Garçon caméléon
Ce premier film est passionnant par le ton de conte fantastique qu’il met en place, envoutant par la force de son récit et excitant grâce à sa réelle originalité. Il confirme un attrait renouvelé du jeune cinéma français pour des genres jusqu’ici négligés, un goût profond pour la création d’univers fantastiques à la française, mâtinés de « high concept » à l’américaine. Leo Karmann met en scène un jeune orphelin, Simon, 8 ans, qui se lie d’amitié avec Thomas et sa sœur Madeleine, dite Mad et malade du cœur. S’il leur envie cette vie idéale avec papa, maman, grande maison et étreintes parentales, Simon a un secret, qui donne lieu à une scène d’ouverture mystérieuse : il peut se transformer physiquement selon son bon vouloir et prendre l’apparence de n’importe qu’elle personne avec laquelle il a eu un contact. Mais quand Thomas se tue en tombant dans un ravin lors d’une balade en forêt, une nouvelle vie possible s’ouvre à lui…
En prenant les atours du conte et en y ajoutant une bonne dose de super-pouvoir, le film saisit d’entrée par son originalité, la simplicité de ses effets et les possibilités fictionnelles d’une extrême richesse qu’il met en place. Quand le fil du récit se permet une ellipse de 10 ans, la curiosité et l’excitation sont à leur comble, un temps maintenues par la double vie de ce héros désormais multiple et sa relation amoureuse ambigüe.
Mais, dans la dernière demie-heure, le récit fantastique de ce drame originel lourd de conséquence qui jouait, comme tout conte, d’un savant mélange entre les peurs enfantines et parentales (l’abandon, la perte d’un enfant, l’inceste) et un questionnement passionnant sur le déterminisme et l’empathie dont le super-pouvoir de Simon serait l’idéale métaphore, ne parvient pas à maintenir son cap. Il perd le fil au profit d’un croisement bien moins maîtrisé de sujets plus « adultes » que seraient l’inconditionnalité du sentiment amoureux, l’identité au sens policier du terme et un (faux) suspense médical qui précipite la fin du film à coup de scènes “d’action”. L’ambiance fantastique savamment posée pendant la première heure dilue sa force dans cet éclatement narratif aux ruptures brusques qui frisent parfois l’incohérence (je t’aime, je te tue).
Restent une réelle ambition, un film surprenant, un nouveau cinéaste plus que prometteur et un trio de jeunes comédiens extraordinaire. On découvre avec un grand plaisir Martin Karmann, sobre et puissant dans un rôle complexe, Camille Claris, mélange moderne d’une Anouk Grinberg post-ado et d’une Juliette Binoche des débuts, et Benjamin Voisin, confirme après ses performances parfaites dans la série Fiertés, le film de Rupert Everett, The Happy Prince, ou, plus récemment, celui de Benjamin Parent, Un Vrai bonhomme, qu’il est l’un des comédiens les plus protéiformes et talentueux de sa génération.
Réalisé par Léo Karman. Avec Benjamin Voisin, Camille Claris, Martin Karmann, … – 1h43 – FRANCE – En salles le 5 février (Jour2Fête)