Ce mardi 17 décembre à 22H25, Canal + diffuse le nouveau documentaire de Marie Sauvion et Lotfi Bahmed : Cinéma par… Sandrine Kiberlain. Une manière d’aborder le 7e art à travers le prisme des souvenirs et des émotions. Sandrine Kiberlain convie et s’entretient ici avec Valérie Donzelli, Valeria Bruni-Tedeschi, Yvan Attal, Swann Arlaud, Lætitia Dosch ou encore Alain Rocca, producteur des Patriotes. Plongée au coeur du projet.
Vous cosignez ce nouvel épisode de la collection de documentaires “Cinéma par”. Qu’est-ce qui a motivé votre choix de montrer le cinéma à travers le regard de Sandrine Kiberlain ? Quel a été son rôle en amont du tournage ?
Lotfi Bahmed : Dans la collection “Cinéma par…” il y a déjà eu Albert Dupontel, Michel Hazanavicius, Yvan Attal, et surtout un volet sur Eric Toledano et Olivier Nakache que Marie avait co-réalisé. Suite à ce doc, elle m’a proposé de l’accompagner sur un autre artiste. Avec Canal+, on a voulu choisir une femme, la première de la collection. Sandrine, c’est d’abord une actrice dont on adore les choix éclectiques. Et puis, elle est passée à la réalisation avec un court métrage, Bonne figure, et elle prépare un long. C’était vraiment intéressant pour nous, ce passage derrière la caméra. Ça a aussi motivé notre choix.
Marie Sauvion : On a commencé par l’interviewer longuement sur sa cinéphilie. Quels films aime-t-elle et pourquoi ? Qui l’inspire ? Qui admire-t-elle ? Armés de ces entretiens, on a tiré des « fils », des lignes de force, et imaginé des rencontres possibles. Sandrine voulait évoquer la comédie musicale, la lumière au cinéma, le métier de producteur… Son idée, c’était de parler des divers corps de métiers qui composent une équipe de film.
Comment écrit-on et réalise-t-on à deux ? Quelle a été votre méthode ? Séparation des tâches ou tout en duo ?
Lotfi Bahmed : On avait déjà bossé ensemble sur de la fiction, jamais sur un documentaire, et notre manière de travailler a été totalement différente. Dans l’écriture, d’abord, on est partis des envies de Sandrine pour en tirer un fil conducteur, le principe de la collection consistant à ne pas faire un doc « sur » quelqu’un mais « avec » quelqu’un. Pour la mise en image, j’ai proposé des choix esthétiques, des cadres, des petites idées de mise en scène à Marie, qui les valide ou les enrichit d’autres propositions. Pour résumer, tous les choix se font à deux. De l’écriture à la post-production, on échange sur tout et on tranche à deux.
Marie Sauvion : On n’a pas forcément les mêmes goûts en tout mais il faut que ça nous plaise à tous les deux à l’arrivée ! On parle très en amont des choix esthétiques, de la « chaleur » de l’image par exemple, on regarde les films ensemble, on choisit les extraits ensemble, etc. Je m’en remets entièrement à Lotfi pour le côté technique, choix des caméras, tout ça, et je me concentre davantage sur l’écriture des questions, le suivi du récit. Lotfi est vraiment réalisateur, contrairement à moi, même si je fais des progrès. Au final, après un mois de montage à s’arracher les cheveux dans un sous-sol, on ne sait généralement plus qui a eu l’idée de quoi, et c’est très bien comme ça.
Ce n’est pas un documentaire qui théorise sur le cinéma, mais un documentaire qui aborde le cinéma d’un point de vue personnel et intime. C’est le sens de votre démarche globalement ? Rendre le cinéma accessible à toutes et tous, en l’incarnant par le témoignage – d’où le choix de cadrage et de valeur de plans qui crée une proximité ?
Marie Sauvion : Oui, c’est un parti pris qui nous correspond : le cinéma comme expérience intime, et même sentimentale. Ce qui n’empêche pas de donner la parole à des gens très intelligents, très pointus dans leur métier, capables d’une analyse fine et éclairante, en prenant le téléspectateur par la main. Le résultat se veut très grand public, très accessible, joyeux aussi. Le but ultime, c’est de donner envie de voir ou de revoir des films. Pour les cadres serrés, on est dans le registre de la conversion, de l’amitié, la proximité s’imposait. On a un peu l’impression d’être une petite souris assistant à une discussion privée entre des artistes.
Lotfi Bahmed : Le dispositif caméra était assez éloigné des sujets filmés et avait pour but premier de nous faire oublier. On voulait capter ces discussions comme on capture la discussion d’une table voisine au café. On s’est rapprochés avec nos zooms quand les discussions touchaient au ressenti intime.
Les lieux où sont tournées les interviews ont-ils une signification précise pour Sandrine Kiberlain ?
Lotfi Bahmed : Effectivement, on a choisi les décors en fonction d’elle : le Conservatoire parce qu’elle y a été étudiante – elle a joué sur cette scène, dans ce théâtre superbe ; la Cinémathèque parce qu’elle y va souvent, elle adore les rétrospectives, elle y emmène sa fille Suzanne ; le parc du Luxembourg, parce qu’elle habite à deux pas et qu’elle y a tourné une séquence mémorable des Patriotes… Le doc lui ressemble en partie parce que ces lieux sont chargés d’histoire pour elle.
Marie Sauvion : Quand on a décidé de tourner au parc du Luxembourg, Lotfi a très vite eu l’idée de reconstituer la fameuse séquence du manège, dans Les Patriotes. C’est un des moments les plus émouvants du doc, avec le Conservatoire.
Sandrine Kiberlain échange avec des artistes dont les films et rôles ont “changé son rapport à la vie” dit-elle. Quels sont les artistes ou films qui ont changé votre rapport l’un et l’autre à la vie ?
Lotfi Bahmed : Luke la main froide de Rosenberg. A l’adolescence, je l’ai repassé sur mon magnétoscope jusqu’à l’usure. Je m’étais mis en tête d’être Paul Newman, le beau rebelle loser ! Après, c’est le Blade Runner de Ridley Scott qui m’a marqué. Au-delà de l’esthétique géniale, c’est le mélange film noir et science-fiction qui m’a ébloui. Du haut de mes 10 ans, ce film voulait dire qu’on peut tout essayer, tout faire et tout mélanger au cinéma.
Marie Sauvion : La liste risque d’être longue et barbante ! Disons, en vrac, mes obsessions d’enfance (merci le magnétoscope !), comme Chantons sous la pluie ou Mort à Venise. Et puis, très vite, le cinéma de Jacques Demy. L’idée que la réalité doit être réinventée pour être vaguement tolérable.
Avez-vous d’autres projets ensemble ? Pour Canal + ou autre ?
Lotfi Bahmed : On est déjà en discussion avec Canal pour un prochain numéro de Cinéma par…, on a plein d’idées de réalisateurs et d’acteurs dont on aimerait explorer la cinéphilie. Et puis, on a écrit la version longue de notre court-métrage, Mi-temps, qu’on va essayer de faire financer…
Marie Sauvion : On aime travailler à deux. On ne flanche jamais en même temps !
Cinéma par… Sandrine Kiberlain, écrit et réalisé par Marie Sauvion et Lotfi Bahmed. Diffusion le 17 décembre à 22H25 sur Canal +.