Rencontre avec Elsa Diringer, réalisatrice de Luna et la comédienne Laëtitia Clément : “L’envie de départ c’était d’être du côté d’une méchante”
Après la critique du film publiée hier (Critique de Luna), voici aujourd’hui une interview de la réalisatrice Elsa Diringer et de sa comédienne principale et débutante Laëtitia Clément, réalisée aux Œillades d’Albi en novembre dernier.
FrenchMania : C’était un défi d’écriture de rendre le personnage central du film aussi peu aimable au début ?
Elsa Diringer : Au démarrage de l’écriture, j’étais partie sur deux points de vue, celui de la fille et celui de la victime et je me suis vite aperçue que je m’intéressais plus au personnage de la fille. J’avais plus d’idées car moi-même j’étais dans une forme d’étonnement par rapport à ce personnage, une sorte de défiance qui renforçait mon intérêt. Du coup, j’ai assumé de n’être que de ce point de vue-là. J’ai écrit pendant la période des attentats à Paris, et on a vite fait de mettre des gens dans des catégories, de dire “ces gens sont des monstres” mais, même si là c’est un cas différent (un viol dont l’héroïne est complice, Ndlr), ce ne sont pas des monstres mais bien des humains. Et il faut du coup s’emparer de ce sujet, voir comment rattraper un personnage comme celui-là. Je ne voulais pas être dans une position de rejet mais plutôt dans une interrogation : “Comment elle peu changer ? Est-ce qu’on peut lui pardonner ?“. L’envie de départ c’était d’être du côté d’une “méchante”.
Pour un premier rôle, c’est aussi un défi, non ?
Laëtitia Clément : Au départ, cela a été compliqué pour moi ! A la lecture du début du script je me suis dit “On va me détester, je vais être lynchée c’est pas possible !” mais c’est son évolution tout au long du film qui m’intéressait. Elle se sépare des personnes qui ont une emprise négative pour elle et c’est une nouvelle Luna qui apparaît. Elle est enfin elle-même, une personne sensible et sensée et c’est ça que j’ai aimé vraiment jouer. Il fallait que je comprenne cette évolution pour l’incarner.
Aviez-vous déjà un visage en tête à l’écriture ?
Elsa Diringer : Oui je voyais une fille brune, mate de peau, une méditerranéenne. Luna est un prénom espagnol donc je me racontais le personnage comme cela. Et j’ai vu Laëtitia au casting et je n’ai plus pensé à quelqu’un d’autre ! (Laëtitia Clément est blonde aux yeux bleux, Ndlr). Elle est devenue Luna.
Laëtitia Clément : J’ai été repérée lors d’un casting sauvage. J’ai accepté, cela m’intriguait et je me disais que c’était une expérience à tenter. Je l’ai passé, j’ai aimé et cela a pris une tournure que je n’aurais jamais imaginé !
Et comment s’est fait le choix de Rod Paradot ?
Elsa Diringer : Ma directrice de casting est Elsa Pharaon (qui a découvert Paradot pour La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, Ndlr) et elle pensait à lui depuis le début. Moi je souhaitais trouver un garçon du sud en casting sauvage. Mais le rôle était compliqué et il fallait une distance et donc une expérience significative. Mais Rod, dans La Tête haute est très dur, plutôt viril et nerveux, et moi je voulais quelqu’un de doux, de plutôt romantique et en fait j’ai découvert qu’il était capable de jouer cette fragilité , ce côté enfantin.
Et comment s’est passé la rencontre avec ce partenaire de jeu ?
Laëtitia Clément : Avec Rod, on a accroché directement, on s’est très bien entendu. Et c’est même devenu un ami. Il y a des gens qu’on rencontre et qu’on a l’impression d’avoir toujours connu ! Après, il a son caractère, j’ai mon caractère et parfois, avec le stress, c’était un peu explosif mais cela n’arrive que quand on aime les gens ! On a été très complices et cela se voit à l’écran.
Et cette univers, la périphérie de Montpellier, les champs environnants vous était familier à toutes les deux ?
Elsa Diringer : Pour moi, oui. J’ai grandi à Montpellier entre 8 et 18 ans donc j’avais en tête ces images, ces accents, ces jeunes qui trainaient en mobylette en bas de chez moi. J’aimais beaucoup cette campagne autour de Montepllier et j’avais très envie de tourner là. Je ne voulais pas filmer le Montpellier de carte postale, je n’ai jamais cherché les beaux endroits, on tournait plutôt près du Leclerc de Saint-Jean-de-Védas ! J’adore le cinéma anglais parce qu’on va à Manchester, dans des bleds avec des accents. J’ai adoré Party Girl qui se passe en Lorraine. J’aime le cinéma local ! Je n’aime pas les films qui pourraient être tournées n’importe où !
Laëtitia Clément : Moi je suis de Nîmes et Montpellier et Nîmes, c’est un peu la même chose. Le sud, les scooters et la fête. Et je vis à la campagne donc j’étais à ma place.
Propos recueillis par Franck Finance-Madureira