Vive le roi !
La bande-annonce ne déclenchait pas une envie particulière de se ruer sur la dernière production de SlashTV. On ne voyait pas très bien comment aller s’agencer à l’écran cet anachronisme potache qui mélangeait les perruques Louis XIV avec les baggy contemporains. Et bien – et il faut le reconnaître – on avait tout faux. Après les réussites de Mental, Chair tendre ou de Parlement , Slash TV affirme sa place prépondérante dans les séries françaises. Insolites, insolentes, pertinentes et surtout très impertinentes, ses productions valent plus que jamais le coup d’œil. Et notre curiosité est ici plus que récompensée.
Le roi est mort. Vive Louis 28. Une uchronie qui imagine que la révolution française a été tué dans l’œuf et que la monarchie existe aujourd’hui encore dans notre bel hexagone. Une monarchie en bout de course à de force de scandales et d’unions consanguines qui ont beaucoup altéré la noblesse du sang bleu. Au début de cette histoire, Baudouin, l’actuel roi, a le mauvais goût de mourir avec sa descendance dans un accident d’avion. Le régent – formidable Gilles Gaston-Dreyfus – cherche un héritier mais la plupart sont soit en prison, soit en fuite car poursuivis pour malversations. Ne reste dans cet arbre généalogique très dégarni que Cédric – excellent Nils Othenin-Girard – fruit des brèves amours du feu monarque avec une jeune femme d’origine maghrébine. C’est donc peu dire que Cédric désormais connu sous le nom de Louis 28 est froidement accueilli. Et pourtant, cet ado, totalement glandeur comme tous les jeunes de son âge, a la tyrannie et l’égocentrisme dans le sang. Donc tout pour réussir dans le métier. Mais la révolte gronde et la jeunesse du pays rêve de faire tomber le jeune souverain. Cette comédie ne s’arrête pas à son seul postulat de départ, par ailleurs très gouleyant. Elle est d’abord élégamment référencée et modernisée. Avec par exemple le duo de vipères queens (La Vipère et La Pompa, respectivement Brice Michelini et Sarah Stern, nos favori.te.s !!), héritières lointaines mais versions ultra contemporaines des chœurs antiques et des personnages de confidentes du théâtre classique. Bitchs for ever qui commentent et accidentent ici les événements avec talent inégalé pour la méchanceté gratuite.
Dix épisodes hilarants qui osent par ailleurs s’aventurer sur un terrain plus sociétal. Difficile de ne pas voir dans cette cour croupissante une variation à peine déformée de ces partis identitaires qui, de Zemmour à De Villiers, rêvent d’une France blanche, patriarcale et hétéro. Car si Louis 28 ambitionne comme premier décret d’abroger les maths, l‘homme de foi qui prétend lui servir de mentor veut signer la mort de l’IVG et du mariage gay. Louis 28 et sa révolution en devenir c’est celle de la liberté d’être soi-même face à cette résurgence de valeurs putrides. Ponctué par du Lully et du Rameau interprété à l’orgue Bontempi, ce pastiche savoureux, mécréant et fielleux des chroniques royales, écrit à quatre mains par Géraldine de Margerie et Maxime Donzel (tous deux présents au générique de la déjà enthousiasmante Toutouyoutou sur OCS), est une comédie mordante et politique, portée par un casting impeccable jusque dans le moindre de ses seconds rôles. Avec entre autres les formidables Nadia Roz (madame la mère du Roi), Maxence Tual (vu cette année dans Tout le monde aime Jeanne) et Axel Würsten dans le rôle de Flopi (ça ne s’invente pas). Devant une telle réussite, pour un peu, on en deviendrait presque monarchiste.
Diffusé sur Slashtv et francetv.fr