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Dans Les Rois de la piste de Thierry Klifa, il joue le fils de Fanny Ardant mais pas seulement. Il est celui que le reste de la famille recherche suite à un casse foireux mais sa vie a changé quand il est enfin retrouvé quelques années plus tard. Il est devenu femme, libraire et artiste amateur de cabaret. Rien que ça. Nicolas Duvauchelle évoque pour FrenchMania ce rôle surprenant, sa carrière, les séries…
Comment Thierry Klifa vous a proposé ce rôle dans lequel on ne vous attendait pas ?
Je connais bien Thierry, on se voit souvent le soir. Et là, il m’a proposé un déjeuner. Quand je suis arrivé, il y avait mon agent. Je me dis que cela ressemblait à un traquenard, que c’était bizarre. Et il m’a dit « Tiens, je te propose un scénario ». Je lui ai demandé si c’était pour jouer un personnage trans !
Vous aviez anticipé sa demande ?
Oui, parce que je trouvais ça marrant le protocole qu’il avait mis en place et je me doutais que cela serait pour une demande très spéciale. Et donc, ça s’est passé comme ça. Et après, j’ai lu et je trouvais ça vraiment bien mais j’ai pris le temps avant de lui dire oui. Parce que c’était un défi avec ma carrure, ma voix… Mais Thierry m’a dit qu’il fallait faire avec ce que j’étais et on est parti de moi. J’ai beaucoup répété avec Daniel Marchodon, un super mec qui avait coaché Gaspard Ulliel quand il a fait Saint-Laurent. On a beaucoup discuté. On n’a pas parlé de posture, de démarche mais beaucoup de la psychologie du personnage et ça m’a beaucoup aidé. Il fallait y aller à 100 %. Tu ne peux pas dire oui à ce personnage et à ce rôle et après, arriver sur le tournage et être à moitié dedans même si la transidentité n’est pas le sujet du film. J’ai placé ma voix comme je le ferai vraiment si je devenais une femme en évitant absolument de faire Renato dans La Cage aux folles, en évitant la caricature. C’est un twist qui reste mystérieux puisqu’on ne sait pas si c’est une couverture ou pas, donc le fait que ce soit moi permettait le doute. Je l’ai jouée très premier degré. Mais je ne sais pas si j’aurais pu faire ça avec un autre metteur en scène. Thierry est un ami à la ville comme on dit, et cela était clairement rassurant. J’aime beaucoup son regard sur les personnages et puis son sujet c’est la famille, la famille quelle qu’elle soit. Et le fait de tourner en province, d’être tous logés dans le même hôtel, cela a créé une ambiance colonie de vacances. Il y a un truc moins speed plus calme qui se ressent aussi dans l’atmosphère du film.
Est-ce que vous avez l’impression qu’on vous propose souvent la même chose et qu’on a du mal à vous sortir d’une sorte de virilité hyper ancrée ?
Bonne question. Après, moi, j’aime beaucoup les films noirs, les films assez durs, souvent très masculins aussi. C’est vrai, on ne va pas se mentir, les films noirs, c’est beaucoup d’hommes. C’est vrai aussi que c’est sans doute pour ça que j’ai adoré jouer ce rôle, ça ouvre un peu les perspectives. Mais, en général, je suis assez heureux de ce qu’on me propose. Je viens de tourner une série historique avec Christopher Thompson, c’était incroyable !
Est-ce que, dès votre premier rôle dans le film d’Erick Zonca, Le Petit voleur, vous vous êtes projeté dans une carrière de comédien ?
Non, après, j’ai aimé l’expérience. Je m’étais donné un an à l’époque et, 25 ou 26 ans après, je suis encore là. Quand je regarde ça, c’est marrant. La dernière fois, j’ai fait le truc de Delahousse à 20h30, et ils m’avaient mis toutes les affiches. C’est vrai que c’était… C’est flippant, quoi ! Il y a des films qui ont marqué des périodes de ma vie.
Est-ce que vous avez l’impression d’avoir acquis quelque chose de l’ordre de la technique ?
Oui, oui, bien sûr, forcément. Parce qu’on apprend toujours. On apprend et j’apprends sur moi. Avant, je ne pouvais pas avoir une émotion si ce n’était pas dans ma vie, si ce n’était pas la même émotion et ça, c’était très compliqué pour moi quand j’étais plus jeune, ça m’énervait que ma vie prenne le dessus sur le professionnel. Ça, ça me rendait fou. Je n’aimais pas ça. Maintenant, j’arrive complètement à mettre ça de côté. Voilà, des choses comme ça. J’ai aussi travaillé sur ma façon de parler pour parler moins vite. Moi, je parle très, très vite. Voilà, je pense qu’on peut changer un peu ce qu’on est, mais pas fondamentalement. Donc, on fait avec, mais oui, j’ai plus de technique qu’avant. C’est évident.
Les séries comme Cœurs noirs ou, bientôt sur France 2, Fortune de France de Christopher Thompson, cela ouvre un champ différent ?
Oui parce que garder le personnage comme ça sur 5, 6 épisodes, c’est intéressant. J’aime bien qu’il y ait beaucoup plus de scènes que dans un film, j’aime bien le truc de pouvoir étirer le personnage. Parce que c’est vrai que, souvent, quand on se sent à l’aise dans un personnage au bout de, je ne sais pas, 2 semaines, 3 semaines, et puis le tournage est fini ! Devenir très familier avec le personnage, c’est ça que j’aime bien, oui. Sur Fortune de France, il va y avoir du souffle. Moi, j’adore monter, il y avait des chevaux, on était dans la nature tout le temps. C’était un tournage très heureux pendant près de quatre mois.