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Judith Therpauve de Patrice Chéreau

par | 17 Nov 2025 | CINEMA, z - 1er carre droite

Etat des lieux

Deuxième long métrage de Patrice Chéreau, Judith Therpauve est un film très différent du reste de sa filmographie : une œuvre réaliste, une chronique sociale sombre de la France de l’entre deux crises pétrolières, un portrait de femme kaléidoscopique qui permet, par un jeu de miroirs et de perspectives, de sonder au plus profond l’état du pays, un film mal aimable et mal aimé qui offre pourtant à Simone Signoret l’un de ses rôles les plus puissants.

Judith Therpauve, c’est une femme de caractère qui accepte, la soixantaine passée, de prendre les commandes du quotidien local, La Libre République, dont elle détient des parts en tant qu’ancienne résistante et veuve de résistant. L’envie de fuir ses enfants et petits-enfants qui pourrissent ses week-ends dans sa grande maison familiale, de se confronter à l’époque, de se réaliser ? Si ses motivations restent floues, son parcours à la tête de cette rédaction permet, au-delà du “portrait de femme” induit par le titre, une chronique extrêmement réaliste de la vie des différentes couches qui composent la société française des années 70. Cette observation de la vie d’un journal quotidien de province (le film se déroule à Metz) agit comme un révélateur de l’époque et fait vivre au plus près la confrontation entre les anciens et les nouveaux, une vision claire des enjeux économiques et sociaux du pays et les bouleversements sociétaux à l’œuvre.

Apre et sombre, le film agit sur la durée et en profondeur, on se laisse happer par le quotidien de Judith, on découvre avec elles les rouages d’un média de proximité et les enjeux politiques du moment. Assumant son côté chronique et refusant jusqu’à la toute fin les effets scénaristiques habituels, Judith Therpauve trouve sa place entre le réalisme brut d’un Pialat et le documentaire sans artifice à la Depardon. Un film sans artifice, sans fioritures, si ce n’est la poésie d’un silence, d’une ligne de dialogue hors du temps ou d’un regard de Signoret.

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