Préda(c)trices
Depuis un moment déjà, les films de Sofia Coppola nous chagrinent (pour ne pas dire nous ennuient). Tout a commencé avec Somewhere, récit évaporé d’un has-been qui se découvre père, ponctué de zooms avant super lents – merci Antonioni – et de morceaux des Strokes pour la hype. Puis, il y a eu Bling Ring, présenté à Un Certain Regard en 2013, chronique de la petite bourgeoisie californienne adolescente obsédée par les stars de L.A, prête à tout pour quelques minutes de gloire. C’est en compétition officielle du Festival de Cannes que la réalisatrice revient quatre ans plus tard avec une adaptation du film de Don Siegel, Les Proies. En pleine guerre de Sécession, dans le Sud, les pensionnaires toutes féminines d’un internat recueillent un soldat blessé. Le loup est dans la bergerie. Mais si le titre du film insiste sur le butin du plus fort (les proies), il se révèle trompeur : ces femmes seules sont peut-être des prises faciles de prime abord, mais leur vice et appétit les rendent féroces, imprévisibles. Des séductrices, des prédatrices, voilà ce qu’elles sont, et de ce soldat, chacune veut sa part exclusive. La chasse est ouverte, entre les quatre murs d’une maison qui n’est qu’une prison dorée à nouveau.
Les thèmes chéris de Coppola sont bien là : le corps, la libido, l’attraction, la répulsion, le spleen, la solitude, l’enfermement, le besoin pathologique de plaire. Mais c’est sur le ton de la farce macabre que la réalisatrice les aborde. Les Proies est un thriller en huis-clos maculé d’humour noir, et contrairement au film de Siegel, la réalisatrice adopte le point de vue des femmes corsetées prêtes à faire péter le décolleté pour être la favorite d’un homme. Ses héroïnes étant toujours montrées comme des femmes actuelles, des femmes qui détonnent dans leur environnement, on se demande bien ce que Coppola veut montrer à travers cette représentation caricaturale de femmes faites vautours et castratrices. Aucune ambiguïté, aucune ardeur (ce que le film de Siegel exaltait), Coppola ne sait pas quoi faire des émotions pourtant brûlantes des personnages et désamorce la tension par des moments de comédie noire qui font pshitt – sans parler des plans sur les colonnes de l’internat, dressées comme le sexe du soldat que Martha (Nicole Kidman, cheffe de troupe) n’aura jamais pris dans ses mains… Métaphores à gros sabots, récit maladroit, dynamique de jeu instable. Heureusement que subsiste l’écrin, la photo du chef opérateur (français !) Philippe Le Sourd, sublime, et les costumes.
Réalisé par Sofia Coppola. Avec Nicole Kidman, Kirsten Dunst, Elle Fanning, Colin Farrell … Durée : 1H31. En salles le 23 août 2017.