Alors que les lauréats 2023 de la Fondation Gan ont été annoncé jeudi, FrenchMania a eu envie de rencontrer Dominique Hoff, la dynamique déléguée générale de cette entité qui est, depuis plus de 35 ans, l’un des partenaires importants des talents émergents du cinéma français. Forte de 10 ans d’expérience à ce poste, elle revient pour nous sur les missions multiples de la Fondation et sur les projets qui ont séduit le jury, présidé cette année par le cinéaste iconoclaste Antonin Peretjatko.
Pouvez-vous rappeler les missions de la Fondation Gan ?
Dominique Hoff : On s’engage auprès de cinéastes émergents à suivre leur projet du scénario à la plateforme ou au DVD. Et, ce qui est aussi très important, c’est qu’ils entrent ensuite dans une véritable communauté de cinéastes primés, très vivante, à laquelle appartiennent des talents aujourd’hui confirmé comme Katell Quilleveré ou Tran Anh Hung pour ne citer que ceux qui sont dans l’actualité.
En quoi consistent les différentes aides qui ont été attribuées jeudi dernier ?
C’est une aide au développement de 53.000 euros qui est versée essentiellement au producteur, souvent avant le tournage. Il y a aussi une petite partie réservée au réalisateur qui est souvent en fin d’écriture. C’est un coup de pouce financier non négligeable qui s’accompagne d’un volet important de communication sur les projets avant, pendant et après le tournage. Ce travail de communication constitue ce que j’appellerais une forme de mécénat en nature. Cela concerne sept projets de long métrages chaque année ce qui nous permet d’entretenir une relation privilégiée avec les équipes et de les accompagner au mieux et nous sommes très fiers de cela. Par exemple, nous les aidons à mettre en forme des pitchs afin de continuer à convaincre d’autres acteurs du financement et nous accompagnons les sorties en salles de sujets filmés avec des images inédites et de grande qualité. Nous tenons beaucoup à une forme d’excellence dans la qualité de notre accompagnement quelque soient les canaux de diffusion utilisés. Et il ne faut pas oublier le volet interne car nous sommes au sein d’un groupe d’assurance qui est fort de 30.000 collaborateurs nous diffusons au sein de la filiale Gan Assurances, des informations exclusives et faisons gagner des places de cinéma. Cela donne une belle exposition aux projets.
Comment s’organise le travail de la Fondation au cours de l’année ?
Il y a chaque année deux appels à projets pour lequel nous mettons en place deux commissions. On invite les producteurs à déposer en ligne leurs projets. Il y a un premier appel à projets en décembre, puis une première plénière au printemps. Ensuite, il y a un deuxième dépôt possible au mois de juin qui permet d’avoir une deuxième plénière en octobre. Nous avons un comité de lecture dont je fais partie avec Hélène Auclaire, chargée de l’aide à la création qui travaille à mes côtés et cinq lecteurs externes qui sont également des professionnels du cinéma qui représentent un peu chacun une branche : Un distributeur, un scénariste, un producteur, quelqu’un issu de festival. Cela apporte la diversité des regards. Il y a différentes générations. Des hommes, des femmes. Cette réelle mixité des regards est très importante. Après, il y a le jury annuel qui est présidé par un ancien lauréat comme cela a été le cas cette année avec Antonin Peretjatko. Comme il est déjà passé par l’exercice, il peut se mettre à la place du réalisateur qui est en face et qui peut être stressé. Frédéric Farrucci, l’un des lauréats de cette année nous a dit avoir eu une vraie conversation de cinéma. C’est un retour qui nous fait plaisir ! Il y eu 120 scénarios déposés cette année, donc 60 par commission pour n’en retenir que quatre donc la sélection est rude.
La Fondation a également le privilège de donner chaque année un prix spécial qui permet de s’ouvrir à d’autres cinématographies ou des projets encore plus audacieux comme le sont les films d’animation, domaine d’excellence en France. Nous avons également un magnifique partenariat avec la Semaine de la critique à Cannes. Chaque année nous remettons un prix à l’un des films de la compétition depuis 2014. On a déjà hâte déjà d’être à Cannes l’an prochain. On se régale parce qu’on découvre des cinéastes d’autres cultures, d’autres pays. Nous avons primé cette année le film jordanien, Inchallah un fils et, dans ce cas, il s’agit d’une aide à la distribution de 20.000 euros. Nous avons également un partenariat avec le Festival international du film d’animation d’Annecy où nous avons décerné notre prix à la diffusion au film Linda veut du poulet !.
Pouvez-vous nous parler des lauréats 2023 annoncés jeudi dernier ?
Pour les quatre films lauréats de l’aide à la création de cette année, il y a un vrai point commun : le territoire où se déroule l’action est très, très important, voire central. Le premier, c’est le deuxième long métrage Frédéric Farrucci qui avait réalisé La Nuit venue en 2019. Le projet s’appelle Un Mohican et a été tourné cet été en Corse, terre de ses origines. Cela lui tenait très à cœur de faire un film sur ses racines et il raconte ici le combat entre un berger et la mafia. Il y a également le premier film de Louise Hémon, qui s’appelle L’Engloutie et qui se déroule en 1899, c’est l’histoire d’une jeune institutrice au début de l’école laïque et qui arrive dans un hameau très isolé où ne restent l’hiver que des hommes et les jeunes enfants. C’est un film un peu métaphorique avec un peu de fantastique et de mystère qui se passe dans les Hautes-Alpes. Autre territoire pour le premier long métrage de Lawrence Valin, Little Jaffna, puisque nous sommes dans la communauté tamoule de la Porte de la Chapelle à Paris. On est là dans un univers à la Internal Affairs et le réalisateur joue également le rôle principal. Un film d’action très fort qui parle aussi d’identité. Le quatrième film c’est La Couleuvre, le deuxième long de fiction d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux qui avait fait Vers la bataille au Mexique en 2021. Là, le film se situe en Colombie et c’est un récit très onirique sur la transmission, avec une fois de plus, le territoire au centre, comme un personnage important. Enfin le prix spécial a été remis à Ugo Bienvenu pour Arco, un projet de film d’animation de science-fiction, plutôt optimiste et assez loin des visions dystopiques auxquelles nous sommes habitués ces derniers temps ! L’action se situe entre 2932 et 2075.
Des projets plutôt audacieux pour ce millésime 2023…
Oui l’audace c’est important. Et on ne veut pas entendre, comme le disent certains, que trop de films sont produits chaque année en France, car plus il y a de films, plus on participe à la régénérescence des talents et à la richesse du cinéma français !