La pudeur et l’impudeur
Moments de vie fugaces en coulisses ou en famille, échanges sensibles entre une mère et sa fille, partages des souvenirs, de peurs et d’attentes, le premier film de Charlotte Gainsbourg est un portrait à entrées multiples de sa mère, Jane Birkin, qui navigue avec douceur entre pudeur et impudeur.
En 1987, Agnès Varda, inspirée par la comédienne et chanteuse britannique consacrait à Jane Birkin un réjouissant diptyque (Jane B. par Agnès V., Kung-Fu Master) qui, entre fiction, fantasmes et réalité, tentait de percer à jour la personnalité contradictoire, profonde et fantaisiste de l’icône. 35 ans après, c’est sa propre fille Charlotte qui pose son regard sur Jane. Charlotte Gainsbourg met au point une méthode à la fois intuitive et opportuniste (trouver les mots, les lieux, les moments) qui pourrait aider à aller au-delà de la pudeur de leur relation mère-fille afin de voir le cœur et l’âme de la femme, de l’artiste. Comme elle le dit elle-même la caméra est un prétexte pour « te regarder comme jamais je ne t’ai regardé ou osé le faire ».
Après quelques essais plus ou moins fructueux dans les coulisses d’un concert à Tokyo, le film trouve son ton, son rythme et tire sa force des lieux qui réunissent les deux femmes. La maison bretonne de Jane donne à voir une intimité familiale presque banale, quotidienne, matérielle, les coulisses d’un concert new-yorkais éclaire la relation artistique qui les lie et une visite – moment suspendu – de la maison-musée de la rue de Verneuil à Paris sera l’occasion de se souvenir de leur vie commune passée aux côtés de leur amour et père, Serge. Quand est organisée une séance photo avec pour décor un lit blanc immaculé, la parole se fait intime, Charlotte et Jane s’ouvrent sur leurs angoisses, leurs tourments et leurs doutes avec un naturel désarmant.
C’est comme si le film, à la fois portrait sans fard de son sujet et autoportrait de sa réalisatrice, trouvait tout seul son chemin, à l’écoute d’une mère et d’une fille qui ont des choses à se dire. La sincérité et la profondeur des échanges abolissent de fait toute frontière entre pudeur et impudeur et le film embrasse, au gré des images, simples, élégantes, cette nécessité impérieuse et universelle d’accorder du temps à ceux qu’on aime pour les aimer mieux encore.
Réalisé par Charlotte Gainsbourg – Avec Jane Birkin, Charlotte Gainsbourg et Jo Attal – FRANCE – 1h30 – En salles le 12 janvier 2022 (Jour2Fête)