Ce cinéma a d’excellentes vibrations ! On s’y sent bien, il y a vraiment quelque chose dans l’air qui le rend agréable à vivre – François Joannis
Suite de notre voyage dans les salles d’art et essai parisiennes, avec un coup de projecteur sur l’un des plus vieux cinémas parisiens. Un résistant qui n’a quasiment jamais fermé ses portes depuis son ouverture en 1911. Direction le 13e arrondissement, au cinéma L’Escurial.
Discrètement loti dans l’artère du boulevard de Port-Royal, l’Escurial ne paye pas de mine vu de l’extérieur. Avec sa devanture très fifties, sa vieille police rouge écarlate et un curieux encadrement de l’enseigne évoquant vaguement les contours d’une pellicule, ce cinéma centenaire se place en retrait de l’énorme carrefour donnant sur l’avenue des Gobelins – qui abrite UGC et Gaumont. A la fois fier et discret, l’Escurial, dont le nom est emprunté à celui d’un grand palais espagnol, fait l’effet d’un arrêt dans le temps, un îlot de calme et de résistance à la modernité.
Une fois dans son antre, on découvre l’élégance du hall tapissé de velours rouge pétant, éclairé à la lueur de néons de couleurs indiquant les 2 salles, bordé de dorures et de miroirs. Classe, vintage et chaleureux, l’Escurial évoque à la fois le charme des petits cinémas à l’ancienne et l’âme d’un cinéma de quartier moderne, confortable et parfaitement entretenu et équipé. Le directeur François Joannis lance à plusieurs reprises lors de notre rencontre « ce cinéma a d’excellentes vibrations ! On s’y sent bien, il y a vraiment quelque chose dans l’air qui le rend agréable à vivre ». C’est vrai, la physionomie de l’endroit est rassurante, accueillante, on a envie d’y rester, de traîner dans le hall pour observer les affiches, de se laisser hypnotiser par la douceur des néons en jetant un coup d’œil aux multiples miroirs qui reflètent l’élégance du lieu.
Pionnier parisien
Pas étonnant qu’il y ait des vibrations lorsqu’on se penche un instant sur son histoire. Ouvert en 1911 sous le titre Le Royal, l’Escurial fait partie de la première vague des cinémas qui s’installent à Paris, de manière sédentaire, en réinvestissant un vieux hangar. En plus d’un siècle et quasiment sans discontinuer (il a fermé ses portes à quelques reprises pendant l’après-guerre puis le lendemain des attentats du 13 novembre 2015), le cinéma aura vu défiler toute l’histoire du cinéma, du film muet au ciné-roman, en passant par les soirées d’avant-guerre, les péplums ou les nuits Bardot. En hommage à cette histoire, la petite salle est ornée de peintures. On y distingue entre autres le portrait de Jack Nance dans Eraserhead, film de Lynch qui a été diffusé pendant 7 ans en séance de minuit dans les années 80 ou encore celui de Brigitte Bardot, en souvenir des Nuits Bardot qui reprogrammaient pendant des semaines toute la filmographie de l’actrice dès 1981. Dans la grande salle, la déco assez sobre opte pour un affichage plus attendu de portraits Harcourt. On apprécie les fauteuils moelleux dans lesquels on se laisse confortablement engloutir et l’écran panoramique incurvé de cette grande salle qui offre une qualité de projection indiscutable. Mais on penche davantage pour la petite, véritable écrin rouge, tamisé et chaleureux. Basse de plafond et dotée d’un modeste écran, la salle 2 accessible depuis les escaliers à la rampe dorée, offre une sensation unique de proximité et d’intimité avec l’œuvre projetée.
Des documentaires et l’Acid les dimanches
Côté programmation, l’Escurial appartenant à l’écurie des Ecrans de Paris (avec le Majestic Bastille, le Majestic Passy, le Reflet Médicis et l’Arlequin) se dédie à ce qu’on pourrait appeler l’art et essai grand public. Ni trop élitiste ni trop commercial, il est le parfait entre-deux qui ne met personne sur la touche. Pour autant, difficile comme pour tout ciné indé de rapatrier de jeunes spectateurs : « Le cadre du cinéma qui fait le charme de l’Escurial, notre devanture vintage, peuvent faire penser à certains jeunes qu’on diffuse de vieux films, et ils se rabattent sur les multiplexes alors que nous diffusons les mêmes films qu’eux » remarque François Joannis. Difficile de faire le poids face aux deux mastodontes qui occupent le même bout de trottoir un peu plus haut sur l’avenue des Gobelins. Alors pour se démarquer, l’Escurial se réserve des séances spéciales hebdomadaires tous les dimanches. Sont proposées en alternance les dimanches documentaires et les dimanches de l’ACID (Association au Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) pour donner la parole à des réalisateurs qui viennent présenter leurs films. Une fois par mois, le cinéma organise aussi une soirée de courts métrages avec petit buffet à la sortie. Des atouts majeurs supplémentaires qui rendent ce petit palais du cinéma parisien tout simplement incontournable.
L’ESCURIAL
11 boulevard du Port Royal, 75013 Paris, 01 47 07 28 04
Tarif plein : 9€
carte CIP (nouvelle carte des cinémas indépendants parisiens qui vous donnent accès à 5 places pour 30€ ou 9 places à 48€)
Photos : Ségolène Alunni