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Madame de Stéphane Riethauser

par | 24 Août 2020 | CINEMA

Vivre sa vie

A l’origine, des images, vieilles de plusieurs années. Une grand-mère filmée par son petit-fils qu’elle adore, moins la coupe de cheveux qu’il a adoptée, et des rires malgré tout. Leur complicité est évidente, et c’est par la tendresse de ses souvenirs que Stéphane Riethauser nous cueille. Au son de sa voix, nous faisons escale à différents endroits de sa vie : l’enfance en Suisse, capturée par la caméra super 8 de papa, l’adolescence, les vacances, les fêtes de famille, au caméscope. Puis il y a les lieux invisibles, ceux qu’on garde secret des autres, par peur de leurs commentaires ou sentence. Si c’est à sa grand-mère Caroline, disparue depuis quinze ans, que le réalisateur s’adresse, nous sommes, par effet de ricochet, les autres destinataires de cette histoire intime qui n’est pas que celle d’un coming out. Madame prend dès le départ la forme d’un dialogue qui se noue par la force de l’archive (visuelle et sonore) entre deux rebelles : une lady au caractère bien trempé, plusieurs fois divorcée, qui avait réussi dans les affaires à une époque où les femmes tenaient encore leur chéquier de leur mari, et un jeune homme, issu d’une famille bourgeoise et conservatrice donc, qui a mis des années avant de briser les chaînes du secret et se délester du poids des stéréotypes de genre, socle de son identité première, et des tabous liés à la sexualité. Évidemment, leurs destins sont différents, mais grand-mère et petit-fils ont chacun choisi de vivre hors des cadres imposés, par leur éducation et la société patriarcale. Drôle, amer et tendre à la fois, Madame est un hymne à l’amour et à l’acceptation de soi. Un documentaire tout public qui fait entendre un témoignage essentiel sur la lutte contre les diktats, l’homophobie et le sexisme. Car s’affranchir des normes est un combat de longue haleine, et sur ces images d’archives, véritables bijoux de famille, Stéphane Riethauser raconte une autre histoire que celle qu’elles laissaient d’abord supposer, portant rétrospectivement un regard critique et songeur. Le documentaire bouleverse autant qu’il bouscule, il a quelque chose de majestueux, à l’instar de la BO qui l’accompagne, pleine de trésors, comme I’ll Be Your Woman de Michelle Gurevich. Simple. Superbe.

Réalisé par Stéphane Riethauser. Durée : 1H34. En salles le 26 août 2020. SUISSE.

Copyright OUTPLAY FILMS

 

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