Quand la télévision donne une leçon de cinéma
L’histoire de Kim Kong paraît complètement folle. On pourrait la croire sortie de l’esprit de Seth Rogen et Evan Goldberg (duo américain derrière Sausage Party, Délire Express, SuperGrave et L’Interview qui tue !). Et pourtant, les créateurs de cette mini-série de trois épisodes de 52 minutes conçue pour Arte se sont inspirés d’une histoire vraie : celle de Shin Sang-ok, un cinéaste sud-coréen qui entre 1978 et 1986 fut séquestré en Corée du Nord et contraint de réaliser des films de propagande pour le régime. Il a notamment commis Pulgasari, remake de Godzilla. Après sa fuite du pays, et grâce à la protection des services secrets américains pendant trois ans, le réalisateur a repris une activité normale et a produit la saga les Trois Ninjas, entre autres.
Dans Kim Kong, Shin Sang-ok devient Mathieu Stannis, un réalisateur français franchement désabusé, forcé de faire « des films à trois millions pour un public de beaufs ». Kidnappé par les agents d’une dictature d’un pays d’Asie, il rencontre le grand Commandeur qui lui ordonne de réaliser une nouvelle adaptation de King Kong en faveur de sa « Démocratie Populaire ». Face aux restrictions de matériel, et avec une équipe d’amateurs qui ne le comprend pas, Stannis va devoir trouver un moyen de contenter son tortionnaire, et finira même par se prendre au jeu. À cet instant, Kim Kong surprend et dépasse la simple comédie – les auteurs Simon Jablonka et Alexis Le Sec (dont on salue la qualité d’écriture) allant jusqu’à proposer un véritable hommage au 7e art, mais à la télévision. Que ce soit par l’évocation d’inspirations comme Spielberg, dont Stannis reprend volontairement certains plans, ou par l’explication de l’importance de la mise en scène. Cette capacité à faire passer des messages par l’image, par les choix de cadrage, à exprimer aussi une nostalgie d’un cinéma qui ne se contentait pas de fonds vert et d’une débauche d’effets spéciaux, tout ça est savoureux. En se concentrant sur l’envers du décor, là où la créativité naît des contraintes, Kim Kong revient ainsi aux bases du cinéma, son langage, sa technique et sa magie.
Dans un style tragi-comique, avec une part dramatique surprenante, le réalisateur Stephen Cafiero (Templeton, Irresponsable) prouve à nouveau qu’il maîtrise les codes du genre, bien aidé tout de même par un Jonathan Lambert plus vrai que nature en cinéaste antipathique, mais pas dénué d’humanité. En dépit de certaines longueurs dans sa dernière partie, Kim Kong tient ses promesses et met en avant la passion retrouvée et l’exigence nécessaire à un cinéma qualitatif. Une exigence qui, aujourd’hui, fait souvent défaut, en France comme ailleurs…
Diffusée à partir du jeudi 14 septembre 2017 à 20h55 sur Arte.
Créée par Simon Jablonka et Alexis Le Sec, réalisée par Stephen Cafiero, avec Jonathan Lambert, Frédéric Chau, Christophe Tek, Audrey Giacomini… Durée : 3x52min – France
© Kwaï/Thanaporn Arkamanon/Arte