Elles sont impressionnantes et intenses dans Amore mio, le premier film comme réalisateur du comédien Guillaume Gouix. Alysson Paradis et Elodie Bouchez évoquent pour FrenchMania ces deux beaux rôles de sœurs qui réapprennent à se parler et à s’écouter, leurs carrières et leurs choix.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans la proposition de Guillaume Gouix ?
Alysson Paradis : Je me suis d’abord dit que j’étais la femme la plus chanceuse de France. J’ai tout de suite mesuré le cadeau que représentait ce rôle. C’est toujours à double-tranchant quand on te propose un rôle qui te colle aussi bien à la peau. Je savais que j’allais pouvoir m’exprimer avec ce personnage et je voyais tout se suite où l’emmener. Mais il fallait faire attention que cela ne soit pas écrasant. Et, comme je suis complètement tarée et qu’on me surnomme « Rainman », je me suis posé mille questions sur comment l’aborder et pour identifier les écueils vers lesquels je ne voulais pas aller. J’ai cette dualité en tant qu’actrice qui est d’être extrêmement instinctive sur le plateau tout en étant très cérébrale avant. Je vais tout baliser avec le metteur en scène en posant énormément de questions. Quand on dit « action », tout est tellement intégré et digéré que je puisse être totalement instinctive. Cela peut paraître antinomique.
Elodie Bouchez : J’ai adoré ce scénario. Guillaume m’a appelé pour me le faire lire et j’ai lu très vite. J’ai vraiment été très sensible à l’écriture. Il y a des films ou des personnages que l’on reconnait immédiatement parce qu’on sent qu’il y a une vision. Et je savais tout de suite aussi ce que j’allais en faire. Je crois beaucoup en l’écriture et quand je sens l’intention, la patte, la vision cela me mets tout de suite en confiance.
Vos personnages sont-ils des versions alternatives de vous ou, au contraire, très éloignés de qui vous êtes ?
Alysson Paradis : C’est une version beaucoup plus libérée, j’aimerais avoir autant de liberté que Lola. Mais oui, elle a pris beaucoup de ce que je peux être, tout comme Margot a pris beaucoup d’Elodie. Il y a des gens qui nous regardent, Guillaume nous voit et voit exactement ce qu’on peut faire du personnage, et il te donne tellement de liberté que, forcément, des choses de toi jaillissent, et il va en faire quelque chose de différent.
Elodie Bouchez : Il était très clair que le personnage était un peu sec, aride, sévère et cela aurait pu me faire peur parce que ce n’est pas du tout ma zone de confort. Dans la vie, je suis plus dans la rondeur et je sais faire ça plus facilement. Mais, malgré tout, j’ai vu que c’était un personnage à qui on donnait une chance dans le film et qu’on allait se mettre à regarder différemment même si c’est un peu tardif dans l’histoire. Je la vois comme une fleur fanée qu’on allait se mettre à arroser pour qu’elle reprenne vie. C’est une grande intelligence et une grande qualité d’écriture de révéler un personnage presque à contre-temps. C’est très fort.
Comment avez-vous construit cette relation entre sœurs ?
Alysson Paradis : On ne se connaissait pas, si ce n’est en se croisant dans des soirées du métier. On a fait une lecture avant mais, calendrier oblige, nous ne nous somme pas beaucoup vu avant. Ce qui n’était pas plus mal puisque nos deux personnages sont en rupture au début du film. On s’est vraiment retrouvé lors de notre premier jour de tournage commun dans la chronologie. On s’est donc rencontré dans une voiture sur une aire d’autoroute entourées de camions et sous 45 degrés. On est en plus très habillées, en jean, en sweat, en cuir pour Elodie, on se fait nos raccords maquillage l’une l’autre. C’était gagné. J’avais tellement lu et relu le scénario que le texte devenait accessoire. Cela a été une danse à trois avec Guillaume. Tourner à l’épaule en demandant au chef opérateur d’avoir toujours un peu de retard sur nous nous a offert une grande liberté de mouvement. Cela a permis des scènes en totale improvisation. C’était assez fou et cela donne la singularité de nos échanges.
Elodie Bouchez : On est effectivement rentrée dans le vif du sujet très rapidement. Toutes les situations étaient très bien écrites et, c’est un peu bête à dire, mais on avait juste à les jouer. Parfois c’est aussi simple que ça. L’économie du film et la manière dont Guillaume a voulu que la technique travaille à nos côtés nous a tous collés les uns aux autres et c’est comme ça que le lien s’est créé instantanément.
Quel directeur d’acteur est Guillaume Gouix ?
Alysson Paradis : C’est un humain très intelligent, un réalisateur et un scénariste très intelligent qui ne laisse rien au hasard et qui a beaucoup travaillé en amont pour nous accorder une grande liberté. C’est aussi un très grand acteur qui sait ce qu’est d’être bien ou pas bien dirigé.
Elodie Bouchez : Il est vraiment super, il est idéal. C’est tout ce que j’aime. Quand on s’était vu pour parler du film, il était clair qu’il allait aller dans le sens que j’espérais. Je ne sais pas si c’est parce qu’il est acteur qu’il connait aussi bien ce qui rend heureux un acteur sur un plateau, peut-être, mais il offre un espace de liberté, qui n’est pas de l’improvisation simple, d’ailleurs moi je suis nulle en impro. Mais il laisse une vraie possibilité d’interpréter les sentiments à ta manière, il te laisse te tromper, il aime les accidents, les sorties de route. Du coup tu oses proposer des choses parce qu’il sait que c’est là qu’on trouve les pépites : quand on frôle le ridicule, le bizarre. Et moi, ça, ça me plaît beaucoup !
C’est une forme de retour au premier plan au cinéma pour vous Alysson, et, vous, Elodie, vous faites assez rare. Comment avez-vous envisagé Amore mio dans vos parcours respectifs ?
Alysson Paradis : Il ne faut jamais trop attendre d’un rôle mais celui-là j’en avais besoin et c’est assez magnifique symboliquement que ce soit l’homme de ma vie qui me tende la main à ce moment-là. Et, faire ce film, a changé ma vie. Le plus beau cadeau que m’a fait Guillaume, c’est de me donner confiance en moi et de me faire comprendre que j’avais peut-être une place, sans vouloir être prétentieuse. Il a vu ce que je pouvais faire de Lola, c’est ça le cadeau.
Elodie Bouchez : C’est vrai que c’est un beau cadeau qu’il te fait. Moi je ne savais pas à quoi m’attendre mais Alysson et Guillaume ne m’ont jamais fait me sentir au milieu d’un couple. On ne maîtrise pas les dates de sortie mais là, il y a sept films que j’ai tournés depuis trois ans et qui vont sortir. Pupille, c’était un très beau rôle que j’ai pris à bras le corps et qui a touché les gens au cœur. Il y avait quelque chose d’implacable et j’ai vraiment eu la chance qu’on écrive ce rôle pour moi. C’est vrai que cela a mis tout le monde d’accord. Et c’est vrai aussi que cela faisait longtemps à ce moment-là que j’attendais un beau rôle comme celui-ci. Cela prouve que dans ce métier il faut être patient. Je ne refuse vraiment que ce qui ne m’inspire pas et je le sais dès la lecture. Quand j’ai un doute, je rencontre le metteur en scène et quelque chose peut se révéler.