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Journal de Bord de St-Jean-de-Luz/Jour 4 : Marc Fitoussi, Lou Gala, La fête est finie, Seule la terre et Après la guerre

par | 6 Oct 2017 | CINEMA

Pendant toute la durée du Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz, retrouvez chaque jour sur FrenchMania une interview d’un ou deux des membres du jury ainsi que les critiques des films en sélection.

3 questions à Marc Fitoussi, membre du jury

Comment abordez-vous votre rôle de juré ?

Pas du tout comme une mission personnelle en tout cas, parce qu’on est réellement liés avec mes camarades, souvent d’accord et assez solidaires je dois dire. J’ai déjà été dans des jurys en festivals, comme à Valencienne en début d’année. C’était particulier parce qu’on était très très nombreux, si bien que les délibérations se sont avérées compliquées. Et puis le principe était de ne pas trop parler des films avant la délibération finale, ce qui n’est pas du tout le cas ici. Nous échangeons entre nous film après film.

Votre dernier coup de cœur au cinéma, et un rendez-vous manqué s’il y en a eu un ?

Récemment, j’ai vu Gabriel et la montagne de Fellipe Barbosa que j’ai adoré, et parce que j’ai adoré ce film, j’ai été curieux de voir son précédent, Casa Grande, qui m’a beaucoup plus aussi. Ensuite, une déception, oui, le dernier film de Claire Denis, Un beau soleil intérieur. Il y a des choses formidables, et surtout l’interprétation de Juliette Binoche, mais le film m’énerve surtout pour les retours hystériques que je peux entendre. Je suis surpris parce qu’on estampille ce film “comédie”, mais ça ne m’a pas du tout fait rire…

Vos projets à venir ?

Je vais réaliser quelques épisodes de la saison 3 de Dix pour cent. Je suis très content et en même temps j’ai très très peur parce que c’est la première fois que je fais de la télévision et que j’ai l’habitude de prendre mon temps sur les plateaux ou en tout cas de faire pas mal de prises et d’avoir mes 8 semaines de tournage pour être bien, mais là, c’est du 52 minutes qui se tournent en 11 jours et je pense que j’aurai un maximum de trois prises, au mieux, donc pour moi c’est nouveau ! On en a vachement parlé avec Lola Doillon qui a aussi réalisé quelques épisodes de la série (aussi membre du jury, Ndlr). Voilà, le défi est là, il y a toujours à apprendre. Puis j’aime, en plus de ça, la série en tant que spectateur. Et après, si tout va bien, j’ai un projet de long métrage avec trois actrices que j’adore, Isabelle Huppert, Sandrine Kiberlain et Marina Foïs. Les trois ont dit oui, mais je vous en dirai plus la prochaine fois, quand tout sera plus défini ! Là, on en est encore au stade de l’écriture.

Propos recueillis par Ava Cahen et Franck Finance-Madureira

Copyright Chris Huby – Le Pictorium Agency

3 questions à Lou Gala, égérie du festival

Comment vous sentez-vous dans ce rôle d’égérie ?

C’est vraiment un plaisir et un honneur. Je suis ravie qu’on m’ait demandé de poser pour l’affiche de cette édition. Ça m’a touchée parce que j’étais venue pour la première fois au festival il y a deux ans pour présenter un court métrage réalisé par Stéphanie Murat, Samedi soir, dans lequel je jouais, et je ne connaissais pas du tout St-Jean-de-Luz et le festival. J’ai donc tout découvert en même temps et c’était super. Donc quand on m’a proposé de revenir cette année pour être l’égérie du festival, j’ai sauté de joie, et en plus je profite du Pays Basque pendant une semaine, ce qui n’est pas désagréable !

Vous encadrez également le jury jeune, comment vous y prenez-vous ?

Le jury jeune est composé de lycéens, principalement des Terminale L, mais certains viennent de S ou ES. Ils sont très justes, très autonomes. On se parle souvent à la sortie des films en donnant des notes un peu aléatoires pour confronter nos avis. On est souvent en désaccord, ce qui est une très bonne chose, mais il y a aussi des points d’entente. Comme il s’agit d’un festival international, il y a des films chinois ou indiens qui ne sont pas toujours évidents pour ce public jeune, et je crois que mon rôle, c’est aussi de leur dire que ces films-là sont le miroir d’une réalité parfois difficile, qu’ils épousent un rythme différent de celui qu’ils connaissent et surtout, que sans un festival comme celui-ci, ils n’auraient peut-être pas eu la possibilité de les découvrir.

Votre dernier coup de cœur au cinéma, et un rendez-vous manqué s’il y en a eu un ?

Mon dernier coup de cœur… je dirais Paterson de Jim Jarmusch. Il date un peu, mais c’est un film que je revois régulièrement parce qu’il me fait du bien. Ce que j’en retiens, c’est sa beauté, celle de couple atypique mis en scène par Jarmusch, un couple qui a des centres d’intérêts très différents, qui s’éloigne et se rejoint. Je trouve ça très beau parce que ça donne beaucoup d’espoir vis-à-vis de ce qu’est l’amour. C’est superbement filmé et les personnages existent vraiment. Pas de déception ou de coup de gueule en revanche. Je remarque qu’il y a des choses qui évoluent bien, qu’il y a pas exemple de plus en plus de femmes à des postes importants dans le monde du cinéma. Après, les luttes ne sont jamais acquises et il ne faut pas baisser la garde. Les luttes se réimposent sans cesse, et c’est aussi pour ça que le cinéma existe.

Vos projets à venir ?

Je serai prochainement dans un film qui s’appelle LOOV, Là où on va de Jérôme Gerlache. Un premier long métrage de fiction tourné à moitié en France et en Thaïlande. On me verra aussi dans Les Tuche 3 et dans deux merveilleux courts métrages qui s’appellent L’un pour l’autre de Léo Fontaine et Après six heures d’Élise Lebargy.

Propos recueillis par Ava Cahen et Franck Finance-Madureira

 LES FILMS DU JOUR

La fête est finie  de Marie Garel-Weiss  (en compétition)

En 1998, Erick Zonka filmait avec grâce et sentiment le périple intérieur de deux jeunes femmes, une blonde et une brune, interprétées par Élodie Bouchez et Natacha Régnier. Impossible de ne pas penser à La vie rêvée des anges pendant la projection de La fête est finie, et forcément, ce dernier souffre de la comparaison avec son aîné. Marie Garel-Weiss met en scène deux adolescentes paumées et junkies qui cherchent une porte de sortie à leur cauchemar. Mais cette amitié fusionnelle devient évidemment le nouveau foyer de la dépendance. Démonstratif et suranné, La fête est finie nous laisse de marbre. Aucune émotion ne passe à travers l’image et les tremblements permanents du cadre finissent par avoir raison de nos nerfs. Ce premier long métrage de fiction filmé comme un documentaire tombe dans tous les pièges que le sujet tendait : la drogue c’est bon mais c’est mal, ça coupe du reste du monde, ça cache des traumas, mais ça se combat. Pas loin du spot de prévention. Sauf qu’on n’y croit pas. Jamais même. Les personnages sont sans épaisseur et contrairement à Erick Zonka, Marie Garel-Weiss joue la carte de la psychologisation à outrance, nous entraînant dans des groupes de prise de parole d’un didactisme affligeant. Les ficelles narratives sont énormes, et si les deux comédiennes, Zita Hanrot et Clémence Boisnard tentent tant bien que mal d’exister, leur intensité est broyée par le manque de subtilité dans l’écriture et la réalisation. Pataud, daté et mollasson. A.C

 

Seule la terre  de Francis Lee (en compétition)

Il suffit parfois de presque rien pour qu’une vie change. Pour Johnny, jeune fermier du Yorkshire qui se retrouve trop tôt à la tête de l’élevage familial, cela sera Gheorge, un travailleur roumain venu prêter main forte. Johnny est en souffrance, il baise des garçons faciles et observe ses amis partis pour l’université en avalant des bières au pub. Malgré tout il doit faire face au dur labeur quotidien suite à l’AVC de son père, la grand-mère assurant l’intendance de ce foyer boiteux et taiseux. La rencontre avec Gheorge, c’est la découverte de la tendresse, du toucher, du baiser. La rencontre avec Gheorge, c’est ce qui fait que plus rien ne sera jamais comme avant. De facture plutôt classique, ce premier long métrage de fiction foisonne d’idées et de détails subtils. Tout ici fait sens, sans esbroufe. Francis Lee filme la terre de son enfance et y convoque les fluides, les corps, les bêtes et les machines. Film d’initiation d’une intense sensualité, Seule la terre opère un rapprochement des êtres et des destins via des réconciliations familiales quasi muettes, des regards qui disent beaucoup et des gestes qui ne mentent pas. Les comédiens sont d’une vérité troublante, mention spéciale à Josh O’Connor qui incarne un Johnny écorché, empêché, qui va renaître devant nos yeux. F. F-M

 

Après la guerre  d’Annarita Zambrano  (en compétition)

C’est l’histoire d’une dérobade, celle d’un ex-militant d’extrême gauche italien rattrapé par son passé. Soupçonné avoir commandité l’assassinat d’un juge, Marco est contraint de fuir la France où il est réfugié depuis des années, le gouvernement italien réclamant à sa patrie d’accueil son extradition. Il entraîne avec lui sa fille, Viola, 16 ans, dont la vie va se trouver alors bouleversée par la/les faute(s) de son père. Le prix à payer, voilà ce dont Annarita Zambrano s’empare avec sobriété. Ce voyage entre la France et l’Italie ravive des plaies réelles. L’action se déroule en 2002, alors que les étudiants manifestent avec vigueur contre la nouvelle loi travail (superbe scène d’ouverture chargée de la parole contestataire). Juste, engagé, Après la guerre filme les déflagrations internes, les répercussions politiques et historiques au sein de la sphère intime (la famille de Marco). Malgré quelques longueurs et une partie française moins solide que l’italienne, ce premier long métrage se distingue par son regard critique sur vingt ans d’histoire complexe entre deux pays aux révoltes communes. A.C

 

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