Malou Khebizi a la vingtaine, sensiblement le même âge que l’héroïne de Diamant Brut d’Agathe Riedinger. Elle se révèle incandescente dans le rôle de Liane, jeune femme en mal d’amour et d’attention. Rencontre avec une comédienne de caractère.
Vous souvenez-vous du moment où vous avez choisi de devenir comédienne ?
Malou Khebizi : J’ai grandi dans un petit village à côté de Marseille, dans une famille extrêmement modeste. Je ne sais pas si c’est le milieu qui fait ça, mais je me sentais tellement invisible, tout me semblait trop grand et inaccessible que je ne me suis jamais projetée une carrière d’actrice. En revanche, en grandissant je savais inconsciemment que j’avais envie de dire des choses. Lorsque j’ai eu 15 ans, nous avons déménagé à Marseille, et mon père m’a inscrite dans une association de quartier à un cours d’impro. À la base il voulait surtout que je me fasse des potes. Mais j’ai immédiatement accroché à ce qu’on y faisait. Cela m’a permis de sortir un peu de ma timidité. Je n’avais jamais eu de grands groupes d’amis, je sortais peu en soirée… J’étais et je reste une fille introvertie. Mais, avec le théâtre, et j’ai revécu cette expérience sur Diamant Brut, j’ai compris qu’au travers d’un personnage, je me sentais beaucoup plus libre d’exprimer des choses qui sont enfermées à double tour en moi. Jouer a été libérateur.
Il faut un vrai courage quand même pour accepter de se livrer comme vous le faites dans Diamant Brut…
Malou Khebizi : Il y a quelque chose qui va au-delà du courage, c’est l’envie de faire passer un message. Cela permet de briser pas mal de filtres. Lorsque j’ai lu le scénario, j’ai été tout de suite intéressée par le réalisme des situations. Par le fait qu’Agathe (Riedinger, la réalisatrice, NDLA) dénonce les agressions ordinaires que subissent les femmes. Comme elle, il me semblait que c’était des choses importantes à dire. Et j’ai eu envie d’essayer de les dire avec ma vérité, et ce que j’ai en moi.
Avez-vous été, comme Liane, fan de télé réalité ?
Malou Khebizi : J’en regardais beaucoup quand j’étais au collège. Et j’ai arrêté de manière assez brutale, notamment quand il y a eu dans Les anges de la télé-réalité un harcèlement du public à l’encontre d’Aurélie Preston, une candidate. C’était des images assez choquantes et d‘un seul coup, j’ai pris conscience de la violence qu’ils véhiculaient. Je suis sur les réseaux sociaux, mais je fais hyper attention à ce que je poste, parce ça empiète vite sur votre vie personnelle. En tant que jeune femme, on se compare énormément. On essaye de se conformer le plus possible à un idéal qui est impossible à atteindre. C’est une course un peu infinie. C’est pour cela que je pense que le message du film sur la beauté est avant tout un message féministe. Le film dénonce toutes les injonctions patriarcales. Cette idée du ‘il faut souffrir pour être belle’ qui pousse des filles de 19 ans à dépenser 1200 euros dans une clinique plus ou moins professionnelle pour se refaire les seins. Je suis en plein dans la génération qui traverse tout ça.
Comme Agathe Riedinger vous a-t-elle délégué le rôle ?
Malou Khebizi : Elle ne m’a jamais dit « je t’ai choisie ». Elle m’a dit « ok, j’aimerais bien que ce soit toi, mais est-ce que toi tu acceptes ? » Et pour cela il me fallait bien sûr le scénario. J’ai apprécié cette approche car c’était une forme de négociation qui reflétait déjà tout ce qui allait se passer durant le tournage. Cet accompagnement qu’elle a eu avec moi, et qu’elle a encore aujourd’hui, c’était vraiment quelque chose de très pur, de très bienveillant. Agathe est une réalisatrice qui sait où elle va. Elle connait si bien son sujet et son personnage que je pouvais poser toutes les questions que je voulais. J’avais l’impression de préparer un biopic, alors qu’elle ne m’a jamais demandé aucun travail de mimétisme avec des figures de la télé-réalité ! L’enjeu était dans le travail sur le corps, et elle s’est avérée être un capitaine de bateau extrêmement fiable.
Se glisse-t-on facilement dans la peau de Liane ?
Malou Khebizi : C’était effectivement assez difficile dans le travail préparatoire parce qu’il fallait que je me débarrasse de mes propres goûts. Je n’ai pas ceux de Liane. J’ai mes propres codes de beauté. Il était donc hyper compliqué de me dire que, sur le grand écran, j’allais avoir d’aussi gros sourcils, d’aussi gros seins. Tout cela a été source de nombreux questionnements. Avant tout, je voulais comprendre pourquoi Liane faisait ça. En revanche, une fois que j’avais compris, que j’avais mes réponses, il était hors de question que je revienne dessus. C’était bon, c’était accepté. Et aujourd’hui, avec le recul, je sais que tous ces changements, non seulement m’ont permis de rentrer dans sa peau le temps du tournage, mais m’ont surtout permis d’avoir une distance avec mon personnage. Et de pouvoir regarder les scènes en sachant que ce n’est pas tout à fait moi à l’écran.
Diamant Brut, en salles le 20 novembre 2024.