Vous êtes chanceux. Dès aujourd’hui, dans plus de 20 salles à travers la France, vous allez pouvoir faire la connaissance de Caiti. Justine Harbonnier a filmé cette jeune chanteuse et animatrice de radio dont le parcours personnel et chaotique se confond presque avec la crise identitaire que traversent les Etats-Unis. FrenchMania a échangé avec la réalisatrice au sujet de ce portrait intime qui mêle poésie, dépression et famille choisie. Elle nous raconte les dessous de ce voyage immobile extrêmement sensible découvert à Cannes, dans le belle sélection de l’Acid.
Qu’est-ce qui vous a mené sur le chemin de Caiti ?
J’ai fait des études de lettres un peu académiques, un master en littérature comparée, et je suis partie finir mes études à Montréal. C’est là que j’ai rencontré le cinéma documentaire qui me sortait du cadre universitaire et j’ai développé des projets de façon indépendante. J’ai rencontré Caiti en 2013 lors de mon premier court métrage dans lequel elle apparaissait. Elle m’a beaucoup marqué et j’avais beaucoup aimé la filmer. Trois ans plus tard, l’élection de Trump a changé le contexte politique américain et j’ai eu cette sensation qu’il fallait raconter cette période un peu sombre pour les gens de ma génération, l’idée d’un futur bouché. J’ai repensé à Caiti, je savais qu’elle avait choisi de partir vivre dans un endroit un peu en marge de tout ce qu’elle avait connu jusqu’alors, à Madrid au Nouveau Mexique. J’ai eu envie de la retrouver dans ce moment particulier pour elle et le pays.
Elle a accepté tout de suite le principe de ce portrait assez intime ?
Oui tout de suite. Je suis arrivée avec une caméra, ce qui nous a rappelé ces moments en 2013 où il y avait déjà une caméra entre nous. Le dispositif était naturel entre nous. Elle était consciente de ce qui m’intéressait chez elle, elle était à la fois très réceptive et très disponible. Ce n’a pas été toujours le cas par la suite mais il y avait un désir très fort de sa part de participer à la création d’une histoire autour de sa vie.
Caiti est chanteuse mais également une femme de textes qui écrit beaucoup, comment s’est posée la question de la mise en valeur de la parole, des textes, de l’écriture dans le film ?
C’est une très bonne question car c’est un élément qui a été très important pour moi et auquel j’ai beaucoup réfléchi pendant le tournage du film. Assez rapidement, il y a eu cette idée qu’il y avait deux formes d’expression principale : l’écriture de ses chansons, de ses textes et l’émission de radio qu’elle animait. J’ai travaillé sur l’expression de soi et les moyens d’accès à son monde intérieur en me posant la question du dispositif. Il a fallu que tout passe majoritairement par ces deux biais. Par exemple, on a beaucoup travaillé ensemble en amont sur les textes qu’elle dit à la radio.
Comment va-t-elle aujourd’hui, est-elle sortie de cette période de blues ?
Elle est à un endroit très différent de sa vie. Ses problèmes d’addiction à la drogue et à l’alcool qui sont un peu présents dans le film sont résolus. Elle est sobre depuis trois ans et cela a radicalement changé sa vie. Elle est aujourd’hui vraiment dans une reprise en main de sa vie et maîtrise beaucoup mieux ses émotions. Elle a désormais les deux pieds plus ancrés dans le sol et a retrouvé une forme de naturel. Elle a passé un concours pour être professeur et elle enseigne le chant à des collégiens. Et, bien sûr, elle continue à faire de la musique comme passe-temps et moins comme un objectif de carrière.
Un film de Justine Harbonnier avec Caiti Lord. En salles le 19 juillet 2023 – 1h24 – France – Shellac Distribution