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Julie se tait de Leonardo Van Dijl

par | 31 Jan 2025 | CINEMA, z - Milieu

Jeu, silence et emprise 

Tennis et dénonciation de l’emprise sur les jeunes filles font décidément bon match au cinéma ! Film de 1951 d’Ida Lupino Jeu, Set et Match montrait l’enfermement progressif d’une jeune tenniswoman talentueuse par son entourage. Plus de cinquante ans plus tard alors que MeToo est passé par là et que la parole sur les violences sexistes et sexuelles au cinéma et dans le sport se libère, Julie se tait, le premier long métrage du réalisateur flamand Leonardo Van Dijl s’empare avec intelligence du mécanisme d’emprise dont peut être victime une adolescente. Julie (magnétique Tessa Van den Broeck) tape des balles imaginaires seule à l’entrainement. Alors que ses camarades l’interrogent sur le court : « Où est Jérémie ? », leur coach qu’ils attendent. On apprendra rapidement le suicide d’une ancienne joueuse et l’implication probable de Jérémie, écarté immédiatement du club. Le film, d’ailleurs, le maintient aussi à distance de son cadre, lui accordant seulement une scène de confrontation avec l’héroïne. Mais les sonneries de téléphone à répétition, sa voix en haut-parleur et le vibreur en hors champ, matérialisent le pouvoir oppressant qu’il continue d’exercer sur Julie, dont on peut lire la peur dans les yeux. Quand le club crée une cellule d’écoute et invite les joueurs à se confier, elle se mure dans le silence. Le film va épouser son choix et accompagner l’adolescente, la suivre à son rythme, tout en subtilité. Leonardo Van Dijl, par la précision de sa mise en scène, place son mutisme au centre du cadre tandis que les membres de son entourage bienveillant entrent et sortent de ces plans souvent fixes et s’expriment parfois de dos ou entouré d’un flou. Ils seront de plus en plus présents autour d’elle, au fil de sa libération progressive et de sa prise de conscience. Van Dijl fait aussi preuve d’une grande maîtrise dans l’utilisation du  son avec ce silence qui met au premier plan le bruit des balles,  comme une caisse de résonnance sourde de la toxicité. Parfois, la musique composée par Caroline Shaw s’élève et brise le silence pour laisser des voix de femmes s’exprimer. Le film s’enveloppe du mystère de Julie pour mieux dénoncer, avec une maîtrise percutante, ce qui la fait se taire.

Écrit et réalisé par Leonardo Van Dijl. Avec Tessa Van den Broeck, Ruth Becquart, Claire Bodson… 1h37 – Jour2Fête – En salles le 29 janvier 2025. 

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