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Noée Abita et Jérémie Renier (Slalom) : “Charlène aime ses acteurs et sa bienveillance a été très importante pour le film”

par | 25 Oct 2020 | Interview, z - 2eme carre droite

Ils sont à l’affiche de Slalom, premier long métrage de Charlène Favier, et ils y sont bluffants. Noée Abita (Ava, Genèse) incarne Lyz, adolescente en section ski-études d’un lycée de Bourg-Saint-Maurice, et Jérémie Renier, Fred, un ex-champion reconverti en entraîneur dans ce même lycée qui va tenir Lyz sous son joug. De corps, de désir, de blessures et d’abus, il est question dans Slalom. On en parle avec les deux principaux comédiens du film.

Quelles ont été vos premières impressions à la lecture du scénario ?

Jérémie Renier : J’ai trouvé ça très fort. Je connaissais assez peu ce milieu, le sport-études, et il y avait évidemment un sujet propice à un film. Le scénario était solide, j’avais envie de faire partie de l’aventure, mais c’est la rencontre avec Charlène qui a été déterminante. Elle a non seulement un regard et une énergie qui nous emportent, mais ce qui est génial, c’est qu’on discute tout le temps avec elle, on s’interroge ensemble. Tout le monde a eu voix au chapitre, jusqu’aux techniciens et chefs machino avec lesquels on a préparé et tourné le film. Ce film, c’était un laboratoire permanent, et c’est rare d’être impliqué à ce point dans le processus, mais ce n’est pas difficile avec quelqu’un comme Charlène qui sait où elle va et qui se pose les bonnes questions.

Noée Abita : Pour ma part, j’avais déjà travaillé avec Charlène sur le court métrage Odol Gorri (2018, NDLR). Je me suis sentie très proche d’elle, et on avait vraiment envie de continuer à travailler ensemble, parce que pour Charlène, l’équipe, la famille, ça a du sens, elle s’entoure souvent des mêmes personnes. Donc quand elle m’a proposé le rôle de Lyz, j’étais très touchée, mais j’ai eu aussi un peu peur. Peur de tourner des scènes de viol à nouveau, parce que mon personne dans Genèse de Philippe Lesage subissait déjà ça, puis ça m’évoquait forcément le mouvement MeToo, et la responsabilité de ce rôle m’est apparue lourde à porter. Mais ce qui m’a vraiment convaincue de faire ce film, c’est le personnage de Lyz en fait, qui n’est pas que dépeinte comme une victime. C’est une jeune fille qui, pendant tout le film, va apprendre à écouter son corps, appréhender ses transformations, ses désirs aussi, et finalement, apprendre à dire non. 

Noée nous a parlé des appréhensions qu’elle a eues au départ, quelles étaient les vôtres Jérémie ?

Jéremie Renier : C’est complexe un personnage comme celui de Fred. Je me suis d’abord demandé comment je me plaçais, moi, en tant qu’homme, par rapport à lui, à ce type qui n’est pas qu’un salaud non plus, ça serait trop facile. C’est évidemment troublant de se poser ces questions-là, mais le rôle met face à ça. J’ai donc pris le temps de la distance et de la réflexion et me suis nourri des attentes de Charlène aussi, de la manière dont elle voulait qu’on raconte cette relation entre Lyz et son entraîneur. On avait besoin de débattre comme je le disais tout à l’heure, et même pendant le tournage, on en avait besoin, pour évacuer une forme de stress…

Si je comprends bien, le maître-mot dans cette aventure et sur le tournage, c’était le dialogue.

Noée Abita : C’était très important qu’on en parle… Ça évitait tout type de malentendus, vis-à-vis des personnages comme entre nous, et du coup, l’ambiance était très saine et ça a détendu tout le monde. Il y a très certainement des films où ça ne se passe pas aussi bien parce que les termes ne sont pas clairement posés. Mais Charlène a un tel sens du dialogue et de l’équipe que je ne vois pas comment il aurait pu en être autrement en fait. Il y avait du dialogue, oui, mais il y avait aussi de la pudeur, et Charlène a toujours su respecter ça avec beaucoup de soin.

Jérémie Renier : Oui, il fallait qu’on communique avec elle ce qu’on avait en tête, et que Charlène communique avec nous ce qu’elle avait en tête, et pas que pour les scènes d’abus et violence. Personne n’a jamais été pris au dépourvu et si on n’était pas à l’aise avec une scène, avec un geste, on en parlait et on évacuait. La contrainte, c’était une dimension du film, mais elle n’a jamais était ressentie sur le plateau ni ailleurs. Charlène aime ses acteurs, elle aime l’humain, et sa bienveillance a été très importante pour le film.

La fiction peut-elle inviter la parole à se libérer davantage, surtout dans le milieu sportif puisqu’il est ici le cadre de l’histoire ?

Noée Abita : Je crois, oui. On a fait deux projections pour des lycéens et notamment des élèves en ski-études. Il y avait un représentant de Jeunesse et Sport aussi, dont l’activité est justement liée au recueillement des dépôts de plainte, tous sports confondus. Et il nous disait que ce film, qui est une fiction, lui a rappelé la réalité à laquelle il est confronté, et à la hausse des dépôts de plaintes ces derniers temps. Je pense que c’était important qu’en plus du film, cette parole soit entendue par les élèves de sport-études, pour bien prendre la mesure de ce qui se joue, et l’importance d’instaurer un dialogue avec les coach sportifs sur ces sujets-là qui ne doivent plus être tabous. La prise de parole d’une championne comme Sarah Abitbol est aussi en train de faire avancer les choses, de briser l’omerta, et si ce film peut à sa manière aider à la briser, même un peu, alors on aura réussi quelque chose.

Copyright Charlie Bus Production

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