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Le Journal de Sébastien Marnier, épisode 1

par | 10 Jan 2021 | CINEMA, z - 2eme carre gauche

Episode 1 : Le film le plus beau et le plus vénéneux qui soit

 

Sébastien Marnier est entré dans la phase de préparation de tournage de son troisième long métrage L’Origine du mal. Chaque jour sur les réseaux sociaux, le réalisateur tient son journal en un post et une image. Retrouvez chaque week-end sur FrenchMania l’intégralité de son journal de bord de la semaine. Pour ce premier épisode, partons à la découverte des bureaux de la production à Paris, puis, direction le Sud pour les repérages. Première annonce côté casting : C’est Laure Calamy qui tiendra le rôle principal !

 

JOUR 1

DÉBUT DE LA PRÉPA OFFICIELLE

Aujourd’hui, c’est la rentrée et c’est un grand jour pour moi et mon équipe. C’est le début de la prépa officielle de mon troisième long métrage. Après des mois de travail et de recherches de financements, nous entrons donc enfin dans le réel et le concret.

Aujourd’hui, nous nous installons dans nos nouveaux bureaux, où progressivement, l’équipe va me rejoindre jusqu’au début du tournage. C’est un jour grisant, euphorisant mais aussi un saut dans le vide, je n’ai jamais réalisé un film en temps de pandémie et il va falloir se blinder, se préparer à des rebondissements, à des imprévus… il va nous falloir être prudent car les enjeux sont trop importants.

C’est pour cela que j’ai décidé de tenir une sorte de journal de bord. J’ai envie de vous raconter, au jour le jour, cette aventure particulière.

Un film, c’est trois ans de travail et les 4 mois qui s’annoncent, entre la prépa et le tournage, seront pour moi les plus intenses mais aussi – je l’espère – les plus joyeux parce que les plus collectifs. Je suis certain que même cachés derrière nos masques et couverts de gel hydroalcoolique, nous ferons tout ce qui nous est possible pour réaliser le film le plus beau et le plus vénéneux qui soit.

Bonne journée à nous et un merci infini à Caroline Bonmarchand, Audrey Smadja, Xenia Sulyma, Sébastien Perret et toute la team d’Avenue B Productions pour leur soutien indéfectible ces derniers mois.

 

 

JOUR 2

PRÉPA

Hier, nous avons investi nos nouveaux bureaux, ils sont immenses et encore un peu glaciaux… Il va falloir en coller des photos aux murs pour réchauffer tout ça… Mais nous avons de la lumière et surtout, les espaces sont suffisamment grands pour que nous puissions respecter la distanciation physique.

C’était un premier jour de prépa et comme tous les premiers jours de prépa, je n’ai pas trop su par quoi commencer…Tellement de choses à faire ! Alors je vais de bureau en bureau, je vais m’assurer que les gens sont bien installés, j’ai envie qu’ils me posent des tonnes de questions mais ils n’en

Photo : Sébastien Marnier

Préparer un film, c’est affronter des montagnes de questions et de problèmes ; le PLAISIR de faire un film c’est d’y répondre et de trouver des solutions à la fois réalistes et poétiques, des réponses que vous n’aviez même pas imaginées !

Préparer un film, c’est jongler en permanence entre le concret et l’abstrait.

C’est surtout, anticiper et rêver chaque minute de tournage pour que le prosaïque soit rendu supportable ; c’est construire pas à pas, une transe collective qui, je l’espère toujours, finira par convoquer des forces qui nous dépassent…

Durant cette première journée de prépa, j’ai fait ce que je fais toujours les premiers jours de prépa, j’ai reconvoqué en moi mes rêves d’enfant, j’ai reconnecté avec ce petit gars qui voulait faire du cinéma et des « films qui font peur ». C’était heureux, c’était nostalgique ; j’ai retrouvé des sensations, les odeurs de ma chambre de gamin à La Courneuve, la texture qui gratte du canapé de mes parents dans lequel nous regardions des films à la télé, j’ai retrouvé le bruit de la cité… j’étais loin. Et bien.

Et puis il était l’heure de rentrer, c’était déjà le couvre-feu. J’ai traversé Paris dans le froid glacial. Et puis Boris Johnson a reconfiné totalement le Royaume Uni. J’ai prié mon Dieu à moi, celui que je ne partage avec personne d’autre, pour que la France ne suive pas le même chemin.

 

 

JOUR 3

PRÉPA

Les bureaux de prépa se sont réchauffés. Les radiateurs ont fait leur effet et surtout, l’équipe sur place s’est étoffée. Nous avons fait notre première grosse réunion avec les différents chefs de poste. Chef opérateur, cheffe costumière, team décoration, team régie et team production. Les questions tant attendues ont été plus nombreuses ; par moment je me disais que, de l’extérieur, elles devaient paraître folles et absurdes.

Photo : Sébastien Marnier

Quelle robe sur quel canapé ? Quel tissu pour le canapé ? Quelle moquette sous le canapé ? Quelle couleur de cheveux pour cette actrice ? Quel temps de pose pour une décoloration puis pour une couleur ? Quelle voiture ? Quel bateau ? Quel corps de caméra ? Quelle série d’objectifs ? Nous voulons des anamorphiques mais ils sont touts partis sur le plus gros film gaulois de l’année.

Pourquoi des objectifs anamorphiques ?

Moi : Parce que c’est ce qui va déréaliser l’image.

Pourquoi ?

Moi : Pour fuir le quotidien. Échapper au réel.

On y revient toujours.

Ces discussions sont bien folles et absurdes ! Et c’est pour cela que notre métier est merveilleux.

Il est fait d’une somme de petits riens et de particules en suspension, de questions et de réponses comme un long cadavre exquis.

Après avoir passé deux ans d’écriture et partagé ma vie avec des personnages qui n’existent pas, le retour à la réalité doit se faire par petites touches. Chaque chose en son temps. Aujourd’hui, nous sommes encore dans nos fantasmes et nous rêvons des plans où les talents de chacun pourront cohabiter.

Voilà où nous en sommes : Nous imaginons et nous rêvons des plans.

Dans la foulée, j’ai enfourché mon vélo pour rencontrer un acteur qui pourrait tenir un rôle important dans mon film.

J’ai eu ma mère au téléphone. Sa voix était encore groggy par l’anesthésie mais les médecins lui ont dit que l’opération avait duré 5h et qu’elle s’était très bien passée.

La réalité finit toujours par nous rattraper.

 

 

JOUR 4

PRÉPA

Laure Calamy tiendra le premier rôle de L’Origine du mal.

Joie. Bonheur. Impatience.

Les repérages reprennent.

Nous sommes dans le train en partance pour le Sud. Nous quittons Paris et nous allons retrouver la mer et l’horizon, nous reconnecter aux éléments.

A demain.

 

 

JOUR 5

PRÉPA

Il y a deux ans, quand j’ai commencé à écrire le scénario de L’Origine du mal, l’idée d’une pandémie mondiale n’était ni une peur, ni même une angoisse, elle n’était tout simplement pas une option. Hier, quand le réveil a sonné à 6h pour filer à la gare de Lyon, j’ai bondi hors du lit et sous la douche, je me suis dit que j’avais eu une sacrée bonne idée en imaginant l’action de mon nouveau scénario dans le Sud, en bord de Méditerranée ! Non seulement cette histoire allait me permettre de tourner dans des sites de rêve, mais en plus, les repérages m’autoriseraient à quitter Paris. Quitter enfin les rues et le métro masqués, les terrasses fermées, les cinémas non essentiels, les théâtres barricadés et les musées clos…

Le TGV me transporte et traverse quasiment toute la France enneigée ; paysages de cartes postales et vive le vent, vive le vent. Puis le ciel se dégage et l’ombre des premiers palmiers se dessinent sur nos visages. Marseille, Toulon…

A peine arrivé sur notre décor, j’ai dévalé le grand parc qui mène à la crique pour approcher mes baskets au plus près de l’eau translucide.

Et pour la première fois depuis des semaines,

j’ai baissé mon masque.

J’ai respiré,

j’ai senti mon cœur battre,

j’ai senti mon sang circuler

j’ai retrouvé mes sens.

J’ai fermé les yeux et senti l’odeur de la mer, celle des pins.

Le bruit de mes pas sur les cailloux et les galets m’a fait frissonner de bonheur. Je me suis senti léger, léger ; ça faisait tant de semaines que je n’avais plus ressenti ça ! Le vent, le petit ressac, les paddles au loin qui semblaient glisser sur l’eau, les bateaux…

Hier, j’étais l’homme le plus chanceux du monde et j’ai commencé à imaginer des futurs spectateurs dans leur salle de cinéma : à leur tour, ils pourront échapper à leur vie 1H40 pour me rejoindre sur cette crique et approcher leurs baskets au plus près de l’eau translucide.

Photo : Sébastien Marnier

 

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