Du 11 au 17 novembre se dérouleront les 24e Rencontres du Cinéma Francophone en Beaujolais. L’occasion d’un coup de projecteur sur la programmation : 8 longs métrages en compétition pour le prix du Jury, cinq pour le prix du Jury jeune. Quant aux avants-premières, leur nombre s’élève à 12 cette année (record). Des drames et des comédies venus de France, du Canada, d’Afrique du Nord ou encore de Belgique, qui offrent un réjouissant panorama du cinéma francophone et de sa jeune garde. Parmi les films en compétition, six sont des premiers longs. Le Jury, présidé par la journaliste-critique Lily Bloom (Le Cercle, Trois Couleurs), aura la mission d’honorer l’un de ces longs métrages. 210 lycéens de la région formeront quant à eux le Jury jeune et remettront également un prix au film qui les a fait chavirer – l’an passé, c’était à L’Heure de la sortie de Sébastien Marnier qu’ils avaient déclaré leur flamme. Zoom sur quelques uns des longs métrages de fiction en sélection.
Compétition et avant-première
Jeune Juliette, réalisé par Anne Emond (CANADA) – compétition
Juliette a 14 ans, elle vit avec son père et son frère dans la banlieue de Montréal et rêve, depuis sa chambre ou son pupitre d’école, à une vie plus étincelante où Céline, l’écrivain français, ne serait plus confondu avec la chanteuse québécoise. Anne Emond prend le parti de la comédie douce-amère pour raconter cet âge cruel qu’est l’adolescence, adoptant le point de vue d’une jeune fille qui cherche sa place sans avoir à démolir les autres pour y parvenir. Récit d’apprentissage donc, Jeune Juliette révèle deux jeunes comédiennes pleines de talent, Alexane Jamieson et Léanne Désilets. La première joue l’héroïne, érudite, enrobée et attirée par le bad-boy à deux neurones du lycée (super Antoine Desrochers), et la seconde, Leanne, sa meilleure copine, secrètement amoureuse d’elle. D’amour, d’amitié, de tolérance et de consentement, il en est question dans ce film énergique qui donne le sourire et rappelle à chaque plan l’importance de voir les choses en grand et sans œillères.
En salles le 11 décembre 2019.
Lola vers la mer, réalisé par Laurent Micheli (BELGIQUE – FRANCE) – compétition
Après Even Lovers Get the Blues, un premier long métrage qui dessinait le portrait d’une génération en mal d’amour, de chair et de beauté, Laurent Micheli resserre son objectif sur une trajectoire, un personnage, Lola, jeune fille trans dont la mère vient de décéder et dont le père continue de nier l’identité. C’est donc dans le deuil et la colère que père et fille se retrouvent le temps d’un long trajet en voiture, direction la mer, réunis par l’urne qui contient les cendres de celle qu’ils ont tant aimé. Sans sophistication mais délicat de bout en bout, Lola vers la mer séduit par la justesse d’écriture et d’incarnation des personnages. A l’écran, Mya Bollaers, révélation, et Benoît Magimel, touchant dans le rôle de ce père dépassé par les événements.
En salles le 11 décembre 2019.
Seules les bêtes, réalisé par Dominik Moll (FRANCE) – compétition
Drame choral qui prend la forme d’un polar haletant, Seules les bêtes de Dominik Moll, réalisateur du Moine et coscénariste de Dans la forêt de Gilles Marchand, illustre le principe de l’effet papillon. Tout commence par une disparition, celle d’une femme d’une quarantaine d’années. La police n’a pas de piste, pas de corps, mais cinq personnes sont cependant liées à et par cette disparition. Il s’agit alors de remonter les fils de l’histoire, les uns après les autres, pour comprendre comment le destin de ces personnages anonymes et secrets s’est joint. Le suspense et la surprise ne rompent pas. Moll nous tient par la force de son récit, celle de sa mise en scène et de son casting aussi : Laure Calamy, Damien Bonnard, Denis Ménochet, Valeria Bruni-Tedeschi ou encore Nadia Tereszkiewicz, tous remarquables. Voyage intense et singulier entre deux continents garanti.
En salles le 4 décembre 2019.
Le Miracle du Saint-Inconnu, réalisé par Alaa Eddine Aljem (MAROC) – compétition
En sélection à La Semaine de la Critique cette année, ce premier long métrage d’Alaa Eddine Aljem raconte les déboires d’un bandit marocain qui voulait remettre la main, à sa sortie de prison, sur le butin qu’il avait enterré dans le désert des années plus tôt, avant de s’apercevoir que sa planque est devenue un lieu de culte fréquenté nuit et jour… De cette situation cocasse émerge un scénario habile. Le réalisateur se sert de la fable et du burlesque pour évoquer la question brûlante de la foi dans un pays qui croit aux saints et aux miracles. Le paysage est désertique, et le village dans lequel se rend le bandit en attendant de trouver une solution pour son or semble être fraîchement sorti de terre. C’est un petit théâtre qu’Alaa Eddine Aljem compose, et sur la scène duquel se joue, d’un air taquin, une comédie mœurs et une satire sociale intelligentes et irrésistibles.
Sortilège, réalisé par Ala Eddine Slim (TUNISIE) – compétition
Le cinéaste tunisien, auteur du mystique The Last of us, revient avec un deuxième long métrage où il imprime définitivement un style, une vision, son inspiration. L’histoire ici est celle d’un déserteur. Un militaire en cavale (séquence virtuose de sa course) qui va trouver refuge dans une forêt hantée au milieu de laquelle coule une rivière. Film impressionniste où le symbolique remplace le figuratif, Sortilège (baptisé Tlamess au moment de sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes cette année) surprend par son axe et son découpage (deux parties) et envoûte par son rythme, sec puis planant. Les sens sont en éveil, et le cerveau travaille face à ces troublants tableaux qui évoquent à leur manière des épisodes bibliques fameux. Un homme, une femme enceinte, et des serpents… Le conte, le langage et l’imaginaire qu’il mobilise soutiennent le thème de la transfiguration. L’expérience est fantastique et mystique.
En salles prochainement.
Sympathie pour le diable – séance spéciale – avant-première (CANADA) – avant-première
Projet porté depuis près de 15 ans par Guillaume de Fontenay, Sympathie pour le diable a fait sa première au Festival de Saint-Jean-de-Luz où il a remporté tous les honneurs. Niels Schneider y incarne avec engagement le journaliste Paul Marchand, figure du reportage de guerre qui fut l’un des premiers à couvrir le siège de Sarajevo au début des années 90, fort de son expérience au Liban. Le film parvient à rendre limpide les enjeux politiques et intimes de ce conflit si mal compris qui laissait une grande partie du monde occidental de marbre. Luttant avec opiniâtreté contre les apparats et les us et coutumes de la fausse bonne conscience journalistique, figure romanesque et contestée, Paul Marchand était la voix qui osait raconter ce siège, cette guerre, de l’intérieur pour les auditeurs des nombreuses radios francophones qui l’employaient. Le film de Guillaume de Fontenay réussit l’impossible : la précision et le chaos, un questionnement permanent sur le rôle du journaliste et un récit haletant, un grand film de cinéma dont les sujets principaux seraient le point de vue et l’humanité. Un chef d’œuvre de cinéma vibrant et d’une intelligence rare.
En salles le 27 novembre 2019.