, absurdes, dramatiques, triviales, bestiales. Gaspard va au mariage touche par sa fantaisie et sa poésie. Il y a de l’espoir pour les films enlevés qui échappent aux classifications si chères à certains. De l’espoir aussi dans une comédie d’un nouveau genre qui sait les croiser (les genres). Libre et perché. Chapeau Gaspard.
Réalisé par Antony Cordier. Avec Félix Moati, Lætitia Dosch, Marina Foïs, Guillaume Gouix… Durée : 1H43 . En salles le 31 janvier 2018 – FRANCE