Il est le responsable de la programmation cinéma du Centre Wallonie-Bruxelles, et de sa coordination. Louis Héliot nous présente la nouvelle édition de la Quinzaine du Cinéma Francophone qui se déroule cette année du 25 septembre au 6 octobre à Paris. De nombreuses avant-premières, des hommages et de la VR (films en réalité virtuelle). Le maitre-mot de l’édition ? Une cinéphilie éclectique et éclairée.
Vous avez décidé d’ouvrir cette édition par Slalom, premier film de Charlène Favier ? Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce film ? Était-ce volontaire d’ouvrir sur un premier film ?
Louis Héliot : Souvent, nous choisissons de présenter un premier film en ouverture. Comme cette édition était un peu particulière, il était important de pouvoir présenter un certain nombre de films inédits en présence des cinéastes et avec accord des distributeurs. Mais, effectivement, avoir en ouverture et en clôture des premiers films réalisés par des jeunes réalisatrices, cela comptait, d’autant plus qu’il s’agit de films qui ont reçu le label Cannes 2020. J’ai découvert Slalom assez tard et Jour2fête (le distributeur du film) nous a fait confiance pour présenter le film en avant-première en ouverture. C’est sans doute la première fois que nous avons un premier film franco-belge en ouverture car nous essayons d’habitude de mettre en avant d’autres pays mais Slalom est un très beau film, qui traite magnifiquement d’un sujet d’actualité. C’était aussi l’occasion de revoir un acteur belge que l’on aime beaucoup, Jérémie Renier, dans un rôle assez différent que ce dans quoi on l’a vu ces dernières années. Il y a également la découverte de cette jeune actrice, Noée Abita, qui est formidable. Je suis très content de voir que partout où il passe, Slalom est bien accueilli : à Angoulême, où il a reçu le prix étudiant ; et à Deauville. Il est également en lice pour le prix des lectrices du Elle et aux European Film Awards.
Il semble y avoir, malgré la grande diversité des films, l’envie de mettre en avant un cinéma jeune et novateur.
Louis Héliot : C’est une volonté à la fois dans la Quinzaine du Film Francophone mais également dans la programmation du Centre Wallonie-Bruxelles de manière régulière. Nous souhaitons mettre en avant des artistes émergents mais nous souhaitons également suivre des artistes tels que Laurence Attali, David Pierre Fila ou Marc Henri Wajnberg que l’on a plaisir à retrouver. Il y a donc à la fois un attachement à certains cinéastes et l’envie de découvrir de nouveaux artistes. Cela se voit notamment dans le programme des courts métrages tunisiens du 5 octobre. Nous sommes également attachés à une certaine parité et il se trouve qu’elle est cette année totale, et s’est faite de manière très naturelle ce dont on est très content.
Dix pays sont représentés, donc on suppose des univers assez différents ? Remarquez-vous malgré tout des points communs, des sensibilités communes entre les différents cinéastes, et leurs différents films ?
Louis Héliot : Les thèmes nous apparaissent souvent après le visionnage et ne sont donc pas forcément des éléments auxquels on pense lorsqu’on sélectionne les films. On ne les cherche pas directement mais il se trouve qu’a posteriori, on trouve en effet des thématiques qui traversent les différents films de la sélection. Je pense par exemple aux relations intergénérationnelles ; à ceux qui vivent dans une certaine forme de modernité, en opposition à ceux qui vivent de manière plus traditionnelle, rurale ou tribale. Si l’on regarde Slalom, on retrouve les relations de la jeune fille avec sa mère, son père absent et ce « père de substitution » qui est son moniteur. Dans Sortilège, on est surtout ébloui et impressionné par la virtuosité du film mais il y a également la question du rapport entre modernité et tradition. On retrouve également ces thématiques dans le film de Nora Martirosyan, Si le vent tombe. Il y a dans tous ces films – même les drames – une vision assez optimiste du monde sur l’écoute et l’acceptation de l’autre.
Il y aura également deux hommages consacrés à Marion Hansel et à Michel Piccoli…
Louis Héliot : Nous sommes assez peu coutumiers du fait à la Quinzaine du Cinéma Francophone, mais les circonstances nous ont amené à le faire cette année. On a reçu Marion Hansel pour présenter son dernier film Il était un petit navire en novembre dernier et l’annonce de sa disparition le 8 juin a été une grande surprise et une grande tristesse. Son film Si le vent soulève les sables est magnifique, poignant et important dans ce qu’il dit de la situation de l’eau en Afrique et de la relation entre les parents et enfants. Et nous avons également décidé de présenter La Tendresse, pour lequel les comédiens ont tout de suite accepté de venir lui rendre hommage.Il se trouve, d’autre part, que le film de Thomas De Thier, Le Goût des myrtilles, dans lequel a joué Michel Piccoli est un film inédit en France. Cela nous a permis également de mettre en avant Thomas De Thier, qui tourne seulement tous le 6/7 ans. Je considère que c’est aussi notre rôle avec la Quinzaine, de mettre en lumière ces cinéastes, de leur donner un coup de projecteur.
Vous avez également une sélection de deux films en VR, ce qui semble être de plus en plus commun dans les festivals de cinéma. Qu’est-ce que cette nouvelle technique représente pour vous ?
Louis Héliot : Il y a effectivement deux films en VR, disponibles dans la galerie en accès libre sur inscription ce week-end. L’un des films a été réalisé en 2019 : il s’agit de 11.11.18 qui a déjà été de nombreuses fois projeté et primé. Dans ce film, on est quelques heures avant l’armistice du 11 novembre 1918, dans les tranchées, où la France et l’Allemagne continuent de se battre. Une immersion en noir et blanc, que l’on présente dans sa version linéaire qui dure 12 minutes. Quant à l’autre film en VR, nous avons une tradition à la Quinzaine concernant toute la création qui vient de la République Démocratique du Congo. Dans ce cadre, le film de Marc-Henri Wajnberg, Kinshasa Now permet de découvrir de manière immersive des quartiers de Kinshasa que l’on ne découvrirait même pas en voyageant là-bas. Il n’y a pas beaucoup d’occasions ou l’on peut être à ce point transporté ailleurs. Le cinéma nous permet le voyage d’un univers à l’autre sans quitter le confort d’une salle de cinéma ; par exemple, Kuessipan et Century of Smoke nous emmènent respectivement au Québec et au Laos ; mais la VR ajoute une autre dimension. Cela fait aussi partie de la volonté de la nouvelle équipe et de la direction de Stéphanie Pécourt, de s’ouvrir à toutes les formes les plus innovantes dans tous les arts. Il est difficile néanmoins de se prononcer sur sa place dans le cinéma. Certains l’utilisent comme forme à part et d’autres l’intègrent à un cinéma plus classique. Mais, comme pour la 3D, on ne peut pas prévoir son avenir. Certains pensaient que la 3D allait supplanter la 2D ce qui n’a pas été le cas.
Pour la plupart des films, vous faites venir les équipes. Pour vous, l’expérience salle et l’échange avec les artistes est-elle une caractéristique indispensable d’un tel évènement ?
Louis Héliot : Contraints et forcés par les évènements, nous avons dû faire le festival de courts métrages en ligne, ce qui s’est très bien passé. Néanmoins, il y a quelque chose que l’on perd par rapport à la salle de cinéma. D’autant plus que certains de nos films sont conçus pour être projetés sur grand écran. C’est le cas de Sortilège ou Century of Smoke, entre autres. La salle de cinéma ajoute une dimension de partage. Certes nous seront masqués mais le fait de regarder le film ensemble, dans un même lieu et en présence des cinéastes amène quelque chose de plus.
29è Quinzaine du cinéma francophone – du 25 septembre au 6 octobre
Pour en savoir plus : https://www.cwb.fr/agenda/ffm29-29e-quinzaine-du-cinema-francophone