La maman ou la putain
Au vu du malaise qu’il occasionna lors de sa première mondiale à Berlin en février dernier, le nouveau Philippe Garrel faisait figure de film « ok boomer » de la dernière compétition festivalière d’avant-Covid. Le Sel des larmes peut se résumer à une énième variation de Philippe Garrel sur la lâcheté si séduisante d’un jeune homme de 2020 qui vit comme dans les années 60. Le rapport au père et à la transmission, les portraits de femmes, la vision de la sexualité et du sentiment amoureux, tout sent le renfermé comme à l’ouverture d’une malle oubliée dans un vieux grenier. C’est souvent pathétique quand ce n’est pas tout simplement grotesque. C’est le manque de nuances qui dérange le plus dans le regard que porte Garrel sur ces jeunes femmes “modernes” qui semblent émerger d’un long sommeil comme des belles au bois dormant endormies depuis Eustache et qui ne pourraient jamais s’émanciper d’un modèle contraignant d’existence binaire et préalablement théorisé : soit maman, soit putain. Dommage car, au détour d’une scène chorégraphiée sur une chanson trop lente de Jean-Louis Aubert, vision symboliste et inspirée d’une soirée en club, on se rappelle que Garrel sait filmer, créer des images fortes et qu’il n’est pas dans l’impossibilité d’une modernité que le reste du film se complait à refuser. Dommage aussi pour sa petite troupe de comédiens et de comédiennes qui sont tous formidables dans la partition ténue qu’ils et elles ont à défendre.
Réalisé par Philippe Garrel. Avec Logann Antuofermo, Oulaya Amamra, Souheila Yacoub, Louise Chevillotte, André Wilms.., 1h40. En salles le 15 juillet. France-Suisse