La réparation
Croire, c’est avoir avoir la foi. Emmanuel Siess a grandi dans cette confiance religieuse envers le Dieu catholique. Mais qu’en est-il d’être cru en tant qu’individu ? De s’entendre dire non plus « je crois » mais « je te crois » ? Dans sa famille où la religion tient une grande place, personne ne prend le temps de se parler et de s’écouter. Qui aurait pu croire cet adolescent solitaire de 13 ans abusé sexuellement par le prêtre du village dans les années 1990 ? Trente ans après, sa cousine, la réalisatrice Claudia Marschal, met en scène le cheminement de cette écoute rendue possible dans le temps présent et la quête personnelle d’Emmanuel Siess, âgé de 40 ans, vers la réappropriation de son traumatisme alors qu’il est revenu habité dans ce village alsacien, près du domicile familial. Le point de départ de cette recherche vers le passé est la culpabilité grandissante du père qui a nié pendant des décennies, l’agression dont son fils a été victime. Après avoir confronté et cru le père Hubert, comme on croit un homme d’église ou que l’on refuse qu’un représentant de la parole divine puisse mentir, l’agresseur envoie une lettre à Emmanuel lui proposant une rencontre. De ce déni étouffant, il en ressort le courage de se rendre au commissariat porter plainte et mettre enfin des mots. Cette déposition, Emmanuel va l’enregistrer secrètement et la cinéaste après autorisation de diffusion en l’état par la gendarmerie et la procureure de la République en fait le document audio charnière de son premier long métrage. Pour avancer dans cette histoire de réconciliation, la cinéaste y mêle des archives vidéos tournées en super 8, des photographies, des séquences filmées par Emmanuel au portable… Et tandis que se dessine le portrait de cet homme entre colère et apaisement, La Déposition met en lumière les rapports déchirants qu’entretiennent un père et un fils tandis que cette église surplombe leur maison et abrite toujours ce prêtre en exercice, coupable impuni en hors champs… La parole aura au moins été enfin entendue grâce au dispositif documentaire, et c’est déjà bouleversant.
Écrit et réalisé par Claudia Marschal. 1h32. Shellac. En salles le 23 octobre 2024.