Plan-plan à trois
Il faut à peine vingt minutes pour se rendre compte du naufrage. Jacques Doillon s’attaque à Rodin, mais l’angle du portrait qu’il lui taille est flou. Le sculpteur a 40 ans lorsque l’Etat lui commande officiellement une oeuvre dantesque : La Porte de l’Enfer, inspirée de la Divine Comédie. Entre les caprices de sa maîtresse, Camille Claudel (Izia Higelin), les souffrances de sa femme, Rose (Séverine Caneele), et la pression qui pèse sur ses épaules, Rodin (Vincent Lindon) fatigue. Tout comme Jacques Doillon qui se perd dans les sillons de l’académisme barbant, tant au niveau de la mise en scène qu’au niveau du scénario. Izia Higelin articule mal et rend Camille Claudel encore plus hystérique qu’elle ne l’était, quant à Vincent Lindon, il joue des pouces, plisse les yeux, touche l’écorce des arbres avec amour et prend la pose du penseur quand son personnage doute. Portrait d’un artiste au travail et d’un homme volage qui a du mal à assumer ses responsabilités, Rodin donne, une fois le générique tombé, l’impression de sonner creux. La passion de l’artiste n’est guère communicative, Doillon préférant miser sur ses parties de jambes en l’air avec Camille, Rose et les modèles de son atelier. Si le dernier quart d’heure se concentre davantage sur le rapport intellectuel, humain, charnel et mystique que Rodin entretenait avec ses créations/créatures, le reste du film tire sur le mélo, et en longueur. Un détail pour les uns, un problème pour d’autres : les corps des femmes se plient à toutes les exigences de Rodin, et Doillon les filme sous toutes les coutures, tandis qu’on ne voit qu’un modèle masculin le bidon à l’air, les jambes couvertes d’un pantalon (modèle qui sert à la sculpture de Balzac). Jamais vous ne verrez d’Apollon, seulement des nymphettes. Choix irritant.
Réalisé par Jacques Doillon. Avec Vincent Lindon, Izia Higelin, Séverine Caneele. Durée : 1h59. En salles le 24 mai 2017.