A l’occasion de la sortie DVD de la saison 2 de FAUDA – série israélienne au succès planétaire – et de sa diffusion sur Netflix fin juillet, nous avons demandé à l’actrice franco-libanaise Laëtitia Eïdo – aka Dr Shirin El Abed – de se livrer à un exercice singulier : tenir un journal de bord du tournage de cette deuxième saison tant attendue. Nous vous en proposons sa version longue, semaine après semaine. Immersion.
JOURNAL DE BORD – Semaine 4
Une Oasis dans le désert
par Laëtitia Eïdo
On tourne dans un endroit à la fois très aride et totalement paradisiaque. Une toute petite oasis verte au milieu du désert. À 1h au Sud du pays (qu’il faut à peine quelques heures pour traverser de part en part…). Un éleveur de chevaux et de moutons a installé sa ferme sur les terres de sa famille, réellement perdue au milieu d’une zone totalement sèche mais où pousse pourtant de grands champs de foin pour nourrir ses bêtes.
À la tombée du jour, il siffle quelques coups rapides et stridents et fait retentir sa voix dans la plaine, et en quelques secondes on voit surgir de nulle part des dizaines de chevaux apparemment en totale liberté, qui galopent jusqu’à l’enclos pour venir manger et y rester pour la nuit… Vision totalement idyllique. J’ai le cœur un peu serré parce que je sais que la fin du tournage approche, et en même temps je me dis qu’il n’aurait pu se terminer plus en beauté !
La BBC est également venue jusqu’ici tout comme l’équipe d’Arte et de TF1 pour faire un reportage. Nous sentons l’attention grandissante autour de nous et de la série. Nous passons d’une interview à l’autre entre deux scènes, toujours dans un improbable “balagan/fauda/chaos” malgré les tentatives d’organiser un peu tout ça…
Passion caméléon
Je dois préparer LA scène d’amour entre Doron et Shirin… C’est toujours un moment un peu stressant, bien qu’on ait pris le temps de répéter avec le réal pour voir ce qu’on montrerait et ce qu’on choisirait d’éviter… Je me douche dans la salle de bain très rudimentaire de la propriété, et j’aperçois par une toute petite fenêtre en montant dans la baignoire, 4 paons d’une grâce indescriptible dans le soleil couchant, faisant la roue et se pavanant juste sous mes yeux… Je ressens à ce moment là une immense gratitude pour ce moment précieux.
Je trouve aussi plusieurs caméléons tués régulièrement par les chiens de troupeaux qui s’amusent avec eux comme des balles de tennis à travers l’herbe verte… Cet animal est tellement beau que ça fait mal au cœur.
Au loin, dans le désert, quelque part, on entend régulièrement des explosions violentes. On m’explique que ce sont des essais effectués par l’armée, d’armes ou bombes, des entraînements… La réalité géo-politique n’est jamais bien loin, la guerre non plus, malheureusement.
Le dernier jour de mon séjour, l’équipe de la BBC tient à m’amener en territoires Palestiniens, à Bethléem notamment. Ils voulaient filmer mon personnage, Shirin, dans le “vrai” contexte de FAUDA. Nous avons visité les camps de réfugiés qui sont devenus de vraies villes, en dur, et ils m’en expliquent le complexe et inattendu fonctionnement… Nous avons rencontré des habitants dans les petites rues de Bethléem qui m’ont reconnue et sont venus me dire à quel point ils appréciaient la série. Je leur demandais pour quelle raison précise. Ils me répondaient souvent que c’était parce qu’ils se reconnaissaient dans les personnages qui avaient comme eux, une famille, des rêves, des espoirs (souvent déçus)… Et que ça leur permettait de voir l’autre camp autrement que comme un simple ennemi mais comme d’autres familles, avec leurs problèmes, leurs vies, etc. Qu’ils se découvraient aussi, par l’intermédiaire d’une fiction, finalement bien plus proches les uns des autres qu’ils n’auraient pu l’imaginer… Je reçois par internet ce genre de messages de nombreux pays, Israël bien sûr, mais aussi les territoires palestiniens, la Jordanie, le Liban, l’Arabie Saoudite mais aussi le Brésil (beaucoup !), les USA (énormément), la France et de beaucoup d’autres encore…
NAOR joué par Tsahi Halevi, prince du camouflage
Militaire, acteur et chanteur, Tsahi interprète l’un des espions “Mista’aravim” qui se camouflent en citoyens Palestiniens pour naviguer incognito… Dans la vraie vie, il est l’un des rares à parler couramment Hébreu, Français, Anglais et Arabe. Il a vécu au Maroc, en Belgique, en Égypte… et c’est un être humain extraordinaire. Je pense que mon sourire sur cette photo peut témoigner de notre joyeuse complicité. J’ai malheureusement très peu de moments avec lui et avec les autres acteurs sur le plateau, puisque la quasi-totalité de mes scènes sont avec Lior Raz (Doron) et Shadi Mar’i (Walid). Mais il y a certaines amitiés qui se soudent hors-scènes lors d’un tournage, heureusement, et qui font partie des belles expériences d’un tournage aussi intense.
FIN.
Crédit photo : Laëtitia Eïdo