Après deux courts métrages et un premier long, Paris-Willouby, réalisé en duo avec Arthur Delaire, Quentin Reynaud a eu envie de raconter la fin de carrière d’un tennisman dans 5ème Set. Si la performance d’Alex Lutz dans le rôle central est, une fois de plus, impressionnante, le film surprend par son originalité et son traitement très inhabituel des coulisses du tennis. En salles dans la foulée de Roland-Garros, il éclaire d’un jour nouveau un sport qui masque souvent les failles de ses champions.
Comment est née l’idée de raconter le parcours de ce joueur de tennis en fin de carrière ?
Quentin Reynaud : Je suis joueur de tennis à la base et j’ai toujours pensé qu’il y avait un univers psychologique, affectif et émotionnel dans ce sport qui n’avait jamais été exploité au cinéma. Cela n’a été qu’une toile de fond parfois, agréable sur certaines scènes. Même Borg/McEnroe qui était un biopic sympa n’allait pas assez loin. J’ai toujours pensé qu’il y avait un intérêt à suivre le parcours d’un personnage en rapport à l’image qu’on a de cette mythologie tennistique très liée au mois de mai et à Roland-Garros, à cette terre orange. Comme j’étais joueur et que je connaissais pas mal de joueurs, j’avais un peu la connaissance de cet univers, j’avais des clés, je savais ce qu’il se passait derrière, je connaissais les difficultés. Là, c’est presque une déconstruction en partant de la fin, d’un dernier jeu et d’expliquer tout ce qui s’est passé avant, pourquoi il en est là à ce moment de sa vie…Par rapport à sa mère, à sa femme. C’est un vrai portrait de joueur qui emprunte à des centaines de joueurs.
Pourquoi ce moment-là justement, le début de la fin ?
Quentin Reynaud : Parce que c’est le chant du cygne ! Ce qui est compliqué dans la plupart des films de sport, c’est que la dramaturgie maximale c’est la mort. C’est plus facile sur la boxe, la Formule 1. Pour le tennis, il fallait s’intéresser à la petite mort donc la retraite, c’est un ressort plus psychologique. C’est sur cette charnière-là que j’ai travaillé, sur l’idée qu’on s’éteint professionnellement à 37 ans avec un personnage qui refuse cela parce qu’il se sent capable de continuer éternellement comme Jimmy Connors qui n’a jamais officiellement déclaré sa retraite. Ce genre de personnage un peu cassé, ça m’intéresse. L’idée c’était aussi de montrer la réalité de ce sport sans exagérer, avec ses risques mentaux et psychologiques. Il y a une bascule à la 300ème place mondiale entre ceux qui gagnent leur vie et les autres. C’est un sport très dur.
Quelles questions de mise en scène se pose-t-on quand il s’agit de filmer un sport assez peu vu au cinéma ?
Quentin Reynaud : J’ai essayé d’être le plus honnête possible avec ma proposition de base, un peu comme le personnage, quitte à aller dans le mur, je voulais y aller frontalement. Donc la mise en scène est tenue par une forme de radicalité pour rester à proximité de mon personnage. Il y a très peu de matchs de tennis au cinéma donc mes références étaient plus dans le domaine de la boxe comme Ragging Bull de Scorsese qui est le film le plus précis et le plus pertinent. J’aime aussi beaucoup les combats de lutte dans The Wrestler de Darren Aronofsky.
Mais au tennis, les corps des deux concurrents sont très éloignés l’un de l’autre…
Quentin Reynaud : C’est considéré comme le sport le plus violent après les sports de combat mais pourtant les gens n’ont pas le droit de se toucher. C’est complexe. Comme je voulais à la fin du film mettre le gens devant la télévision avec une mise en abîme, je voulais qu’à l’inverse, avant, chuchoter à l’oreille du spectateur donc tous les matchs précédents sont filmés de l’intérieur du terrai de tennis avec des caméras à 1 mètre 50 des personnages, collés à eux pour sentir leur souffle. Cela permet de comprendre mieux ce qui se passe et permettait de revenir, à la fin, au cadre qu’on connait via France 2 et Roland-Garros mais en en sachant plus sur ceux qui jouent. J’ai voulu travailler ce sentiment d’organicité dans la mise en scène.
Comment le choix s’est-il porté sur Alex Lutz ?
Quentin Reynaud : Cela n’a pas du tout été une évidence. Alex jouait dans Paris-Walliby et on était resté en contact mais je ne l’avais pas du tout envisagé pour ce rôle. J’envisageais plutôt quelqu’un d’un peu plus jeune, plus proche de la trentaine. On s’est croisé par le plus grand des hasards au Relay de la Gare de Lyon et ensuite nous étions dans le même wagon pour aller lui à Marseille et moi à Avignon. Là, on discute et je lui parle du projet et il m’a demandé à le lire. Malgré mes doutes, il m’a rappelé le lendemain en me disant ce qu’il y avait vu et que moi je n’avais pas vu. Ce qui n’apparaissait pas comme évident pour moi à la base l’est devenu au fil du temps. Et Alex apporte dans son jeu une nostalgie réelle et sincère qui m’aurait manqué.