La Cinémathèque française accueille jusqu’au 31 juillet une exposition dédiée à Romy Schneider, femme libre et fougueuse perçue uniquement dans le cadre de son travail… pour une fois.
Une expo sur une star qui ne parle ni de sa beauté, ni de ses amours, ni des tragédies qui ont jalonné sa trop courte vie ? Il y a fort à parier qu’elle n’aurait jamais pu exister il y a seulement dix ans.
Certes, l’estampille “Cinémathèque française” garantit une approche exigeante, loin des dérives lacrymales de la presse à sensation. Il est probable, néanmoins, que le bouillonnement féministe actuel ait gentiment favorisé cette audace. Tant mieux ! Il n’est pas courant que ce haut lieu de la cinéphilie consacre une manifestation toute entière (expo + rétrospective + conférences) à une actrice populaire, pas plus qu’il n’est habituel de ressusciter une légende uniquement par le biais de ses rencontres professionnelles, de ses tournages et/ou de ses combats. Précisément, confiait Clémentine Deroudille, la journaliste et réalisatrice qui a conçu et organisé cette expo, le jour du vernissage : « j’ai voulu la remettre là où elle était la plus heureuse : au travail ».
Forger son propre destin
Bonne pioche : ce « woman gaze » inattendu se tient. Et plutôt bien ! Sur le fond, l’ « événement Romy Schneider » permet de dresser deux constats intéressants. Primo, même 40 ans après sa mort (le 29 mai 1982, à l’âge de 43 ans), cette enfant de la balle, née en Autriche tout juste un an avant la Seconde guerre mondiale, est toujours l’une des actrices les plus aimées du public français (merci les multi-rediffusions télé !). Deuxio, peu d’actrices européennes de sa génération peuvent se prévaloir d’avoir travaillé avec Alain Cavalier, Luchino Visconti, Orson Welles, Henri-Georges Clouzot, Claude Sautet et Andrzej Zulawski, parangons du cinéma d’auteur, tout en cartonnant avec les films grand public de Jacques Deray ou de Francis Girod (uniquement des cinéastes hommes, soit dit en passant…).
Autant de raisons pour que notre enthousiaste commissaire d’exposition veuille nous faire redécouvrir « la femme libre, fougueuse, amoureuse de son métier » qu’a été (également) Romy Schneider. Celle-là même qui a pris de vrais risques – après le succès écrasant des Sissi à la mi-temps des années 50 – pour forger elle-même son parcours, choisissant son pays (la France, avec une rapide incartade aux Etats-Unis) et ses auteurs, à une époque où le 7e art façonnait encore ses vedettes féminines à la façon de poupées écervelées. Et celle-là même, ne l’oublions pas, qui a démarré sa carrière à 15 ans et n’a jamais cessé de tourner jusqu’à la fin de sa vie tourmentée.
Un engagement absolu
La dynamique de l’expo, construite de façon chronologique, s’appuie d’ailleurs essentiellement sur le désir grandissant, irrépressible, de Romy Schneider d’affirmer sa liberté. On est bel et bien dans un processus d’émancipation, loin du pathos victimaire qui lui colle trop souvent à la peau. Il est vrai que des Alpes bavaroises à Paris, de l’emprise de sa mère (Magda Schneider, elle-même actrice) aux hommes qu’elle s’est choisis (avec Alain Delon, Luchino Visconti et Claude Sautet en guise de Sainte Trinité), la comédienne n’a jamais eu peur des changements de cap !
Sur la forme, ce qui frappe, par-delà la scénographie un peu banale donc décevante, c’est l’abondance et parfois la rareté des archives qui nous sont présentées. Quelques costumes, mais surtout des images de toutes sortes (elle fut, avec Marilyn Monroe, l’une des femmes les plus photographiées de son époque) : affiches, photos splendides réalisées en studio et signées par de grands noms, photos de tournage souvent rieuses, photos issues de collections privées, extraits de films peu connus… Sans compter les lettres manuscrites, télégrammes et autres petits mots à ses réalisateurs, qui racontent peut-être mieux encore cet engagement si absolu dans son métier.
Une phrase extraite de son journal résume assez bien cette vie virevoltante quoique déterminée, tout autant qu’elle l’éclaire in fine : « En réalité, j’étais simplement en avance sur mon temps. A une époque où il n’était encore nulle part question de libération de la femme, j’ai entrepris ma propre libération. J’ai forgé moi-même mon destin, et je ne le regrette pas ». Nous non plus.
Exposition Romy Schneider à la Cinémathèque française, du 16 mars au 31 juillet 2022. 51 rue de Bercy, Paris 12e arr. Tarifs : 12 € (plein tarif) et 9, 5€ (tarif réduit). Réservation obligatoire. Billets en vente sur cinematheque.fr et fnac.com