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Journal de bord de Saint-Jean-de-Luz / Jour 3 : “L’Ordre des médecins”, rencontre avec Sonia Rolland, Kee-Yoon Kim et Marie-Ange Luciani

par | 5 Oct 2018 | CINEMA, Interview

Pendant toute la durée de la 5ème édition du Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz, retrouvez chaque jour sur FrenchMania le meilleur des films français et francophones en sélection, des rencontres avec les équipes de film et les membres du jury ! Jour 3 : L’Ordre des médecins de David Roux avec Zita Hanrot, première partie de nos rencontres avec les membres du jury avec Sonia Rolland, Kee-Yoon Kim et Marie-Ange Luciani et interview du comédien Gauthier Battoue, vu dans Âmes Sœurs de Pierre Deladonchamps dont nous vous parlions hier.

L’Ordre des médecins : Parle avec elle(s)

Simon est médecin. Pneumologue. La mort est son quotidien, l’hôpital sa vie. Quand sa propre mère est hospitalisée et que son pronostic vital est incertain, le moment est venu pour lui de remettre de l’ordre dans ses priorités. Et la question qui se pose, nœud central de cette chronique en immersion, sera le moteur du récit : Comment un médecin, avec son regard clinique et, par la force des choses, cynique et presque détaché sur la mort, réagit-il quand un proche est en souffrance ? Pour son premier film, David Roux fait le pari du quasi huis-clos en milieu hospitalier et se concentre sur la routine du quotidien de ces femmes et de ces hommes qui, chaque jour, côtoient la mort et la souffrance. La toile de fond, le regard porté sur ce microcosme hospitalier est d’une grande justesse : les rites et les rires, les diagnostics sans détour, les moments d’abandon, les rapports humains, tout sonne juste grâce notamment à un casting de seconds rôles impressionnant. Le cœur du film, c’est le personnage de Simon interprété avec une grande intelligence et une maîtrise confondante par Jérémie Renier qui a rarement été aussi précis. Il est secondé par un trio admirable de femmes. Ce sont elles qui le forcent à parler, à sortir de sa coquille, à retirer le masque de la technicité professionnelle et à se frotter à l’intime. Sa mère est interprétée par l’immense Marthe Keller. Elle est d’une simplicité qui force le respect. Dans le rôle de la sœur de Simon, celle qui le ramène à la famille, à la vraie vie, Maud Wyler (vue dans Louise Wimmer, Low Life ou Le Combat ordinaire) fait des merveilles. Enfin il y a Agathe, jeune interne en médecine qui devient la maîtresse de Simon et incarne cette passerelle entre la vie professionnelle et l’intime. Avec ce personnage solaire, séduisant et volontariste, Zita Hanrot prouve une fois de plus, dans cette année riche en personnages, qu’elle est la comédienne la plus douée et la plus inspirée de sa génération. En refusant une certaine forme de romantisme et en retardant l’émotion, par son joli traitement des souvenirs et, notamment, de la culture juive familiale, David Roux signe un premier film d’une grande maîtrise qui ne cède jamais à la facilité. Simple, sobre. FFM

Photo : Jérémie Renier et Zita Hanrot dans L’Ordre des médecins – Crédit : Pyramide Distribution

4 questions à David Roux et Zita Hanrot, réalisateur et comédienne de L’Ordre des médecins

David, comment est venue l’idée de cette infiltration dans le milieu médical ?

David Roux : Je suis fils de médecins, mes deux parents ont travaillé en milieu hospitalier, et depuis que je veux faire du cinéma, j’avais envie de filmer ce qui m’était familier. Je me suis dit que l’hôpital était un bon sujet. D’ailleurs, ce n’est pas tellement une idée de génie puisque d’autres l’ont eu aussi ! Mais disons que ce que je voyais dans les séries et les films qui se passent dans ce milieu ne correspondait pas toujours à l’idée que je m’en faisais, ou en tout cas à l’expérience que j’en avais. Quand j’allais à l’hosto voir mes parents, j’allais à leur bureau, et tout était très joyeux, on était accueilli par tout le monde. De connaître le quotidien de l’hôpital en dehors de la maladie, je me disais que c’était peut-être une arme pour raconter l’hôpital autrement. J’ai aussi perdu ma mère il y a quelques années, elle a été hospitalisée pendant quelques mois avant de nous quitter, et mon frère aîné, qui est médecin, qui a suivi la grande tradition familiale, s’est retrouvé dans une position un peu spéciale, comparable à celle du personnage interprété par Jérémie Renier. Il n’était pas le médecin de ma mère, mais la pression familiale le mettait dans une position qui le rendait responsable d’elle malgré-lui. Je me disais, le voyant dans cette position, que c’était impossible, tellement dur… Donc voilà, il y avait peut-être à cet endroit un point de tension qui pouvait devenir un film. C’est très ténu, mais le point de départ est né comme ça. Après, j’ai fait aussi l’atelier scénario de la Fémis qui est un truc absolument génial. On est encadré pendant un an pour développer un projet. J’étais parti sur une chronique de l’hôpital, avant de recentrer le récit sur le personnage de Simon et ce qu’il traverse en famille. Je ne voulais pas m’attarder sur les gestes héroïques, mais davantage sur le quotidien, l’intime. Je ne me suis jamais dit que j’allais écrire un film sur la mort de ma mère, mais quand ça l’est devenu, ça voulait dire que c’était tout simplement possible, que j’étais prêt.

Les personnages étaient déjà incarnés pendant l’écriture ? Vous aviez des acteurs en tête ?

DR : Non, parce qu’il y a toujours le risque d’être déçu, d’avoir des déconvenues. Mais même sans ça, c’était déjà si compliqué pour moi d’écrire ce film. J’étais au pied de la montagne, et c’est marrant parce que pendant l’écriture, je n’imaginais pas encore que cela pouvait donner un film. J’écrivais un scénario, c’était purement théorique. Donc je ne me suis jamais posé la question de l’incarnation, cette conception n’existait pas encore. En sortant de la Fémis, j’ai trouvé ma productrice, Candice Zaccagnino, et petit à petit, on a envoyé le scénario à des comédiens.

Zita, qu’est-ce qui vous a séduit dans le scénario et le personnage de jeune interne que vous interprétez ?

Zita Hanrot : Tout. Avec David, on se connaît depuis longtemps, on a un lien particulier, de l’ordre familial, et c’est important de le souligner, spécialement dans le cadre de ce film. Lorsque David m’a proposé le rôle d’Agathe, j’étais hyper touchée, d’autant plus que je venais de finir Fatima de Philippe Faucon, que je débutais… Donc recevoir une proposition comme celle-ci, venant en plus de quelqu’un que j’aime et qui fait son premier film, c’était génial, un vrai cadeau. On a travaillé le personnage d’Agathe ensemble, on s’est beaucoup vu en amont du tournage, on a papoté et fait grandir le lien entre nous. J’ai bien aimé cette façon de préparer en douceur le projet. Le tournage était aussi très doux. Mais sur le plateau, je me suis rendue compte que le vrai enjeu du personnage d’Agathe, c’est la question de la distance, et ça n’a pas été facile à trouver. Il fallait composer avec l’émotion personnelle et l’émotion professionnelle. C’était important pour moi de trouver la place d’Agathe dans ce drame intime et familial, vis-à-vis de Simon, de sa mère, du rôle qu’elle tient à ce moment-là.

Vous étiez dans le film des frères Renier, Carnivores. Qu’est-ce que ça fait de jouer avec celui qui a été votre metteur en scène ?

ZH : C’était super bizarre ! Mais j’avais tellement envie de jouer avec Jérémie. J’avoue que j’étais un peu intimidée. Je me disais “putain, j’ai pas le droit à l’erreur” (Rires) ! Cette année a été très dense pour moi, et je pense qu’on ne fait pas des films tout à fait par hasard, qu’il existe un genre d’alignement de certains éléments et événements. En 9 mois, j’ai tourné dans 6 films, je suis passée par plein de personnages, c’était intéressant, et le personnage d’Agathe est tombé à un moment précis dans ma vie, j’ai avec lui un rapport intime, comme avec le film de David en général. J’ai aussi envie de saluer tous mes partenaires de jeu, Marthe Keller que j’admire infiniment, si drôle, si élégante, si généreuse, tous les actrices et acteurs qui jouent les infirmiers, les internes, les soignants, Jeanne Rosa, Fred Epau … C’était génial d’être avec eux.

Propos recueillis par Ava Cahen et Franck Finance-Madureira – Photo : David Roux sur le plateau – Crédit : Pyramide Distribution

L’Ordre des médecins, réalisé par David Roux. Avec Jérémie Renier, Zita Hanrot, Marthe Keller, Maud Wyler … – France – 1h33 – En salles le 23 janvier 2019.

 

Rencontre avec les membres du jury (1ère partie) : Sonia Rolland, Kee-Yoon Kim et Marie-Ange Luciani

3 questions à Sonia Rolland, actrice, réalisatrice, scénariste, productrice

Comment abordez-vous votre rôle de jurée ?

Ce n’est pas la première fois que je suis membre d’un jury mais, en tout cas, la première fois que je suis membre d’un jury 100% féminin ! J’adore Corinne Masiero, la présidente du jury, j’aime l’actrice mais j’adore la femme, ce qu’elle dégage dans la vie, ses combats, ses coups de gueule, j’aime tout ce qu’elle défend. J’étais très heureuse de rejoindre toutes ces femmes dont je connais le travail et que j’admire.

Qu’est-ce que cela représente pour vous de faire partie d’un jury 100% féminin ?

Ce qui est intéressant c’est que ce soit ces femmes-là, des femmes particulières, des femmes qui ont un regard franc sur les choses et ce groupe, le dialogue que nous avons me correspond en termes d’état d’esprit ! Je me nourris de leur expérience. Elles sont courageuses et mènent leurs combats, c’est encourageant et inspirant pour une femme comme moi qui n’a pas un parcours classique d’actrice qui serait passée par le Conservatoire.Je me suis retrouvée dans ce milieu presque par hasard mais j’ai forcé le destin plus d’une fois et je crois qu’elles aussi. Il y a une sororité nécessaire qui nous permet d’être mieux entendues. Il y eu les scandales qui visiblement surprennent beaucoup de gens mais qui ne nous surprennent pas quand on fait ce métier. Il est temps qu’on s’organise toutes d’une voix pour affirmer que nous existons et que nous avons notre contribution à apporter au cinéma et qu’il faut arrêter de perdre du temps. Il faut faire tomber les barrières, enfin ! Il faut travailler sur la visibilité des femmes, noires, métisses, asiatiques … Il faut inclure toutes les voix ! La sororité, c’est avancer toutes ensemble !

Quels sont vos projets en cours ?

Mon court métrage je l’ai fait sans attendre un financement et cela m’a permis d’avoir une carte de visite et de pouvoir écrire mon projet de long métrage. J’ai monté ma boîte pour rester coproductrice de tout ce que je fais. Je veux m’imposer sur les choix artistiques car je sais ce que je veux raconter sur ce premier long métrage que j’ai écrit avec Emmanuel Poulain-Arnaud. Cela va s’appeler Miss et c’est l’histoire d’une candidate au concours Miss France qui est un peu garçon manquée, métisse et qui vient d’un milieu ouvrier. Comment cette gamine va réussir un pari fou en 3 mois de devenir Miss France, c’est tiré de faits réels mais cela sera une fiction, je me suis permis une totale liberté pour développer les personnages. C’est un mix de plein d’histoires et cela ne sera pas forcément tendre ! Le film est écrit et l’aventure de la recherche de financement commence.

Propos recueillis par Franck Finance-Madureira / Photo : DR

3 questions à Kee-Yoon Kim, humoriste, comédienne, réalisatrice

Comment abordez-vous votre rôle de jurée ?

Avec beaucoup de joie, chacune des membres de ce jury a beaucoup de personnalité et ça nourrit le regard qu’on porte sur les films et les échanges entre-nous. Il y a une complicité, une entente assez naturelle, beaucoup de respect et d’écoute. C’est la première fois que je fais partie d’un jury cinéma, et j’ai l’impression que pour une première, je suis plutôt bien tombée ! Personne ne campe sur ses positions, mes camarades sont toutes ouvertes à la discussion, on apprend beaucoup de ce que dit chacune, et on a de la chance aussi parce que cette sélection est riche, qu’on a matière à discuter.

Qu’est-ce que cela représente pour vous de faire partie d’un jury 100% féminin ?

Alors, moi j’adore les filles ! Je suis ravie d’être avec cette bande-là, c’est la première fois, là aussi, que je fais cette expérience du “tout féminin”, et c’est une super initiative de la part de Patrick Fabre (directeur artistique du Festival, NDLR).  En vrai, je pense que ça ne change pas des jurys mixtes, ce qui nous motive, c’est le cinéma avant tout, c’est d’en parler ensemble. La connexion se fait par là. Je reconnais bien sûr la force du symbole, et si l’on se penche sur la question du féminin dans l’industrie du cinéma, évidemment que ça a du sens dans le contexte actuel. La politique du 50-50, les décisions fiscales prises pour engager à la parité, ça me parle, ça me touche, je suis en train de travailler sur l’écriture de mon premier long métrage et je suis entourée de femmes sur ce projet, donc autant vous dire que c’est un peu ma bataille. Les choses semblent avancer dans le bon sens, et c’est cool.

Quels sont vos projets ?

Je viens d’achever mon second spectacle, Tropique du Panda (one-woman show, NDLR), où il était d’ailleurs question de féminisme, et je me consacre à ce projet de long métrage dont je ne peux pas encore trop parler mais qui me tient à cœur. Il va forcément y avoir des choses un peu personnelles dedans, quelques thèmes en commun avec mon spectacle… On se reverra pour en discuter !

Propos recueillis par Ava Cahen – Photo : © Renaud Cambuzat

3 questions à Marie-Ange Luciani, productrice

Comment abordez-vous votre rôle de jurée ?

Je me laisse porter, je vois les films pour ce qu’ils sont. Ils sont différents, les thématiques abordées sont très différentes donc cela donne une espèce d’état du monde. J’essaie de comprendre à quel point le cinéma dialogue encore avec le monde, avec quel monde il dialogue et ce qu’il a envie de dire. Je me positionne un peu comme une anthropologue !

Qu’est-ce que cela représente pour vous de faire partie d’un jury 100% féminin ?

Je suis dans le collectif 50/50 pour 2020 donc je trouve ça super. Déjà, être dans un jury pour moi c’est une première, c’est rare que les producteurs y soient conviés alors que nous avons un regard artistique sur les films, nous ne sommes pas que des financiers. Et je vais enchaîner avec le jury du Festival de La Roche-sur-Yon ! Donc enfin je vois des films. Sur la question de la place des femmes dans le cinéma, il y a une prise de conscience de la Ministre de la Culture, du CNC, mais cela ne se réglera pas comme ça, tout de suite. Cela va évoluer avec le temps, avec l’éducation, avec un changement de regard. Je pense que la loi c’est important mais pas suffisant, la vraie question c’est comment la société est en train de changer et comment on peut faire pour être équitable. Mais pas que dans le cinéma ! Il faut équilibrer le rapport de force. Si le cinéma peut montrer l’exemple, c’est formidable !

Quels sont vos projets en cours ?

Je travaille sur deux projets avec Robin Campillo, sur le prochain film de Laurent Cantet ainsi que sur le prochain film de Delphine et Muriel Coulin.

Propos recueillis par Franck Finance-Madureira – Photo : DR

 

5 questions à Gauthier Battoue, héros d’Ames sœurs de Pierre Deladonchamps

Comment avez-vous été approché pour ce rôle ?

GB : J’ai présenté ma candidature aux Talents Adami Cannes et mon profil correspondait à celui du personnage de Tristan dans Âmes Sœurs. J’ai passé deux castings avec Pierre ou on a cherché le personnage ensemble. Puis il m’a appelé pour me dire que j’étais pris quelques semaines plus tard. Je sais qu’il a hésité car il a vu pas mal d’acteurs et comme j’avais vraiment adoré le scénario, c’était une attente assez longue pour moi.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans le personnage de Tristan ?

GB : Tristan, c’est difficile d’en parler sans parler de la fin du film. Je vais résumer en disant qu’il a une vraie profondeur, un truc qui m’a touché, où je me suis identifié. C’était la première fois que je n’avais pas l’impression de jouer. Et puis il est tellement lié à Louise, il n’existe pas sans elle. Ça devient tout suite un travail d’équipe avec l’autre comédienne du film. Adèle Wismes.

Quel directeur d’acteur est Pierre Deladonchamps ? Le fait qu’il soit lui aussi comédien joue-t-il dans ses rapports avec les acteurs ?

GB : Pierre c’est avant tout un acteur alors quand il te dirige, il va droit à l’essentiel. Il comprend vraiment les endroits où tu vas devoir te dépasser, aller creuser. En plus je pense qu’il aurait pu jouer Tristan il y a quelques années alors il y avait un échange intéressant. Il m’a beaucoup apporté. Et je n’avais pas peur de « rien faire » à l’image, on vivait simplement avec Adèle ce qu’on devait vivre au fil des scènes.

Le court métrage fait partie de la collection Adami, qu’est-ce que cette exposition vous a apporté en tant que jeune acteur ?

Les talents Adami ça m’a permis de rencontrer beaucoup de professionnels rapidement. Me lier d’amitié avec les comédiens de la collection aussi. Ça devient un peu comme une famille. Mais surtout c’est que le film est vu, et y être associé c’est une grande fierté. J’espère beaucoup que ça deviendra un long métrage.

Quelle est votre actualité prochaine ? Des longs métrages, des courts, des séries ?

Prochainement, je commence la tournée d’Edmond de Michalik. Je joue Edmond Rostand. Avec une rentrée à Paris au Palais Royal à partir de janvier. J’ai un rôle principal dans un joli film-télé de Renaud Bertrand aux côté de Clémentine Celarié et Gilbert Melki, Mystère à l’Élysée. Même époque que Rostand, je garde la moustache donc ! Ça sera diffusé en janvier sur France 2. Il y a aussi la série Amazon Deutsch les Landes, qui devrait sortir cet hiver, où je joue le rôle de Mattieu, un surfeur de Lacanau. Enfin, mon court métrage A Distance continue sa vie en festival et passera prochainement dans histoires courtes sur France 2. L’écriture du long métrage est en cours….

Propos recueillis par Ava Cahen – Photo : ©-Ph.-Biancotto_Adami

 

 

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