Découvert chez Xavier Dolan, Niels Schneider a prouvé, notamment avec Diamant Noir, pour lequel il a reçu le César du meilleur espoir, qu’il avait la maturité et l’épaisseur nécessaires pour aborder des rôles complexes. C’est le cas dans le nouveau film de Catherine Corsini, Un Amour impossible dans lequel il interprète avec une grande justesse Philippe, homme idéal en surface qui cache un véritable salaud.
Comment avez-vous réagi quand Catherine Corsini vous a proposé ce rôle de salaud ?
Ma première réaction a été de trouver le rôle magnifique ! Jouer un salaud comme ça c’est hyper attirant. J’ai trouvé le scénario sublime, romanesque, ce portrait d’une vie est magnifique dans tout ce qu’il raconte sur cette femme qui prend tous les coups et cet amour vraiment impossible qui irrigue tout le film, je trouve tout ça très beau. Comment relier le drame intime au drame social, à une lutte de classes, il y avait énormément de choses dans le scénario. Le personnage est sublime parce qu’il est fascinant et que le récit ne le condamne pas, ne le punit pas. Rien n’est explicatif, on ne peut faire que des suppositions sur son comportement. C’est un vrai salaud dont on ne comprend pas toujours les motivations, je ne cherche pas à la défendre mais je pense qu’il l’aime cette Rachel au départ, il y a quand même une forme de fusion à un moment de leur histoire. Il a au début du film une sorte de superbe, mais à partir d’un moment il se met à obéir aux lois de sa classe, elles prennent le dessus même si on peut penser qu’il s’en est émancipé. Alors que plus l’histoire avance plus il se conforme aux prototypes de son milieu, cela se voit même dans les costumes qui sont au début très souples et qui deviennent de plus en plus rigides, son visage devient sec, au maquillage on essayait des tons de gris pour qu’il perde de son éclat. Le temps qui passe me faisait un peu peur, je trouvais ça un peu casse-gueule, et je trouvais que Virginie avait quelque chose de solide et j’avais peur de ne pas pouvoir prendre l’autorité nécessaire, je me sentais plus frêle qu’elle. Mais dès le début j’ai compris aux essais que cela allait bien se passer.
Quelle partenaire est Virginie Efira ?
Déjà, je l’adore, je lui avais même écrit après Victoria sans la connaître, cela faisait des années que je n’avais pas vu une actrice aussi puissante. Et c’est une partenaire idéale qui n’a aucun ego mal placé. Elle joue tellement la scène avec toi que tu as l’impression qu’elle saisit tout avec des antennes d’hyper-sensibilité, c’est une des personnes les plus empathiques que je connaisse et elle a toutes les formes d’intelligence. Elle est d’une extrême vivacité intellectuelle, elle a une capacité d’analyse phénoménale et, en même temps, elle est sensible et son émotion est très puissante. Je ne vois pas qui ne peut pas avoir une alchimie avec cette actrice.
Et quelle directrice d’acteurs est Catherine Corsini ?
Catherine, c’est quelqu’un qui n’a pas envie d’être directrice d’acteurs, qui n’a pas envie de diriger. Elle se met à ton niveau, il y a quelque chose d’horizontal. Elle a son idée des scènes mais on cherche ensemble et elle fait passer les acteurs et le chef opérateur avant tout, on enchaîne très vite, les prises, on use, on malaxe la scène dans tous les sens tout en restant dans une véritable énergie. Ça ne ronronne pas du tout, elle nous aspire complètement !
Pensez-vous que votre statut a changé depuis Diamant noir, qu’on vous propose des rôles différents, plus adultes ?
Je ne sais pas si c’est une question de statut, mais il y a un champ des possibles qui s’est ouvert. Les metteurs en scène ont ouvert leur imagination car ils ont vu une part plus obscure de moi dans Diamant noir et cela peut créer des envies. Et tout vient de ce qu’on s’autorise soi-même. C’est en jouant au théâtre que j’ai commencé à me faire confiance en tant que comédien. Avant ça, j’aurais eu peur et j’aurais pu décliner des rôles comme celui-là. Là j’interprète un type qui a organisé un suicide collectif dans la série de Thomas Cailley, Ad Vitam, qui commence le 8 novembre sur Arte, mon personnage est une sorte de Sisyphe qui tente de se reconstruire et échoue à chaque fois, et j’ai tourné un film sur le siège de Sarajevo qui s’appelle Sympathie pour le diable inspiré des chroniques de guerre d’un journaliste qui s’appelle Paul Marchand, c’est un premier film de Guillaume de Fontenay et il est actuellement en montage.
Crédit Photos Une : Copyright Stéphanie Branchu / CHAZ Productions / Le Pacte